Login

L'embargo italien fait monter la pressio L'embargo italien fait monter la pression

Alors que le plan de vaccination français se précise, les Italiens détaillent petit à petit leurs exigences concernant les animaux qu'ils importent pour leurs ateliers d'engraissement et leurs abattoirs.

Vous devez vous inscrire pour consulter librement tous les articles.

Lundi matin, au coeur du Cantal, tracteurs et véhicules utilitaires bloquaient les deux entrées du tunnel du Lioran avec des banderoles tendues en travers des barrages. Trois cents éleveurs allaitants ont répondu à l'appel de la FDSEA et de Jeunes Agriculteurs. L'action se veut symbolique. «Je n'aurais jamais cru qu'on arrive à une fermeture de la frontière italienne», avoue, incrédule, un éleveur présent. La preuve: il lui reste encore une vingtaine de broutards de plus de 400 kg sur les bras.

Les cours en baisse de ces quinze derniers jours, avec beaucoup de fébrilité aussi bien à l'achat qu'à la vente, ne l'ont pas incité à vendre. L'avenir lui apparaît aujourd'hui très sombre avec les contraintes imposées par l'Italie. Les opérateurs ne font aucun pari sur l'activité des trois mois à venir, depuis l'entrée en vigueur de la clause de sauvegarde italienne, le 4 mars 2008 à 0 heure.

Les négociations engagées par Michel Barnier n'ont pas permis d'obtenir un retour en arrière des autorités italiennes. Juste quelques clarifications lors d'une réunion tripartite entre Paris, Rome et Bruxelles le 3 mars 2008. Rien ne change pour les animaux issus de la zone indemne française.

Encore des incertitudes

C'est une autre paire de manches pour ceux issus de la zone réglementée. Avant de franchir les Alpes, les animaux destinés à l'engraissement, veaux et agneaux compris, doivent avoir subi une vaccination complète (deux injections pour les bovins) depuis plus de soixante jours ou un test virologique quatorze jours après le délai d'immunité fixé par le fabricant du vaccin. Autant dire que les exportations de veaux et d'agneaux sont suspendues de fait.

Concernant les animaux destinés à l'abattage, l'Italie pourrait décider de les canaliser vers des abattoirs spécifiques. Les autorités italiennes n'ont pas encore dressé de liste, mais elles seraient en train d'identifier les entreprises concernées. En revanche, l'Italie accepterait les animaux avec un résultat de sérologie positif datant de plus de soixante jours. Une nouvelle rencontre est prévue avec les autorités sanitaires italiennes, notamment pour préciser les conditions de reconnaissance des ATU (autorisations temporaires d'utilisation) des vaccins utilisés par la France.

«Un délai de soixante jours après la seconde vaccination conduit à une attente minimale de trois mois avant toute nouvelle exportation vers l'Italie, analyse Denis Costerousse, président de l'Adeca, une association regroupant plus de 1.150 éleveurs allaitants du Cantal et du Puy-de-Dôme. C'est catastrophique pour l'ensemble de la filière. Garder des broutards trois mois de plus sur les exploitations conduirait à la fois à des charges colossales et au bout du compte à un produit qui, en ayant pris plus de cent kilogrammes, ne correspondra plus au marché du maigre. Quant aux négociants exportateurs, quels sont ceux qui résisteraient à trois mois d'inactivité de leurs entreprises? La solution proposée à ce jour est tout simplement inenvisageable!»

A Dijon (Côte-d'Or) aussi, les éleveurs allaitants ont manifesté. A l'appel de la FDSEA et de JA, soixante-dix éleveurs ont rendu une petite visite à la commission régionale de cotation mardi dernier. «Nous voulions empêcher une baisse des broutards consécutive à la fermeture de la frontière italienne, lance Gérard Berthaut, le secrétaire général de la FNSEA. La cotation n'a pas eu lieu, et les cours ont été reconduits. S'ils viennent à trop baisser, nous y retournerons. Ce n'était qu'un avertissement!» Lors de leur visite à la préfecture, les représentants des producteurs ont signalé que les aides promises par l'Etat n'étaient toujours pas arrivées dans les exploitations. «L'Administration a conscience que certains éleveurs ne se relèveront pas de cette crise, poursuit Gérard Berthaut. Nous souhaitons cibler les aides sur les plus touchés plutôt que faire du saupoudrage. Et que les 55 millions promis aux vétérinaires pour la vaccination aillent aux éleveurs!»

Organiser la repousse

Alors que faire de ces broutards qui ne peuvent pas rejoindre l'Italie? L'idée d'un plan de retrait évoquée à l'automne ressurgira-t-elle? Elle n'est pas du goût de Coop de France bétail et viande. «Nous y sommes opposés, insiste Jacques Poulet, son directeur. Cela aurait un effet perturbateur sur la filière à moyen et long terme. Nous préférons accélérer la rotation des animaux en engraissement.»

Ainsi, au crochet, les jeunes bovins pèseraient entre 380 et 420 kg au lieu de 450 à 460 kg. «Ces animaux, plus légers, correspondent mieux à la demande des abatteurs pour le marché grec ou français, poursuit-il. Et les derniers kilogrammes sont les plus chers à produire. Les industriels sont favorables à ce projet. Les groupements s'y intéressent aussi. Des réunions sont prévues d'ici à la fin de la semaine.»

Ce projet, s'il aboutit, serait un moyen de remettre sur les rails la contractualisation des relations entre abatteurs et éleveurs, un sujet tombé en désuétude ces deux dernières années. Mais l'aval sera-t-il capable d'envoyer un message clair aux éleveurs? Autrement, les industriels paieront-ils quelques centimes de plus pour ces carcasses plus légères?

Un coup de pouce supplémentaire des pouvoirs publics en direction de la production serait également le bienvenu. Pour mener à bien cette idée, Coop de France appelle de ses voeux un plan de repousse, et pourquoi pas d'engraissement, pour amorcer la pompe. Avec l'idée de pérenniser les efforts faits sur la durée. Ce serait peut-être un moyen de réduire la dépendance de la France par rapport à son débouché italien pour ses broutards.

 

Toujours beaucoup d'interrogations autour de la vaccination

Une seule chose semble acquise aujourd'hui: les seize départements du Nord-Est, ceux qui ont servi de bouclier sanitaire contre la fièvre catarrhale ovine en 2006, seront les premiers servis en vaccins. «Les premières livraisons (...), et ce jusqu'à hauteur de la totalité des animaux à risque de leurs cheptels, seront destinées à cette zone, assure Michel Cadot, le directeur de cabinet de Michel Barnier, dans un courrier au préfet. Ce qui, sur la base des données disponibles, pourra être effectué avant la fin de mai.»

Ce sera ensuite au tour du reste de l'Hexagone de recevoir les vaccins. Le plan de répartition est en cours d'élaboration. Il hésite entre un saupoudrage général pour les bovins et une stratégie département par département pour les ovins.

Le ministère a apporté quelques précisions concernant les 200.000 doses annoncées la semaine dernière pour la vaccination d'urgence des broutards exportés. En fait, 400.000 doses permettant d'immuniser 200.000 animaux seront disponibles. La distribution devait commencer le 5 mars 2008 par 25.000 doses dans les seize départements du Nord-Est, suivies d'autant trois semaines plus tard pour assurer le rappel. Pour le reste du territoire, les besoins par département sont en cours d'évaluation.

Il reste à savoir qui maniera la seringue. Pour les animaux nécessitant une certification, aucun doute: ce sera le vétérinaire. Pour les autres, tout est dans les mots. Michel Barnier n'a pas parlé de vaccination «facultative» par hasard. Un courrier signé de son directeur de cabinet quelques jours plus tard le prouve. Le ministère y rappelle que «son organisation (...) relève des relations habituelles (...) entre les vétérinaires et leurs clients». Et qu'il faut comprendre que la vaccination n'est pas «rendue obligatoire par voie réglementaire au titre d'une action de police sanitaire ou d'une action de prophylaxie obligatoire dirigée par l'Etat». Alors que c'est, notamment, sur cette notion de prophylaxie dirigée par l'Etat que le Syndicat national des vétérinaires d'exercice libéral (SNVEL) argumente pour justifier l'intervention de ses adhérents.

 

[summary id = "10022"]

A découvrir également

Voir la version complète
Gérer mon consentement