Traitements de semences L'imbroglio continue (03-07-2009)
Dans l'attente du renouvellement de l'autorisation de Cruiser, des voies s'élèvent pour critiquer les instances d'évaluation.
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Michel Barnier a laissé à son successeur, Bruno Le Maire, plusieurs dossiers sur le feu. Celui portant sur Cruiser et les traitements de semences en général en fait partie.
Le 19 juin 2009, lors de la réunion du comité de suivi de la posthomologation de ce traitement de semences insecticide sur maïs, le ministère de l'Agriculture n'a en effet pas statué sur le renouvellement de son autorisation temporaire, délivrée le 17 décembre 2008 après beaucoup de tergiversations, et dans des conditions très strictes d'utilisation (pose de déflecteurs sur les semoirs...).
Cruiser ne peut plus être utilisé depuis le 15 mai dernier, mais son AMM (autorisation de mise sur le marché) est toujours valide. C'est en automne que la rue de Varenne devrait trancher. D'ici là, l'Afssa (Agence française de sécurité sanitaire des aliments) doit rendre un rapport en se fondant sur les différentes études en cours.
Parmi elles, le plan de suivi mis en place depuis deux campagnes à la demande du ministre. Ce plan est effectif cette année dans six régions (1), où «133 ruches font l'objet d'une surveillance sanitaire et de prélèvements réguliers tout au long de l'année afin de détecter toute trace de produits chimiques dans les abeilles ou les produits de la ruche (pains d'abeille, miel, larves)».
Les observations réalisées cet été auront donc toute leur importance. «Il va falloir tout recommencer dans quelques semaines, avec un nouveau cabinet et un nouveau ministre, pour obtenir une nouvelle homologation pour 2010 ou plus, si affinités, et ce ne sera pas simple, s'inquiète l'AGPM (producteurs de maïs). Mais que d'énergie, de temps et d'argent dépensés pour rien.»
Pour Denis Tardit, président de Syngenta agro qui commercialise Cruiser, «il est logique d'attendre que le plan de suivi soit terminé pour prendre une décision». Mais la firme espère une autorisation définitive et que l'interdiction d'utilisation sur une parcelle plus d'une année sur trois sera levée. «600.000 ha sont concernés par Cruiser cette année, avec un risque acceptable par rapport aux abeilles», estime Xavier Thévenot, en charge du dossier chez Syngenta.
Quant aux semenciers, ils demandent une réponse d'ici à octobre «afin de pouvoir travailler correctement» pour enrober les semences. Mais l'Unaf (Union nationale de l'apiculture française ) ne l'entend pas de cette oreille et a d'ores et déjà demandé au ministère de l'Agriculture, à la suite de la réunion du 19 juin, «de ne pas autoriser les insecticides systémiques, dont fait partie Cruiser» au regard des «problèmes des abeilles liés à l'usage des pesticides».
Quatre cas de mortalité
Christian Charles, agriculteur dans le Poitou-Charentes, utilise Cruiser sur la totalité de sa sole de maïs (15 ha en 2008 et 6 ha cette année à cause de la baisse de quota d'eau). Il fait partie du réseau de suivi, avec six ruches placées dans ses parcelles. «Aucune mortalité notoire n'a été observée. J'ai installé deux déflecteurs sur le semoir pour ramener la poussière devant», explique-t-il.
Des observations corroborées par un autre membre du réseau de suivi, Bernard Breuil, apiculteur dans la même région et secrétaire national du Syndicat des producteurs de miel de France (SPMF, professionnels).
A ce jour, quatre cas de mortalité d'abeilles auraient été constatés au niveau français lors des semis de maïs par la Brigade nationale d'enquêtes vétérinaires et sanitaires. Selon les analyses de l'Afssa , deux situés en Charente-Maritime et en Vendée seraient directement imputés au thiaméthoxam, matière active de Cruiser, du fait d'émission de poussières.
Et il s'en est fallu de peu pour que le produit soit interdit avant la fin des semis de maïs. Le 30 avril dernier, à la suite de ces deux cas de mortalité, l'Afssa a en effet été saisie en urgence par la Direction générale de l'alimentation pour émettre un avis sur un projet d'arrêté suspendant l'utilisation de semences de maïs traitées avec Cruiser.
Manque de confiance
Le 5 mai 2009, l'Afssa estimait que «les risques pour l'environnement liés à l'utilisation de cette préparation sont considérés comme acceptables» et ne recommandait pas les mesures prévues dans le projet d'arrêté ministériel. Mais l'Unaf met en doute la crédibilité de l'Afssa pour formuler un avis pertinent sur la disparition des abeilles».
Le SPMF exprime aussi son manque de confiance dans l'instance d'évaluation: «L'analyse de ces intoxications par les pouvoirs publics n'est pas satisfaisante. Il est nécessaire de continuer les investigations et que toutes les informations soient données... ce qui ne semble pas être le cas jusqu'à présent. Le suivi doit être poursuivi selon le calendrier prévu, mais si la clarté, la transparence et la fiabilité de l'interprétation des analyses scientifiques ne sont pas au rendez-vous, l'Administration fera de ce suivi un échec.»
Lors d'un colloque organisé par l'Afssa le 17 juin 2009, certains intervenants ont souligné la nécessité de revoir les tests de toxicité des produits phyto sur les butineuses pour lever les doutes autour de certaines molécules. Le dossier est donc loin d'être bouclé.
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(1) Midi-Pyrénées, Rhône-Alpes, Aquitaine, Alsace, Poitou-Charentes et Limousin.
L'institut technique apicole est sur les railsBeaucoup comptent sur la création de l'institut technique apicole pour réinstaller la confiance au sein de la filière entre apiculteurs, agriculteurs et scientifiques. La transformation juridique du CNDA (1) en institut technique, comme préconisé par le ministère de l'Agriculture en mai dernier, devrait intervenir en octobre prochain. Le conseil scientifique doit encore être élaboré. Quant au conseil d'administration, il serait déjà calé, avec une forte implication du monde agricole (Coop de France, JA, FNSEA, APCA, Coordination rurale, Confédération paysanne...). Un réseau d'épidémiosurveillance devrait être mis en place à l'instar de celui qui existe depuis quinze ans en Angleterre et au Pays de Galles. Il reste à trouver les financements. _____ |
Plus de 600.000 hectares en 2009Le traitement de semences Cruiser est autorisé sur maïs grain, maïs ensilage et porte-graine femelle pour lutter contre les taupins et les oscinies. Il a été utilisé sur plus de 600.000 hectares en 2009, contre environ 150.000 hectares l'an dernier. Cette année encore, l'AGPM signale des disparitions de pieds dans de nombreuses parcelles, notamment dans les deuxièmes vagues de semis. L'institut estime que, sur les 3 millions d'hectares (Mha) de maïs en France, 2 Mha nécessitent une protection contre les ravageurs du sol. Pour la moitié où la pression est relativement faible, l'utilisation de microgranulés est suffisante. Pour l'autre moitié à forte pression, un traitement de semences est recommandé. Dans les terres noires, une double protection (microgranulés + traitement de semences) est parfois nécessaire. |
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