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FCO Les vétérinaires gardent la main

Qui dit vaccination obligatoire, dit vétérinaire sanitaire. C'est la loi, et Bruno Le Maire a choisi de s'y tenir, repoussant le débat sur la possibilité de passer la seringue aux éleveurs à janvier 2010.

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C'est de la décision prise par le ministre d'éradiquer la fièvre catarrhale ovine (FCO) que tout découle. Une fois cette stratégie réaffirmée, Bruno Le Maire ne pouvait que suivre les recommandations de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa).

Et donc reconduire la campagne de vaccination massive contre les deux sérotypes du virus qui sévissent dans l'Hexagone. Laissant en plan les discussions sur la possibilité de laisser les éleveurs vacciner eux-mêmes.

Il y a d'ailleurs eu peu de réactions officielles à cette annonce. Favorable à la vaccination par les éleveurs, GDS France a attiré l'attention des pouvoirs publics sur l'acceptabilité de leur décision. C'est pourquoi elle insiste pour que la vaccination se déroule en même temps que la campagne de prophylaxie qui s'ouvre.

Il faudra donc faire vite pour arrêter les modalités pratiques de la campagne. Le Comité de suivi FCO, réuni le 22 octobre, devait en débattre.

Les opposants au caractère obligatoire de la vaccination ont réagi. «Ce n'est pas à la vaccination que nous nous opposons, soutient Antoine de Ruffray, du Collectif d'éleveurs Paca contre l'obligation de vacciner vis-à-vis de la FCO. Attribuer la baisse du nombre de foyers en 2009 à la seule vaccination, c'est aller un peu vite. Des animaux se sont immunisés seuls. Et vacciner 80 % des animaux d'élevage, ce n'est pas vacciner 80 % des animaux sensibles.»

La faune sauvage peut servir de réservoir au virus, sans qu'on connaisse son rôle dans la pérennisation de la maladie.

«Si on nous avait pris au sérieux en 2000, quand la FCO est arrivée en Corse, nous n'en serions pas là aujourd'hui, assène Philippe Meynier, secrétaire national de la Confédération paysanne. C'est l'arrivée de la maladie sur le continent, et surtout dans le bassin charolais, qui a bouleversé l'approche des pouvoirs publics.»

Le principal reproche qu'il formule: la gestion administrative et économique qui a pris le pas sur la zootechnie et le sanitaire.

Repositionner le débat

«Je préfère parler de vaccination de masse plutôt qu'obligatoire, insiste Philippe Vannier, directeur de la santé animale et du bien-être des animaux à l'Afssa. Le terme obligatoire appartient au registre juridique. Quelle cohérence épidémiologique y aurait-il aujourd'hui à arrêter le plan de vaccination, coûteux pour les éleveurs et les contribuables, que l'État et les professionnels ont choisi d'engager ?»

Dans leur avis de juillet, les experts de l'Afssa argumentent en ce sens. Se limiter à une vaccination purement facultative au terme d'une campagne de vaccination de masse serait prendre le risque de voir l'épidémie rebondir dans les deux ans.

Au mieux dans des proportions voisines de celles de 2009, un peu plus de 60 foyers détectés début septembre, au pire en se rapprochant des chiffres de 2008, c'est-à-dire plus de 26 000 foyers.

«L'éradication est un objectif ambitieux, et il est encore un peu trop tôt pour affirmer qu'il soit réalisable, poursuit Philippe Vannier. Nous avons besoin d'une campagne de vaccination massive supplémentaire pour y voir clair. Nous étions dans une situation où il a fallu éteindre un feu de forêt.

Dans un an, nous verrons s'il est possible d'adopter une stratégie plus ciblée en se concentrant sur les braises disséminées qui persisteront. L'évolution du nombre de foyers et les informations sur la circulation virale dans les zones où le virus était peu actif, comme la Bretagne ou l'extrême Sud-Est, semblent témoigner de l'efficacité de la vaccination de masse pour protéger les populations sensibles et maîtriser la circulation virale.»

Reste que l'arrivée du sérotype 8 en Europe du Nord, là où personne ne l'attendait, pose des questions qui aujourd'hui restent sans réponse.

«Cela souligne la fragilité du dispositif communautaire de surveillance, reprend Philippe Vannier. Tout n'a pas été fait pour identifier le point d'entrée du virus. On sait aujourd'hui que les mouvements d'animaux infectés sont responsables de ceux de la maladie sur de longues distances. Il est aussi clair que la responsabilité collective doit être plus forte, et qu'il ne faut pas jouer aux apprentis sorciers.»

Comme cela a probablement été le cas en Allemagne et aux Pays-Bas, où certains ont importé illégalement des vaccins vivants atténués contre les sérotypes 6 et 11, important du même coup la maladie...

 

Sébastien Bourdon, éleveur à Tarzy (Ardennes) : «Je veux pouvoir vacciner mon troupeau charolais moi-même»

«Je vaccine bien mes bovins contre le virus respiratoire syncytial, alors pourquoi pas contre la FCO? Je ferais aussi bien que les vétérinaires stagiaires qui ont défilé dans les exploitations de la région! Je préférerais injecter le vaccin moi-même.»

D'autant que les campagnes successives de vaccination ont été source de tensions avec le cabinet vétérinaire auquel recourt Sébastien.

«Je n'ai pas eu le choix de la date d'intervention. Je devais me rendre disponible, faute de quoi, je me retrouvais en fin de liste. Le vétérinaire n'a pas voulu tamponner tous les passeports. C'était trop de boulot, disait-il. Je suis donc aujourd'hui encore obligé de me rendre à sa clinique chaque fois que je vends un bovin.»

La facturation a elle aussi donné lieu à une passe d'armes par manque de cohérence entre la façon de procéder des cabinets de la région.

«Mon vétérinaire souhaitait facturer sa prestation immédiatement, puis me faire un avoir une fois qu'il aurait touché les aides de l'État. J'ai refusé, lui proposant de me faire cet avoir directement sur sa facture. Mon père n'a pas rencontré cette situation. Son praticien a attendu le versement de l'État avant de lui facturer sa prestation. Et ce ne sont pas les seules différences que nous avons vues sur le terrain. J'ai payé 1,20 euro par animal vacciné au cornadis. Un de mes collègues, qui n'avait pas de cornadis, a payé 1,60 euro par bovin.»

Lorsqu'il témoignait dans nos colonnes fin novembre 2006 (1), Sébastien était loin de penser que la FCO l'obligerait à modifier durablement ses pratiques.

«Je voulais vendre mes broutards au sevrage, à l'entrée de l'hiver. Mais la FCO a bloqué la région. J'ai gardé mes premiers lots jusqu'au printemps 2007. Je les ai vendus repoussés au même prix que je les aurais négociés quelques mois plus tôt. J'en ai été de ma poche pour la ration distribuée tout l'hiver.»

Les premiers vaccins sont arrivés au printemps 2007, après la mise à l'herbe.

«Il a fallu rentrer tout le monde. J'ai renoncé à la vaccination des broutards. Ce n'était pas le même lot de vaccin, et le vétérinaire n'avait les doses que pour la moitié de mes besoins. Je les ai repoussés aussi, mais là, j'avais anticipé en semant cinq hectares de maïs pour les ensiler.»

La campagne suivante, Sébastien a vacciné tout son cheptel, à l'exception des veaux âgés de moins de deux mois et demi. Bilan: au printemps 2009, il a des broutards repoussés qu'il pourrait vendre mais qui ne sont pas vaccinés.

«Le vaccin étant conditionné en grands flacons, le vétérinaire n'est pas chaud pour en ouvrir un qu'il n'utilisera pas complètement. J'ai vendu la moitié de ces animaux au printemps car j'avais besoin de trésorerie: environ 840 euros au lieu de 1.000 euros s'ils avaient été vaccinés. Ils pesaient entre 500 et 550 kg. Le reste est parti à la boucherie entre 3,20 et 3,35 €/kg.»

Autre conséquence de la FCO, les vêlages des 65 charolaises de l'exploitation se sont décalés.

«De trois mois en moyenne, estime Sébastien. Ils avaient normalement lieu entre décembre et février. Il faudra du temps pour recaler le calendrier. Les broutards sont donc trop légers pour être vendus maintenant. Je vais les repousser et attendrai le printemps pour voir si je les vends repoussés ou si je les engraisse. Mais cet hiver, je les ferai vacciner pour ne pas me priver du débouché export.»

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(1) Lire «La France agricole» du 1er décembre 2006, pages 14 et 15.

 

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