Coup de froid sur les tarifs du photovol Coup de froid sur les tarifs du photovoltaïque
L'arrêté du 12 janvier 2010 fixe de nouvelles conditions tarifaires pour la vente d'électricité solaire à EDF. Elles mettent à mal les projets photovoltaïques sur les bâtiments agricoles.
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Attendus depuis un an, les nouveaux tarifs de l'énergie photovoltaïque ont été publiés au Journal officiel du 14 janvier 2010. Selon les situations, les prix de vente à EDF baissent de 17 ou 30 % par rapport aux tarifs précédents. De quoi compromettre de nombreux projets, dont dépendent des stratégies globales d'exploitation. Et l'Etat annonce que le nouvel arrêté sera rétroactif pour les dossiers incomplets à compter du 1er novembre 2009...
L'horizon s'assombrit pour le solaire agricole. Pour de nombreux agriculteurs souhaitant installer des toitures photovoltaïques, les nouvelles conditions tarifaires mettent leurs projets en péril. Dans la plupart des cas, elles signent l'arrêt des démarches.
L'arrêté du 12 janvier 2010 détermine les nouveaux tarifs auxquels seront soumises les installations mises en service à partir du 14 janvier 2010. La profession agricole fait le deuil des 0,60 €/kWh attribués aux panneaux intégrés au bâti. Elle peut désormais bénéficier de trois tarifs (voir l'infographie).
Le plus élevé atteint 0,50 €/kWh, soit une diminution de 17 % par rapport à la tarification antérieure. Mais l'obtenir réclame de satisfaire à des critères restrictifs. Le bâtiment doit être âgé d'au moins deux ans lorsque l'on y installe le système photovoltaïque.
Il faut que ses faces latérales soient closes. Les panneaux doivent être intégrés dans le plan de la toiture et assurer l'étanchéité. En clair, des constructions de type poulaillers et porcheries de plus de deux ans seront éligibles. Pas les stabulations et autres hangars de stockage.
Les autres bâtiments agricoles pourront au mieux recevoir la prime d'intégration simplifiée au bâti, donnant un tarif de 0,42 €/kWh, de 30 % inférieur au précédent. A condition d'installer les modules dans le plan du toit et qu'ils remplissent la fonction d'étanchéité.
La fin des « bacs en acier »
Les panneaux montés sur des bacs en acier seront acceptés pour bénéficier des tarifs de 0,50 et 0,42 €/kWh en 2010. A partir de 2011, il faudra se tourner vers des solutions techniques plus compliquées... et donc plus coûteuses.
Le troisième tarif concerne les installations non intégrées au bâti et les centrales au sol. Les projets d'une puissance inférieure à 250 kilowatts-crête (kWc) recevront 0,314 €/kWh. Au-delà, le tarif est indexé par un coefficient départemental selon le rayonnement solaire annuel moyen.
Ainsi, les tarifs atteignent leur maximum (0,377 €/kWh) dans la Somme, la Meuse et le Pas-de-Calais. L'objectif est de répartir ces centrales sur le territoire afin d'éviter leur concentration dans le sud de la France. Parmi les ombres au tableau figure le cas des panneaux mis en surimposition des toits. Après le discours de Jean-Louis Borloo en septembre 2009, ce type de montage semblait promis à un tarif autour de 0,45 €/kWh. L'arrêté lui octroie le tarif de base.
Flou juridique à éclaircir
Voilà pour les termes principaux. Mais l'arrêté ne mentionne pas une information capitale fournie par le ministère de l'Ecologie. Ce dernier déclare en substance que « les projets pour lesquels la demande d'achat de l'électricité a été formulée à compter du 1er novembre 2009 et n'ayant pas fait l'objet d'une demande complète de raccordement au réseau public le 11 janvier 2010 » seront encadrés par les nouvelles conditions tarifaires. Pour faire court, le nouvel arrêté est rétroactif à partir du 1er novembre 2009.
Les porteurs de projets pensant bénéficier des 0,60 €/kWh en instruisant leur demande entre novembre 2009 et la publication du nouvel arrêté ne sont plus sûrs de rien.
Ils n'ont plus qu'à attendre un texte de loi, peut-être sous forme d'une circulaire, qui devrait prochainement éclaircir ce point. Il semblerait que les personnes ayant reçu l'accord d'obligation d'achat et envoyé une demande complète de proposition technique financière à ERDF (1) soient éligibles aux anciens tarifs.
Les nouvelles conditions jettent un grand froid sur les projets d'installation photovoltaïque agricole. Elles réduisent leur rentabilité. Et quand le photovoltaïque agricole s'enrhume, nombreuses sont les fermes qui toussent. La grande majorité des projets auraient permis de financer le développement d'exploitations, au mieux d'assurer une source de revenu supplémentaire.
La réduction des tarifs allonge les temps de retour sur investissement, et cela malgré des coûts d'installation en baisse régulière depuis deux ans. Nombre d'agriculteurs gèleront leur projet, faute d'une rentabilité satisfaisante.
Les banquiers seront encore plus frileux qu'aujourd'hui pour financer de tels investissements. Banquiers et assureurs risquent d'être refroidis par les nouvelles dispositions techniques, en particulier au sujet des projets sollicitant les 0,50 €/kWh.
Ces derniers concernant des bâtiments vieux de plus de deux ans, les partenaires financiers seront susceptibles de demander des garanties, sous forme d'une attestation d'expert par exemple, assurant la capacité de l'édifice à supporter les modules.
Les centrales au sol encouragées
Autre constat : le soleil ne brille plus de la même façon pour tout le monde. L'exclusion des bâtiments neufs, même clos et couverts, du tarif de 0,50 €/kWh crée des inégalités face à l'investissement, en particulier chez les jeunes exploitants. Le déséquilibre sera encore plus criant entre les agriculteurs et les investisseurs.
En établissant un faible écart entre le tarif de base et celui attribué aux systèmes en « intégration simplifiée au bâti », l'arrêté du 12 janvier 2010 menace le foncier agricole. Les centrales au sol, moins coûteuses à installer, entreront en concurrence avec les projets sur bâtiments neufs. Les investisseurs lorgnent déjà sur les terres agricoles...
Les réactions du monde agricole ne se sont pas fait attendre. Qu'elles viennent des chambres d'agriculture, des syndicats ou des agriculteurs, les contestations concordent. Les disparités de tarifs entre les projets, l'effet rétroactif de l'arrêté et la menace constituée par les centrales au sol cristallisent les mécontentements.
Sans parler de la façon dont le ministère de l'Ecologie, par médias interposés, a montré du doigt une spéculation « massive dans le secteur agricole » pour justifier la rétroactivité du nouvel arrêté. La grogne monte et pourrait bien s'inviter dans les meetings électoraux.
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(1) Electricité réseau distribution de France
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Témoignage : GABRIEL FONQUERNE, exploitant à Alzonne, dans l'Aude
« Avec notre dossier déposé peu avant Noël, nous sommes dans l'expectative »;
« Nous projetons la construction d'un hangar de stockage pour le matériel et les céréales. Nous souhaitons l'équiper d'une toiture photovoltaïque, un investissement qui financerait le bâtiment. Nous travaillons avec deux intervenants : un fabricant de hangars métalliques et Tolosol, une entreprise qui pose des panneaux solaires.
Le projet s'élèverait à 1,350 million d'euros. Mais les nouvelles conditions tarifaires pourraient remettre en cause notre projet. Nous avons déposé notre demande d'obligation d'achat et notre proposition technique et financière peu avant Noël, dans le fameux créneau compris entre le 1er novembre 2009 et le 11 janvier 2010.
Nous ne savons pas encore si nous bénéficierons des tarifs de 2009, qui seraient de 0,60 €/kWh, ou des nouveaux, qui seraient de 0,42 €/kWh. Si nous n'obtenions pas les 0,60 €/kWh, la construction du hangar serait remise en cause, les calculs à reconsidérer.
Nous avons besoin d'un tel bâtiment, mais un tarif de 0,42 €/kWh compromettrait son financement. Il retarderait nos perspectives de développement. On nous parle d'une baisse des coûts du kilowattheure installé, mais il est difficile d'estimer si elle compensera des recettes réduites de 30 % par rapport au tarif précédent. »
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Témoignage : DOMINIQUE GEORGE, éleveur de bovins à Montreuil-en-Touraine, dans l'Indre-et-Loire
« Un investisseur préférera les installations au sol »
« Après une formation avec la chambre d'agriculture, en décembre 2009, je suis entré en contact avec une société qui m'a proposé de construire un hangar de stockage couvert de panneaux photovoltaïques dans mon exploitation, financé par des investisseurs (EDF, GDF, financiers...).
Je mets à disposition un terrain à bail pour construire un bâtiment de 2.000 m² avec 1.360 m² de panneaux orientés plein sud, que des investisseurs financent grâce aux revenus de la vente d'électricité. J'aurai la jouissance gratuite du hangar pendant vingt ans, puis j'en deviendrai propriétaire.
Avec les conditions tarifaires de 2009, le loyer versé aurait été de 3,50 €/m², frais d'assurance déduits.
Même si la baisse des tarifs devait réduire ce montant, je suis prêt à poursuivre le projet : peu importe le loyer, ce qui m'intéresse c'est de pouvoir utiliser un bâtiment que je n'ai pas eu à financer.
Toutefois, avec la nouvelle donne, je pense que les investisseurs auront beaucoup plus intérêt à investir dans des grandes centrales au sol plutôt que dans des petites installations réparties sur le territoire, mais attention à préserver les bonnes terres. » (Juliette Talpin)
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Témoignage : XAVIER MARCHAL, éleveur de brebis à Réchicourt-la-Petite, dans la Meurthe-et-Moselle
« L'avenir de mon élevage ovin est menacé »
« L'an dernier, j'organisais l'agrandissement de mon élevage ovin pour mieux valoriser mes droits à produire. Cela passait par la construction d'une bergerie. Je voulais en profiter pour mécaniser l'atelier et le mettre en conformité vis-à-vis de mon groupement d'achat. Mais les études économiques montraient que l'investissement ne serait pas rentable.
En septembre est née l'idée de placer des panneaux solaires (155 kWc) sur la toiture de la future bergerie. Les revenus financeraient une partie du bâtiment. J'ai créé une SARL pour supporter la fiscalité de l'activité photovoltaïque, choisi un installateur et déposé un dossier de permis de construire en novembre.
Par contre, la proposition technique et financière n'est pas prête. Etant éligible aux 0,42 €/kWh et non pas aux 0,60 €/kWh, mon projet n'est plus viable. Il l'aurait été avec un coût d'installation de 2,35 €/Wc. Dans mon département, ils atteignent 3,80 €/Wc...
Les 8 000 euros hors taxes que j'ai engagés pour le permis de construire, les études et la création de la SARL sont perdus, sans compter le paiement pour dissoudre la société ni le temps passé pour conduire le projet. Au-delà, c'est l'avenir de mon élevage de 210 brebis, peu rentable, qui est compromis. Ma capacité d'investissement limite mes perspectives de développement.
Aujourd'hui, j'éprouve un sentiment d'injustice concernant la rétroactivité du nouvel arrêté. Comme d'autres agriculteurs, je déplore l'hypocrisie et l'inconséquence du gouvernement, qui nous a fait miroiter des possibilités de diversification avant de détruire nos projets, alors même qu'il a incité la profession à prendre position avant le 31 décembre 2009 afin d'obtenir les 0,60 €/kWh. Cet arrêté favorisera les projets au sol. C'est contraire au bon sens paysan. De plus, avoir un toit pour mes animaux en hiver est bien plus cohérent que d'offrir de l'ombre l'été dans les pâtures ! »
Tarifs à la baisse chez le poids lourd allemand
Le temps se couvre aussi sur les panneaux photovoltaïques de nos voisins européens. En Allemagne, leader mondial du secteur, le gouvernement veut entamer une réduction progressive des importantes subventions accordées au solaire. Prévue pour débuter le 1er janvier 2011, la baisse des aides commencera finalement le 1er avril 2010. Une réduction des subventions de 15 à 25 % est prévue. Le gouvernement allemand justifie cet empressement à réduire les aides par la baisse significative des prix de panneaux ces six derniers mois. Une baisse ponctuelle selon la DLG (société des agriculteurs), liée à des reports de stocks dans d'autres pays européens. Les tarifs devraient se situer entre 0,26 et 0,34 €/kWh en 2011. Seule consolation pour les agriculteurs allemands : ils bénéficient de la totalité des aides pour les panneaux en surimposition, rapides à mettre en place. |
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