En montbéliarde, le vêlage précoce ne nu En montbéliarde, le vêlage précoce ne nuit pas à la performance
Une étude réalisée dans la Loire montre que l'âge optimal au premier vêlage se situe entre vingt-quatre et trente mois.
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Le vêlage précoce (moins de vingt-huit mois), pratiqué par une partie des élevages montbéliards de la Loire et en développement dans les grands troupeaux, offre des intérêts économiques indéniables: réduction des coûts de logement et de renouvellement, hausse de la durée de vie productive, retour sur investissement plus rapide. Sur le plan génétique, suivis de testage en particulier, les avantages sont évidents: évaluer plus tôt l'animal permet une réduction de l'intervalle des générations et favorise l'obtention de progrès plus rapide.
Les réticences sont encore fortes
Malgré tout, dans le département le plus laitier du Rhône-Alpes, où l'on apprécie les grosses vaches avec de larges bassins, des réticences sont fortes. L'âge au premier vêlage, très variable aussi bien entre les élevages qu'à l'intérieur d'un même troupeau (de moins de deux ans à plus de quatre ans), reste généralement élevé: trois ans, voire plus. Le souhait de valoriser les parcelles éloignées de l'exploitation avec une conduite extensive et simple des génisses, n'explique pas tout. «Alors qu'une génisse qui vêle à trois ans pèse entre 670 et 700 kg, un animal de deux ans ne fera que 610-630 kg avant le vêlage, et encore moins après, explique Jean-Paul Poyet, chargé du suivi des génisses au Contrôle laitier de la Loire. Ça fait peur aux éleveurs.» Outre des conditions de vêlage plus délicates, ces derniers craignent une première lactation plus faible. Certains s'interrogent aussi sur la valorisation bouchère de leurs animaux. Des craintes largement infondées selon certains travaux menés voici dix ans par l'Inra et l'expérience des éleveurs qui font du vêlage précoce. «Les génisses qui vêlent tôt récupèrent la croissance lors de la première lactation, à condition bien sûr qu'elles soient alimentées correctement et qu'il y ait un minimum de génétique», résume Jean-Paul Poyet. «Alors qu'une génisse vêlant à trois ans ne fait plus de croissance mais se contente de s'étoffer, un animal de deux ans finira sa croissance au deuxième veau», souligne Samuel Thollet, responsable depuis dix ans du troupeau laitier du lycée agricole de Ressins (quarante-cinq montbéliardes pour un quota de 315 000 l), à Nandax (Loire). Convaincu des bénéfices d'un vêlage précoce qu'il a mis en place progressivement dans cet élevage, il a souhaité apporter aux éleveurs des éléments objectifs concernant l'âge optimal du premier vêlage de leurs génisses. De son côté, Laurent Poncet, technicien montbéliard à la coopérative d'élevage et d'IA de la Loire et pointeur agréé par l'Upra, souhaitait vérifier certaines observations de terrain: les génisses vêlant jeunes sont moins productives la première année, plus petites mais "a priori" meilleures en mamelle, aplombs et en longévité. «Les techniciens et éleveurs convaincus par le vêlage précoce pressentaient qu'en vêlage tardif, on avait une perte de qualité, de durabilité de la vache, explique Laurent Poncet. Mais, jusqu'à présent, nous n'avions pas de possibilité de mesure.»
Pour en avoir le coeur net, une étude a été lancée. Réalisée dans le cadre d'une formation pilotée par l'école vétérinaire de Lyon et l'université Claude Bernard (voir la note 1 en bas de l'article) , elle s'est intéressée aux conséquences de l'âge au premier vêlage sur les productions laitières, les TP et TB, la morphologie et la longévité des génisses montbéliardes de la Loire. Les données relatives à 7.342 vaches nées entre le 1er janvier 1997 et le 31 décembre 2000, pointées et contrôlées, et représentant 22.988 lactations ont été récupérées. Cinq classes d'âge au premier vêlage ont été définies: avant vingt-quatre mois, entre vingt-quatre et trente mois, entre trente et trente-six mois, entre trente-six et quarante-deux mois et au-delà. L'âge moyen au premier vêlage était de trente-deux mois. 28% des animaux pris en compte dans l'étude ont vêlé avant trente mois, 25% après trois ans.
Sur certains points, tels que la production en première lactation, la longévité et les aplombs, les résultats de l'étude ont surpris. «Notre étude montre en effet que les génisses vêlant entre vingt-quatre et trente mois ont une production plus importante en première lactation que celles vêlant au-delà de trente-six, constate Samuel Thollet. La peur d'une première lactation faible pour les génisses précoces n'est donc pas justifiée et à l'inverse les vêlages au-delà de trente-six mois sont pénalisés en première lactation.»
Autre enseignement de l'analyse statistique: plus les génisses vêlent tard, plus elles vivent longtemps. En revanche, elles feront moins de veaux et auront une vie productive d'autant plus courte. «Malgré des taux de réforme un peu différents entre les classes, notamment entre la première et deuxième lactation, les différences de production observées sont importantes: seules les génisses vêlant avant trente mois produisent plus de 10 kg de lait par jour de vie. Au-delà, la production baisse de manière significative entre les classes.»
En ce qui concerne la morphologie, certains "a priori" de terrain n'ont pas été vérifiés. Alors que les techniciens supposaient que les vêlages précoces avaient de meilleurs aplombs, il s'avère que les différentes classes n'ont pas de notes significativement différentes. «Il faut se contenter d'une tendance», observe Laurent Poncet.
Des observations de terrain confirmées
En matière de mamelle, aucune corrélation entre l'âge au premier vêlage et le développement mammaire n'a été établie. En revanche, plus les génisses vêlent jeunes, plus le support de la mamelle et la note de synthèse sont bons. «Les observations de terrain, qui supposaient que les vêlages jeunes (inférieurs à trente-six et surtout à trente mois) avaient des mamelles plus souples et fonctionnelles, sont ainsi confirmées.»
De même, logiquement, les notes de bassin et de taille sont dominées par les classes plus âgées au vêlage: les vaches montbéliardes terminent en effet leur croissance vers quatre ans et le pointage a lieu pendant la première lactation. L'étude ne dit pas si les écarts en matière de taille (1,56 cm au maximum, seulement entre les moyennes de classe) seront comblés quand les génisses atteindront l'âge adulte (voir la note 2 en bas de l'article) .
«Si l'on raisonne économiquement, résume Samuel Thollet, le vêlage précoce s'impose de lui-même: que ce soit en nombre de vêlages, en lait par lactation, en qualité de mamelles, l'avantage va aux génisses vêlant entre vingt-quatre et trente mois. Leur taille légèrement inférieure et leur bassin plus étroit ne doivent pas représenter un frein pour les éleveurs, du fait que ces génisses n'ont pas terminé leur croissance. Les vêlages au-dessus de trente-six mois sont fortement déconseillés, car les performances sont pénalisées.»
Dans un département qui figure, au plan national, parmi les premiers en index morphologique, ces arguments suffiront-ils à convaincre? Le recueil et l'analyse des poids d'abattage des animaux permettraient de conclure sur le réel avantage des vêlages précoces. «Un tel travail pourrait être envisagé ultérieurement, annonce Laurent Poncet, qui estime qu'aujourd'hui, une partie des éleveurs leaders du département sont convaincus par l'intérêt d'avancer l'âge du premier vêlage de leurs génisses. Le département a la chance d'avoir quelques très bonnes vaches emblématiques qui ont vêlé entre vingt-six et vingt-sept mois: Princesse (Ezozo-Jadis), du Gaec Rosine, à Aveizieux, Magie (Bois Levin-Tartars) et Soupline (Icoglan-Embrun) du Gaec Peuplier, à Saint-Hilaire-Cuisson-la-Valmitte.»
«L'avancement de l'âge au premier vêlage constitue un levier efficace pour améliorer les performances, mais il nécessite une conduite d'élevage plus rigoureuse en termes d'alimentation (naissance, sevrage et autour de l'IA) et de gestion des périodes clés (pâturage, insémination, hivernage), souligne Samuel Thollet. Dans le cas de génisses nées au printemps. L'éleveur qui opte pour des vêlages à deux ans devra ainsi surveiller les chaleurs et réaliser les inséminations au pré», conclut Laurent Poncet.
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(1) Maîtrise des systèmes et de la qualité en production animale » (RSQ/PA). (retour au texte )
(2) Pour le critère de la taille, les auteurs de l'étude ont retenu la note brute réelle de pointage et non l'index. «Nous voulions nous affranchir des ascendances paternelle et maternelle intégrées dans l'index», précisent Samuel Thollet et Laurent Poncet. (retour au texte )
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Témoignage: PATRICK BERLIER, dans le sud de la Loire
«Le vêlage précoce est très avantageux»
Chez Patrick Berlier, les génisses font leurs premiers veaux à deux ans et cinq mois.
«Contrairement à mes craintes du départ, observe Patrick Berlier (voir la note 1 en bas de page) , installé sur le versant sud du Pilat, à 1.200 m d'altitude, les génisses qui vêlent précocement ne cassent pas leur croissance. Entre le premier vêlage et la deuxième lactation, elles s'étoffent. Quand je les réforme en fin de lactation et sans finition, elles font leurs 300 à 330 kg de carcasse.» Constitué de vingt et une montbéliardes avec la suite et en système tout herbe (ensilage, foin et pâture), le troupeau est passé au vêlage précoce il y a sept ans, à la suite de problèmes de fécondité. «A trois ans, les génisses trop grasses ne remplissaient pas, explique l'éleveur. Il y avait des problèmes d'acidose et d'acétonémie après le vêlage. Chaque année, il fallait abattre une génisse.» Sur les conseils de son contrôleur laitier, Daniel Peillon, l'âge du premier vêlage a été avancé. «J'avais un lot de génisses avec de bonnes croissances. Je les ai inséminées un an plus tôt.» Avec une alimentation mieux suivie, les résultats ont été rapides. «A deux ans, les génisses vêlent mieux sans assistance et remplissent plus facilement. Elles démarrent bien en première lactation (premier contrôle à 24 kg en moyenne) et sont stables dans leurs lactations suivantes.»
L'alimentation, composée ici de bon foin fibreux à volonté et de bon ensilage d'herbe rationné (27% MS), constitue un point clé. Sevrées à dix semaines, les petites génisses reçoivent du foin à volonté, ainsi que 2 kg de concentré jeune bovin. Celles qui naissent en juin ne vont pas à l'herbe la première année. L'hiver, le concentré passe à 1 kg. La deuxième année, les génisses pâturent des prairies naturelles avec du trèfle et ne reçoivent aucune complémentation au pré. Une fois rentrées à l'étable entravée, les génisses pleines passent à l'alimentation des laitières. En première lactation, elles bénéficient d'un apport de foin supplémentaire. L'été, un peu de maïs-épi permet de compenser le manque d'herbe enregistré depuis quelques années sur les terrains granitiques.
Pour les inséminations, les génisses sont rapprochées des bâtiments et pâturent des parcelles faciles à surveiller avec le quad. Leur poids a été contrôlé au ruban. «On les insémine au fur et à mesure, ce qui nous oblige à les rentrer à l'étable. C'est une contrainte. L'insémination tombe parfois avec les foins. On arrive à laisser tomber la surveillance, ce qui décale les vêlages habituellement groupés sur juin. C'est le plus gros souci.» Les animaux sont systématiquement déparasités la première année, avant la mise à l'herbe, ainsi qu'à l'automne, avant qu'ait lieu la rentrée à l'étable.
Economiquement, le vêlage à deux ans est convaincant. «On gagne une lactation, note Patrick Berlier. Les génisses coûtent moins cher à produire, même avec une alimentation mieux suivie.»
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(1) L'exploitation
SAU: 45 ha, dont 18 ha de prairies temporaires et 25 ha de permanentes;
21 VL à 7.300 kg (32,6 de TP, 40,9 de TB, 86.000 cellules; âge moyen: cinq ans et demi. (retour à l'encadré)
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