Login

Le mur empêche le passage des vaches Le mur empêche le passage des vaches

Un propriétaire refuse que le chemin traversant son terrain serve de passage aux animaux. Il le fait savoir par courrier à l'éleveur. Sans réaction de sa part, il édifie un mur.

Vous devez vous inscrire pour consulter librement tous les articles.

Déjà utilisée au Moyen-Age, l'action possessoire conserve son actualité, à tel point qu'une loi du 26 janvier 2005 transfère le contentieux du tribunal d'instance au tribunal de grande instance. Jugée par l'un ou l'autre tribunal, elle reste la même, rodée par des siècles de pratique.

L'action possessoire se présente sous différentes formes : la réintégrande, la complainte, sans omettre la dénonciation de nouvel oeuvre, moins connue. Elle a pour but de faire cesser un trouble apporté à la possession d'un bien foncier. Elle ne tranche pas la question de savoir si le possesseur est dans son droit. Seul le juge du pétitoire (1), le tribunal de grande instance, peut le dire. L'action doit être intentée dans l'année où l'atteinte à la possession est constatée. Une différence fondamentale sépare complainte et réintégrande : la première exige d'être en possession depuis au moins un an, la seconde est ouverte même au possesseur depuis moins d'un an. Cette différence est justifiée par la nature même des actions. La complainte vise les menaces ou des actes sans violence susceptibles de faire obstacle à la possession, alors que la réintégrande suppose que le possesseur a été dépossédé par violence. Ainsi en est-t-il pour le possesseur d'un droit de passage, privé de son droit par la construction d'un mur sur le tracé du chemin.

Il faut reconnaître que la distinction entre les deux actions est délicate. La Cour de cassation a rendu un arrêt susceptible de mieux cerner cette différence. Elle affirme qu'un même trouble, selon le moment où on le prend en chasse, peut successivement justifier une puis l'autre des actions possessoires.

Servitude de passage

Paul est propriétaire depuis quelques mois d'une maison de campagne entourée de 7 000 mètres carrés de terrain plus ou moins inculte. Un chemin de terre battue traverse l'extrémité de son bien. Féru du monde rural au point de s'y être installé, Paul n'aime pourtant pas les vaches. Surtout celles de Justin, qui traversent sa propriété en utilisant le chemin de terre. Dans le quartier, ce passage est connu de tous. Pour en avoir le coeur net, Paul se rend chez son notaire. Justin semble avoir une servitude de passage sur la parcelle. Mais, selon les recherches effectuées auprès de la conservation des hypothèques, il n'existe aucune trace de servitude dans les actes de Paul et de ses auteurs.

Ainsi informé de la situation juridique, Paul se propose de faire obstacle à toute circulation sur son terrain. Le notaire lui prête assistance et adresse à Justin une lettre officielle lui contestant le droit de passage, en faisant état de l'absence de mention d'une servitude dans les actes de son client. Cette même lettre avertit Justin que Paul va construire un mur en travers du chemin si la notification officielle de l'interdiction ne suffit pas.

Comme il fallait s'y attendre, Justin n'a pas tenu compte de ce courrier, pourtant officiel et comminatoire (2). Face à cette attitude, il ne restait à Paul qu'à faire construire un mur de parpaings agrémenté de fil de fer barbelé. Il a bien fallu que Justin s'adresse à un avocat et engage des frais dont il se serait bien passé. De plus, des ennuis de santé l'ont immobilisé pendant quelque temps, si bien que la procédure n'est engagée qu'au mois d'octobre 2001, alors que le mur a été bâti en novembre 2000, dans le délai d'un an depuis le trouble.

Action tardive

La défense de Paul s'organise sur la tardiveté de la procédure instaurée. La construction du mur n'est que la conséquence de la contestation du droit de passage de Justin par la lettre officielle du notaire en date du 10 septembre 2000. Cette notification constituait une menace contre la possession du droit de passage justifiant une complainte. Donc, s'agissant d'une telle action, aux yeux des juges, elle aurait dû être engagée dans l'année de la lettre du notaire. Ne l'ayant pas été, elle est irrecevable comme tardive. Indépendamment de la solution retenue déclarant l'action de Justin tardive, un élément essentiel découle de la procédure. La cour d'appel, approuvée par la Cour de cassation, admet qu'une lettre et, a fortiori , un exploit d'huissier sont de nature à menacer la possession et à justifier une complainte contre l'intention manifestée.

_____

(1) Action mettant en cause l'existence d'un droit réel immobilier.

(2) Mesure révocable, destinée à faire pression sur un débiteur.

[summary id = "10022"]

A découvrir également

Voir la version complète
Gérer mon consentement