Pac L'après-2013 se profile
Depuis plusieurs mois, l'échéance de 2010 est attendue avec appréhension, car c'est l'année de révisiondu budget global de l'Union européenne.
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« Avant la crise économique et financière, les Etats membres ne voulaient pas augmenter leur contribution. Depuis la crise, ils ne le peuvent plus », souligne Alain Lamassoure, président de la commission des budgets du Parlement européen.
Il propose plusieurs pistes novatrices pour revoir complètement les ressources affectées au budget européen et sortir de la logique infernale du juste retour pour les Etats membres (lire l'interview de Jean-Chrisphe Bureau).
Dans ces conditions, tous les regards se tournent vers la Pac, la politique agricole commune. Seule véritable politique commune aux vingt-sept Etats membres, elle absorbe près de 47 % du budget total de l'UE.
L'opinion publique ne comprend pas le découplage des aides de la production. Le fait de compenser des baisses de prix par des aides mises en place en 1993 n'est plus jugé comme un argument valable.
De nombreuses voix s'élèvent pour demander le redéploiement du budget agricole vers des dépenses non agricoles.
Le danger est d'autant plus présent qu'un document de la Commission européenne qui circulait sous le manteau au mois de novembre 2009 prônait une diminution « significative » des fonds alloués à la Pac au profit de nouvelles priorités que seraient l'emploi, l'environnement et la politique extérieure.
On parlait d'une réduction de 30 à 40 % des dépenses agricoles après 2013 ! D'ici là, pas question de toucher à cette enveloppe qui est sanctuarisée. On la doit à un accord scellé en octobre 2002 dans le cadre de la négociation budgétaire sur l'élargissement, entre Jacques Chirac et le chancelier allemand Gerhard Schröder.
Un bubget à justifier
Jusqu'ici, le budget de la Pac n'a donc jamais été vraiment discuté. « Pour la première fois, il sera débattu au fond et coupé dans le vif », indique Nicolas-Jean Bréhon, spécialiste en finances communautaires.
Une telle discussion donnerait du poids aux revendications des Britanniques, qui voudront sans doute échanger la fin de leur rabais budgétaire contre une forte réduction des dépenses agricoles. La nouvelle place de l'Allemagne dans l'Europe agricole pourrait aussi changer la donne.
« C'est un débat risqué, prévient Stéphane Le Foll, député européen socialiste et membre de la commission agricole du Parlement. Les chefs d'Etat ont la trouille de remettre en cause les perspectives et les lignes budgétaires. Car dernière le budget de la Pac, c'est le projet européen en général qui risque d'être amoindri. »
Pour tenter de couper court à une négociation fondée uniquement sur des considérations budgétaires, Bruno Le Maire a réuni à Paris vingt-deux ministres de l'Agriculture de l'UE autour du « maintien d'une Pac forte ».
Parmi ces pays, l'Espagne, la Belgique et la Hongrie assureront tour à tour la présidence de l'UE au cours des dix-huit prochains mois.
Dans leur projet de programme commun sur la Pac après 2013, ils prennent clairement position pour le renforcement de ses deux piliers (soutiens au marché et développementrural).
Pour eux, « l'agriculture est un secteur stratégique qui a une importance cruciale pour le fonctionnement des autres secteurs économiques et qui doit servir de base pour le développement économique et social des zones rurales ».
Renforcer les deux piliers dela Pac et promouvoir la sécurité alimentaire, la sûreté des produits, la durabilité et l'innovation de même que répondre aux défis globaux constitueront le noyau de leurs propositions de réforme.
Pas de renationalisation
Même les plus virulents détracteurs de la Pac se défendent de vouloir la renationaliser.
« Il est clair que nous avons besoin d'une discussion large et en profondeur pour nous assurer que les agriculteurs sont préparés pour l'avenir », a assuré Hilary Benn, le ministre britannique de l'Environnement, de l'Alimentation et des Affaires rurales.
« Pas de doute, nous avons besoin d'une politique agricole commune, mais la future Pac devra tenir compte des différents intérêts de chacun », a déclaré Eva Kjer Hansen, la ministre danoise de l'Agriculture, qui faisait le parallèle entre l'agriculture danoise tournée essentiellement vers l'exportation (lait et porc) et l'agriculture française « plus variée » et soucieuse de ses territoires.
Les filets de sécurité ou autres mécanismes permettant de limiter les fluctuations des cours et la rémunération des « biens publics » seront sans doute deux des points les plus importants des débats à venir.
En ce qui concerne les filets de sécurité, si plusieurs facteurs laissent croire à des cours globalement plus élevés à l'avenir, tous les experts s'accordent à dire qu'il faudra aussi composer avec des fluctuations, qui risquent d'être aussi plus importantes.
« De plus, on a une volatilité des prix qui n'a plus rien à voir avec la traditionnelle liaison bonne récolte-bas prix, mauvaise récolte-prix hauts, qui présentait l'avantage d'apporter un mécanisme naturel de stabilisation des revenus agricoles quand les économies et les marchés étaient peu intégrés », explique Jean-Christophe Bureau (lire son interview).
Demande de flexibilité
Même si la demande est forte d'introduire davantage de flexibilité, le cadre budgétaire actuel ne permet pas la mise en place de paiements compensatoires contracycliques comme aux Etats-Unis.
« Il est impossible de mobiliser d'une année sur l'autre 10 ou 20 milliards d'euros supplémentaires pour faire des paiements compensatoires, décrypte l'économiste. Un moyen depréserver des filets de sécurité reste l'intervention, à condition d'éviter les erreurs du passé. »
Pour mieux justifier les aides auprès de l'opinion publique, la profession agricole devra aussi probablement accepter le jeu d'une évolution des aides directes vers une contractualisation pour des services.
L'idée d'un plafonnement ou d'une modulation est assez forte. Cela ne veut pas dire nécessairement un fort basculement des budgets du premier vers le second pilier, mais plutôt une remise à plat des deux piliers, que la conditionnalité des DPU a initiée.
C'est ce que propose Stéphane Le Foll, dans un mémo sur l'avenir de la Pac qu'il doit publier d'ici à la fin de l'année 2009. « Les premier et deuxième piliers actuels sont totalement obsolètes, estime-t-il. Je suis partisan d'un grand pilier agricole, alimentaire et environnemental, qui fusionne les deux piliers actuels. »
Sa logique est la suivante : une aide de base, sous la forme d'un droit à paiement unique, destinée à compenser les handicaps naturels, puis un soutien spécifique des externalités positives de l'agriculture.
« Les terres agricoles européennes fixent 70 millions de tonnes de carbone dans les sols par an, poursuit Stéphane Le Foll. Elles ont la capacité d'en stocker 300 millions. Il faut entre cinq et sept ans d'adaptation vers des systèmes plus économiques et valorisant le sol. Et c'est cette transition qu'il faut soutenir. »
Enfin, le troisième axe de la Pac proposé par le député, qu'il essaiera de faire adopter par le groupe socialiste du Parlement européen en mars 2010, consisterait à réguler les marchés. « Il faut un minimum de gestion des volumes des produits mis sur le marché et sanctionner ceux qui déstabilisent le marché », souligne-t-il.
Les syndicats réclament de la régulationLes syndicats agricoles français attendent beaucoup de l'« appel de Paris » initié par Bruno Le Maire. Vingt-deux pays qui se prononcent en faveur de la régulation des marchés, notamment dans le secteur laitier, peut être le signe d'une réforme « dans le bon sens ». « L'essentiel est d'obtenir une plate-forme ambitieuse et non un minimum commun », espérait la FNSEA. Dans une lettre ouverte, la coordination européenne Via Campesina, à laquelle la Confédération paysanne appartient, demande aux ministres de pousser vers une « politique agricole et alimentaire légitime, juste, durable, solidaire et citoyenne ». Quant à la Coordination rurale, forte des actions menées conjointement avec l'OPL et le syndicat européen EMB, elle continue de réclamer une régulation européenne des marchés. Les salariés aussi apportent leur grain de sel. La FGA-CFDT prône une Pac sociale, qui conditionnerait les aides aux réglementations sociales et à la santé des travailleurs et les plafonnerait par emploi agricole. Enfin, France Nature Environnement souhaite « une Pac forte qui soutienne une agriculture productive en harmonie avec les ressources naturelles de son terroir ». |
Les rendez-vous de 2010• 1er janvier : l'Espagne prend la présidence de l''UE. • 1er février : entrée en fonction de la nouvelle Commission européenne. • Juin : propositions de la Commission européenne sur la Pac et les perspectives financières après 2013, suivies de consultations. La proposition législative est prévue au premier semestre de 2011. • 1er juillet : la Belgique |
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