Quand les recettes de cuisine font vendr Quand les recettes de cuisine font vendre
Les agricultrices qui associent recettes de cuisine et produits en vente directe jouent gagnant. Elles parlent de leur propre plaisir à cuisiner, à travailler leurs produits de qualité, à transmettre un patrimoine culinaire, parfois à le moderniser. En face, les clients apprécient ce sujet de conversation et achètent davantage. Les consommateurs gourmands, en vacances ou en RTT, en demandent toujours plus. Des agricultrices proposent stages et cours de cuisine. Un créneau encore peu exploité à la ferme, alors que des chaînes d'hôtel proposent parfois des journées très coûteuses et moins conviviales à une clientèle en demande. Mais la cuisine ne séduit pas que les agricultrices et leurs clien
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Travailler un vrai canard fermier
Sylvie Barriat propose des stages de cuisine depuis dix-sept ans pour prolonger l'arrière-saison.
Deux millions de touristes arpentent chaque année les rues de Sarlat, en Dordogne. A 40 kilomètres de là, à Montferrand-du-Périgord, au calme dans une nature de colline et douceur, Sylvie Barriat accueille jusqu'à dix personnes dans ses chambres et à sa table d'hôtes. Elle a reçu ses premiers clients il y a vingt ans. Si ses chambres affichent «complet» de juillet à septembre, les locations de printemps et d'arrière-saison sont moins régulières. «Je m'occupe seule de 15 hectares de culture, d'un hectare de noix et d'un troupeau de 45 moutons. Je suis en Gaec avec trois autres exploitations pour gaver des canards. Nous avons une marque déposée et un magasin: La Ferme du Père Igord. D'octobre à mars, nous gavons 1.200 canards, qui bénéficient du label produit fermier.» Transformés dans un laboratoire situé dans sa ferme, ils finiront sur sa table et dans le magasin de l'exploitation qui vend aussi des châtaignes, du miel, du vin. Sylvie Barriat a organisé six stages de novembre 2002 à mars 2003, à la demande. Les cuisiniers en herbe choisissent leurs recettes entre confits, magrets ou cous farcis, tourtière. Le foie gras mi-cuit ou en terrine est quasiment de rigueur.
Pas de concurrence
Sylvie craint peu la concurrence des chaînes d'hôtels d'alentour qui proposent elles aussi des stages. «Chez moi, chacun a vraiment son canard entre les mains», remarque-t-elle. Les stagiaires arrivent vendredi en fin d'après-midi. Les canards sont déjà tués. Ils les découpent et les mettent au sel. Ils s'occupent de la cuisine des foies le samedi après-midi, le samedi matin étant consacré au marché de Sarlat. Le dimanche, ils achèvent les conserves et l'étiquetage. «Pour 340 € par couple, un canard et l'hébergement complet, ils repartent avec leurs conserves.»
Sylvie Barriat prend plaisir à confier ses recettes: «Aujourd'hui, la mode est au foie poêlé. J'explique comment déglacer la poêle avec du monbazillac, une recette avec une fondue d'échalotes.» Les stagiaires en redemandent...
La meilleure publicité, c'est la tableLe réseau Bienvenue à la ferme propose huit adresses de stage de cuisine en Dordogne sur les 210 adresses qu'il répertorie. «Souvent, ces stages sont proposés par ceux qui débutent. Quand le rythme de location s'accroît, les agriculteurs abandonnent les cours de cuisine», regrette Carine Laval, de Bienvenue à la ferme. Jeanine Alard propose six chambres et une table d'hôtes à Eyliac, ainsi qu'un camping harmonieusement paysagé. Elle poursuit avec son frère le travail commencé par ses parents il y a vingt-six ans. Leur exploitation regroupe 60 hectares et 50 vaches limousines. La famille gave 800 canards de septembre à mars. «Depuis trois ans, avec les RTT, nous faisons pratiquement le plein de mars à janvier. Les clients ici recherchent la vraie tradition périgourdine.» Et elle s'y tient. «Nous avons déjà des demandes de stage de cuisine pour septembre. Les gens réservent au moins un mois à l'avance. Ils nous accompagnent dans notre laboratoire et découpent plusieurs canards. Le stage dure deux matinées : soit jeudi et vendredi ou vendredi et samedi, à la demande. Pour un coût de 122 euros par personne, les participants repartent avec un canard et complètent avec nos conserves. Voir ce que nous mettons en conserve, déguster nos produits à table est notre meilleure publicité», conclut Jeanine. |
La cuisine provençale en toute simplicité
Les agricultrices du golfe de Saint-Tropez proposent des « jeudis cuisine » aux touristes qui veulent échapper à la traditionelle ratatouille.
Tous les jeudis, sauf l'été, à Cogolin, les agricultrices de l'association « Cuisiner côté Sud » initient une quinzaine d'amateurs aux secrets de la cuisine provençale paysanne. Gi Senéquier, partagée entre son activité de viticultrice et de location de gîtes ruraux, a abandonné le maraîchage faute de main-d'oeuvre. «Quand je faisais les marchés, je distribuais des fiches de cuisine. A partir du Ceta Accueil en terre varoise, nous avons créé notre association pour apprendre aux gens de passage à cuisiner nos légumes.» Dans le même temps, ces amoureuses des fourneaux ont suivi des cours dispensés par un cuisinier emblématique de la région, Guy Gédas. «Il a modernisé les recettes, allégé les matières grasses et associé divers produits, comme le miel», explique Jacqueline Lyons qui, aux côtés de son mari viticulteur, a créé deux gîtes ruraux et une aire naturelle de camping... L'association a équipé progressivement la salle mise à sa disposition par la mairie au dernier étage du musée de la ville.
Comme à la maison
«Tout peut se refaire à la maison», insiste Gi Sénéquier. Les stagiaires, de dix à quinze au plus, arrivent le matin. Deux animatrices s'occupent des courses, apportent les légumes de leurs jardins familiaux ou achètent sur les marchés fermiers locaux. A 9 heures, elles distribuent les trois recettes du jour aux apprentis. Toute la matinée ils cuisinent ensemble, puis passent à table. «On termine par la vaisselle. Cela rajoute à la convivialité », explique Gi Senequier. Chaque participant débourse alors 17 euros. L'association communique ses menus chaque trimestre aux journaux et à l'office de tourisme. «Certains touristes sont abonnés. Et des gens du cru nous rejoignent aussi.» Comme Jacqueline Decaud, agricultrice, qui disait ne pas savoir cuisiner. Aujourd'hui, elle fait partie des dix animatrices, tout comme Fabienne Dillinger, comptable dans une propriété viticole.
Les livres font recetteLes agricultrices du Var ont édité, grâce à l'association Terre varoise, deux livres de cuisine. «Nous avons récolté les informations auprès des grands-mères, édité un premier livre aujourd'hui épuisé, puis un second, Promenade gourmande en terre varoise», explique Gi Sénéquier. Le premier tome sera réédité. Le Ceta Accueil en Provence paysanne, qui organise des buffets à partir des légumes et fruits produits par ses membres, a également édité son livre, très simple, très pratiquue. Le tome 2 est en préparation. Le GEDAF des Monts-d'Or, près de Lyon, a publié La cuisine des Monts-d'Or , en mai 2001. « Le livre a déjà été réédité deux fois. Sur les 9 000 exemplaires vendus à 16 €, il n'en reste que 1 500. Le premier tirage a coûte 8,50 €. Ensuite, cela nous revient moins cher. Ce livre représente deux ans et demi de travail. Nous repartirions bien », s'exclame Marie-Françoise Ducreux, maraîchère. |
Les clients aiment ce qui se donne
Chaque mois, Fabienne et Elie ajoutent à leurs caissettes de viande une nouvelle recette.
L'idée est venue de Fabienne : pourquoi ne pas vendre de la viande en direct? Fabienne, qui fut coiffeuse avant d'épouser Elie Perche, a toujours aimé le commerce. Agricultrice depuis 1990, elle est aujourd'hui en EARL avec son mari à Bédée, en Ille-et-Vilaine.
«Dès qu'un CTE collectif de vente directe a été mis sur les rails par le réseau Bienvenue à la ferme, nous nous sommes lancés dans la construction d'un laboratoire pour découper notre viande. Depuis un an, nous tuons une vache normande par mois. Nous répartissons la viande, découpée par un boucher professionnel, en caissettes de 20 kg. Nous proposons aussi tous les deux mois deux veaux en caissette de 10 kg», raconte Fabienne. Les clients s'inscrivent : les ventes du 5 septembre et du 26 septembre sont déjà complètes. En été, les ventes sont suspendues. «Le jour de la vente, nous trayons tôt pour être disponibles tous les deux de 18 h 30 à 22 h.»
Une clientèle qui cuisine
Fabienne s'est vite aperçue que ses clients manquaient de recettes pour accommoder les morceaux. «Chaque mois, j'invente ou je récupère une recette que j'adapte. Aux jeunes, je conseille de manger le pot-au-feu avec leurs amis. Aux personnes plus âgées, j'ai proposé une recette pour utiliser le steak haché. Les clients aiment tout ce qui se donne. » Dans le classeur des recettes déjà distribuées se succèdent la tarte au boeuf, le veau aux endives, le boeuf mode de Provence. « Un client est même revenu avec sa recette. Le prix moyen de notre viande est de 6,89 euros là où, à qualité équivalente, les grandes surfaces passent à 12,50 euros. Notre clientèle est familiale. Elle possède un congélateur et elle cuisine beaucoup. Nous devons soigner l'accueil pour repousser la concurrence.»
Des cours de cuisine à l'AgroIls sont trois complices à animer le module «Les aliments de l'homme» à l'Institut national agronomique de Paris: Claude Wisner, sociologue, Luc Eveleigh, chimiste, et François Gallouin, docteur vétérinaire, docteur en biologie humaine, docteur ès Sciences, docteur en histoire et philosophie des sciences, mais également titulaire d'un CAP de boucher et cuisinier. « Claude Wisner travaille sur le “mangeur”, Luc Eveleigh sur la chimie analytique, et moi sur le “manger“. La formation que nous avons mise au point en 1995, s'adresse à des étudiants qui travailleront dans l'agroalimentaire », explique François Gallouin. Les étudiants suivent toute la filière de l'étable à la table. Et ils l'achèvent par une formation de deux jours à l'école de cuisine Ferrandi. «Des professionnels de la cuisine montrent et justifient leur façon de travailler. Les stagiaires préparent sept ou huit recettes par binôme. Nous leur expliquons comment les préparations influent sur le rendu final. Nous parlons également de la transmission du savoir culinaire. La cuisine est un acte d'amour, une identification culturelle, familiale, un acte social. Nous passons douze ans de notre vie à table », rappelle François Gallouin. Claude Wisner ajoute: «Les nutritionnistes valorisent de plus en plus le plaisir. Rendre les gens acteurs de leur consommation, c'est aussi leur enseigner à prendre du temps, à maîtriser les ingrédients. Notre démarche s'inscrit également dans la réhabilitation du plaisir.» |
Un filon inépuisable
Pour marquer les esprits, VPF (1) se place résolument sur le terrain de la gastronomie.
VPF assure la promotion de la viande de porc française. Avec un budget situé entre 1,5 et 2 millions d'euros, cette démarche doit faire preuve d'imagination pour marquer les esprits. Un an après son lancement, elle s'est placée sur le terrain de la gastronomie. Avec, derrière la tête, l'idée de changer l'image du porc. Toutes les recettes distribuées le rappellent : la viande de porc contient peu de gras, elle apporte protéines et minéraux. « Très vite, nous nous sommes entourés de grands chefs pour que les consommateurs se disent : J'achète du porc pour me faire plaisir », explique Didier Delzescaux, animateur de VPF. Comme il ne dispose pas de budget pour faire passer des messages à la télévision, l'animateur table sur les fiches-recettes disponibles sur les points de vente. «En 2001, nous avons communiqué sur la viande fraîche uniquement et en particulier sur la longe. Avec des recettes traditionnelles et des recettes exotiques.»
Une viande festive
En 2002, le stand de VPF au Salon de l'agriculture, accueillait une cuisinière étoilée au guide Michelin, Reine Sammut de Lourmarin (Vaucluse). «Nous avions invité des journalistes pour qu'ils parlent de ce grand chef qui travaille le porc.»
Parallèlement, VPF lance une opération avec les restaurants Logis de France. «Sur trois cents recettes que nous ont proposées leurs chefs, nous avons sélectionné et édité dix recettes. Nous avons misé sur l'originalité, les spécificités régionales et la variété des morceaux. Trop de chefs privilégient le filet mignon, un morceau souvent en rupture de stock. Nous nous associons aussi avec la restauration hors foyer. Les restaurants de la Sodehexo ont proposé pendant quatre semaines quatre recettes: carré de porc braisé à l'andalouse, civet de porc au vin rouge, croustillant de porc à la mexicaine et poitrine de porc rôtie, sauce au bleu et lentilles. Nous distribuons les fiches avec recette d'un côté et information sur la viande et sur VPF de l'autre». De cette façon, la consommation a progressé de 20%.
«En 2003 sur le Salon de l'agriculture, nous avons travaillé avec l'Ecole supérieure française de cuisine Ferrandi. Trois cuisiniers ont créé et exécuté les recettes devant le public. Ce fut un pur plaisir. Notre but est de casser et de réhabiliter l'image du porc. Et vu les exclamations enthousiastes des goûteurs amateurs, cela peut marcher. Nous allons élaborer d'autres recettes plus simples, explorer la piste des émincés», conclut Didier Delzescaux.
(1) Viande de porc française.
Une école recherchéeL'Ecole supérieure de cuisine française Ferrandi accueille les étudiants de l'Agro. « Les élèves de l'Ina visualisent chez nous la transcription artisanale des processus industriels.» L'école envisage par ailleurs de créer un cycle pour les ingénieurs qui iraient vers l'agroalimentaire « pour leur donner des références techniques culinaires », explique Bruno Gardet, directeur du développement. L'école Ferrandi collabore aussi avec VPF. «Nous ne travaillons qu'avec des institutions qui représentent des produits, pas avec des marques. Pendant le Salon de l'agriculture, nous avons mis nos élèves dans des situations inhabituelles et formatrices pour eux. L'école a également organisé des cours de formation continue à la demande des fermes auberges et de l'Ifocap qui ont traité plusieurs thèmes : connaître les principes de cuisson, utiliser épices et aromates, règles d'hygiène, établir un menu équilibré... L'établissement, qui dépend de la Chambre de commerce de Paris, forme chaque année quelque mille étudiants aux métiers de bouche et à la restauration. «Nous proposons depuis peu des cours du soir à des particuliers», conclut Bruno Gardet. |
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