Orme La sélection entretient l'espoir
Décimé par la graphiose, l'orme pourrait reconquérir nos campagnes grâce aux travaux de scientifiques passionnés.
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«En une vingtaine d'années, la graphiose a décimé la quasi-totalité des 25 millions d'ormes champêtres présents dans les haies du bocage et aux abords des fermes, constate Patrice Boiron, technicien forestier à la chambre d'agriculture de l'Indre. Après cet anéantissement, nous avons fondé beaucoup d'espoir sur l'apparition de rejets, signe d'un grand dynamisme du système racinaire. Malheureusement, ces arbustes, qui ont parfois un fort développement, sont à leur tour décimés par la maladie au bout de quelques années. Maintenant, nous attendons beaucoup des arbres résistants issus de la sélection.»
En France, Jean Pinon, responsable de l'équipe de pathologie forestière à l'Inra de Nancy, a le premier eu l'idée de lancer un programme de recherche pour créer des hybrides vraiment résistants à la graphiose.
Lutèce résiste depuis vingt ans
«L'orme, essence d'un grand intérêt écologique, qui fournit un bois d'oeuvre et de chauffage intéressant, me semblait mériter un minimum de recherches, déclare le pathologiste. Nous avons engagé une série de croisements entre hybrides originaires des Pays-Bas, du Royaume-Uni et de Chine.»
Ces travaux ont débouché sur l'obtention d'un hybride, Lutèce, aux gènes européens à 90 % et résistant à la graphiose. Certains sujets plantés dans le bois de Vincennes, à Paris, résistent à la maladie depuis plus de vingt ans.
«Son port droit et élancé, son écorce lisse, en font un arbre particulièrement bien adapté aux alignements comme les allées de ferme, suggère Patrice Boiron. Grâce à sa bonne dominance apicale, Lutèce est également parfait en plantation isolée aux abords de certains bâtiments et pour procurer de l'ombre aux animaux.»
Aujourd'hui, cet arbre protégé par un certificat d'obtention végétale est distribué par plusieurs pépiniéristes qui bénéficient de la licence de développement. Pour les tailles les plus petites (de 40 cm à 1 m), il est proposé en mottes antichignon, les plus grandes tailles (de 1 m à 2,5 m) sont présentées en pots de 7 litres.
En parallèle, les pépiniéristes commercialisent un autre hybride issu de la sélection américaine, mais de génétique japonaise, le Sapporo Gold. «Cet arbre très vigoureux et rustique, mais à faible dominance apicale, me semble plus approprié pour la constitution de haies brise-vent», précise Patrice Boiron. Enfin, pour ceux qui seraient réticents à l'importation de gènes étrangers, tout espoir n'est pas perdu. Observateurs, botanistes et chercheurs ont remarqué que certains ormes champêtres avaient survécu à l'épidémie.
L'orme champêtre revient
«A partir de ce constat, nous avons recueilli puis effectué toute une série de tests sur ces populations indigènes, explique Éric Collin, animateur du réseau de conservation génétique des ormes au Cemagref. Nous cherchons à savoir si ces arbres présentent une réelle résistance à la graphiose ou s'ils ont échappé à la maladie pour une autre raison.» Après avoir bouturé huit sujets à partir de chacun de ces arbres, l'expérimentation débute quand les plants atteignent environ 2 m de haut. Une fois le champignon inoculé en période de pousse active, la réponse ne tarde pas. «Très rapidement les feuilles des arbres non résistants jaunissent et ceux-ci meurent dans l'année», constate Éric Collin.
«D'autres arbres produisent des plants moins sensibles dont quelques branches peuvent mourir, mais qui repartent dès les printemps suivants. D'ici à deux ans, les pépiniéristes devraient être en mesure de commercialiser des plants issus de ces souches indigènes que beaucoup d'amoureux de l'orme champêtre attendent.»
Recherche: pionniers HollandaisLes Hollandais confrontés dès les années 1920 à la graphiose ont été parmi les premiers à fabriquer des hybrides issus de diverses espèces plus ou moins résistantes à la maladie. Après s'être propagée dans toute l'Europe occidentale, la maladie s'est montrée plus discrète jusqu'aux années 70 pendant lesquelles elle a explosé avec encore plus de virulence. |
Graphiose: un tueur en sérieLa graphiose est due au champignon «Ophiostoma ulmi» dont le mycélium interrompt la circulation de la sève en libérant des substances toxiques. L'arbre, qui n'est plus alimenté, dépérit par le haut avec un jaunissement prématuré des feuilles et meurt rapidement. Le champignon, transporté par le vent est aussi propagé par un coléoptère, le scolyte, ce qui explique l'aspect foudroyant de l'épidémie. |
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