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Une ribambelle d'OGM dans les cartons Une ribambelle d'OGM dans les cartons

En 2009, le recul des cultures OGM en Europe contraste avec la progression enregistrée dans le monde. Mais les récentes décisions de Bruxelles pourraient inverser la tendance.

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Le remaniement de la Commission européenne, débarrassée des oppositions internes, laisse les coudées franches à son président. José Manuel Barroso souhaite débloquer les procédures d'autorisation paralysées par les divergences d'opinion entre les Etats membres. La gestion du dossier, retirée de la direction de l'Environnement, a été confiée au nouveau commissaire à la Santé, John Dalli. Ce dernier déclarait récemment : « Nous devons aller de l'avant dans l'ère des nouvelles technologies. »

 

Pour la première fois depuis 1998 (autorisation du maïs Mon 810), Bruxelles a donné son feu vert, le 2 mars 2010, à la mise en culture d'un OGM. Propriété du groupe allemand BASF, la pomme de terre Amflora est réservée à l'industrie féculière, à l'exception des coproduits utilisables en alimentation animale. Une présence fortuite est admise dans les filières d'alimentation humaine jusqu'à 0,9 %. Très « Grenelle », Amflora permet de diminuer les coûts de production. Le fait qu'elle soit uniquement destinée à quatre pays intéressés par cette technologie n'a pas empêché les autres de réagir, parfois vivement. Depuis sa mise au point, il y a treize ans, Amflora a pourtant passé avec succès toutes les étapes de la procédure d'autorisation. Dès lors, pourquoi un tel tollé ?

 

D'abord, parce que derrière Amflora, pas moins de 17 produits attendent une autorisation de culture, et 44 autres une autorisation d'importation, d'après EuropaBio (lobby européen des biotechnologies). Les prochains sur la liste sont les maïs Bt 1507 et Bt 11, propriété respective de l'américain Pioneer et du suisse Syngenta. Synthétisant une toxine Bt, ce sont des concurrents de Mon 810, qui attend le renouvellement de son autorisation. Juste derrière pointe le maïs NK 603 de Monsanto, tolérant au Roundup. Tous les trois ont déjà reçu un avis positif de l'Agence européenne de sécurité des aliments (Efsa). D'ici à 2011, BASF doit déposer deux autres demandes pour des pommes de terre. Enfin, l'autorisation d'importer trois nouveaux maïs dérivés de Mon 863 a été occultée par le dossier Amflora, mais on la soupçonne d'être une première étape avant leur mise en culture.

Progression à plusieurs vitesses

Pendant que l'Europe tente de surmonter ses contradictions, les OGM poursuivent leur progression dans le monde (+7 % entre 2008 et 2009). Si les Etats-Unis, le Brésil et l'Argentine totalisent 106,7 millions d'hectares de cultures transgéniques (85 % de la surface mondiale), ailleurs, les petits producteurs des pays en développement sont les principaux utilisateurs d'OGM. Après les plantes Bt et celles résistantes à un herbicide, les nouveaux OGM seront résistants à la sécheresse, enrichis en éléments nutritifs...

Si l'Europe ne semble pas prête à les accueillir, les projets affluent déjà sur d'autres continents. Un certain nombre de plantes sont déjà prêtes – y compris dans les laboratoires européens. L'étape suivante est du ressort de la politique.

Indifférente à l'essor des OGM dans le monde, la France ne veut « plus d'autorisation d'OGM sans le renforcement de l'expertise scientifique communautaire ». En effet, les avis rendus par l'Efsa sont toujours sujets à controverse. Exaspérée, l'Association française des biotechnologies végétales dénonce « la suspicion récurrente, démagogique et humiliante [...] de l'intégrité des scientifiques des différentes autorités françaises et européennes ».

Mais même sans mettre en cause sa bonne foi, certains scientifiques regrettent que l'Efsa fonde ses avis sur les données fournies par le demandeur. D'autres jugent la durée des tests trop courte et l'analyse statistique inadéquate. Par ailleurs, les ministres de l'Environnement avaient demandé, lors du Conseil européen du 4 décembre 2008, une meilleure prise en compte de l'impact environnemental et des effets socio-économiques. Le 5 mars 2010, l'Efsa a lancé une consultation publique sur son nouveau document d'orientation, qui renforce l'évaluation des risques environnementaux et consolide les exigences relatives à l'expérimentation, la collecte et l'analyse de données.

Aujourd'hui, la Commission souhaite laisser plus de latitude aux Etats membres. Elle continuerait d'avoir le dernier mot lorsque les experts et les ministres échouent à réunir une majorité qualifiée. Mais les cultures OGM approuvées par l'UE pourraient être refusées par les Etats sans nécessairement motiver une clause de sauvegarde.

 

Des OGM humanitaires ?

Dans les pays en développement, les OGM apparaissent comme un moyen de lutter contre la malnutrition. Les scientifiques cherchent à limiter les pertes de rendement en introduisant des caractères de résistance aux virus, bactéries et insectes et de tolérance à la sécheresse. Ils souhaitent aussi enrichir les produits agricoles en éléments nutritifs.

Des projets internationaux réunissent des scientifiques autour d'espèces comme le riz, le manioc, le maïs et la tomate, avec à la clé la promesse de distribuer des semences sans frais de licence. Le Nigeria a récemment donné son feu vert pour des essais de plein champ de manioc OGM.

D'autres OGM font un fiasco. En Inde, l'aubergine Bt promettait de réduire de moitié les pertes dues aux insectes. Elle a été refusée en raison de « l'absence de consensus au sein de la communauté scientifique », mais aussi pour ne pas laisser à Monsanto le contrôle de la chaîne alimentaire, selon le ministre indien de l'Environnement. En Chine, le riz OGM rencontre des réticences. « Prendre l'initiative de modifier génétiquement l'aliment de base de 1,3 milliard d'êtres humains est risqué », explique-t-on.

 

 

 

Avis : JEAN-MARC PETAT, directeur des filières, de l'environnement et de la communication chez BASF

 

« Des écarts de compétitivité pourraient se creuser »

Qu'apporte Amflora ?

Elle permet des économies d'eau et d'énergie en optimisant le procédé industriel. Et s'il y a des économies, les producteurs en bénéficient. Cela pourrait creuser des écarts de compétitivité entre les pays utilisant ou non cette technologie.

En France, les industriels pourraient être intéressés, mais le problème est politique. Le dossier a été étudié pendant treize ans, et certaines questions ont été posées quatre fois... Il faut donc accepter le verdict de l'Efsa. Il est légitime de répondre aux questions du grand public, mais nous avons besoin de sérénité pour lui expliquer ce qui se passe et évaluer de façon lucide les avantages de cette technologie.

Certains s'inquiètent de la présence du gène nptII...

Le gène nptII est un marqueur de résistance à la kanamycine. Il est utilisé à un stade précoce pour différencier les lignées, car le gène qui nous intéresse lui est associé. On le retrouve naturellement dans l'environnement et dans les organismes. Cette technologie ne va pas modifier la situation actuelle en termes de résistance à la kanamycine. Et on ne retrouvera plus le gène nptII dans les prochaines pommes de terre, car la technologie a évolué. 

Vous allez déposer deux autres dossiers en 2011 ?

Le premier concerne une pomme de terre résistante au mildiou. Elle a été testée dans cinq pays. La France avait refusé. Elle n'a donc jamais été exposée aux races de mildiou françaises. Si on ne peut pas la tester dans nos conditions, cette innovation passera à côté de la France. Or elle permet pratiquement de se passer de fongicides sur pomme de terre, sauf pour la lutte contre Alternaria. Le deuxième dossier concerne une pomme de terre pour l'industrie, qui devrait succéder à Amflora. 

Y a-t-il d'autres projets ?

Nous prévoyons la sortie de la première variété de maïs résistant à la sécheresse en 2012, aux Etats-Unis. Ce projet ne concerne pas l'Union européenne. Pour une échéance plus lointaine, nous travaillons sur l'amélioration des qualités nutritives du colza.

 

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