Des aménagements qui animent la plaine Des aménagements qui animent la plaine
Pierre-Henri Roland remodèle le paysage pour concilier l'agronomie et sa passion de la chasse.
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«Notre réflexion a commencé lorsque les CTE ont été mis en place, se souvient Françoise Roland. J'en avais assez d'entendre dire que les agriculteurs étaient des pollueurs, qu'ils défiguraient la nature... Et puis il y avait aussi la motivation de la chasse, qui est dans nos traditions et rassemble la famille.» Cette jeune veuve est alors furieuse d'apprendre qu'elle est trop âgée pour signer un CTE. Les contrats «gestion de territoire», mis en place par les chambres d'agriculture de Picardie, et leurs aides sont arrivés à point nommé. Le contrat a été signé en 2003 et les travaux d'aménagement ont débuté en mars 2004.Avec son fils, Pierre-Henri, Françoise Roland cultive 240 hectaresd'un seul tenant à Barbery, dans l'Oise. Le premier objectif a été de couper certains îlots trop grands, en matérialisant les limites de parcelles avec des haies et des bandes de recoupement.
La plaine est passée d'une surface de 240 ha, sans autre couvert végétal que le chemin d'exploitation enherbé, à des parcelles de 30 ha en moyenne bordées de haies, de bandes enherbées ou de cultures faunistiques. Ces limites étaient déjà pensées en fonction de la largeur du pulvérisateur, les nouvelles plantations ne modifient donc pas le travail parcellaire. Au bout de chaque alignement, Pierre-Henri a laissé un passage pour les engins afin de passer facilement d'une parcelle à l'autre. Les haies, dont l'orientation est nord-sud, ne devraient pas poser de problème d'ombrage. De même, «les bosquets n'empiètent pas vraiment sur les cultures. Ils sont implantés dans une pointe, un virage ou un petit recoin», précise Pierre-Henri.
Ces dispositifs constituent un début de maillage. L'agriculteur voisin, qui a également souscrit un contrat «gestion de territoire», a implanté une bande de recoupement dans le prolongement de celle des Roland, puis une haie perpendiculaire pour prolonger ce réseau. «Cela crée une émulation entre voisins», apprécie le jeune agriculteur.
Essences locales
Deux haies de 350 mètres de long et trois îlots buissonnants de 80 à 100 m² ont été plantés. Françoise Roland se remémore les moments difficiles du déroulage du paillage, de la plantation et, le plus fastidieux, de la pose des protections. Des essences locales ont été utilisées pour les haies et les bosquets: cornouillers, viornes, buis, houx, noisetiers, groseilliers, troènes, fusains... Les plants sont espacés d'un mètre et répartis par groupe de trois espèces identiques. Toutes les protections ont été enlevées au bout de quatre ans, afin de conserver les branches du bas.
Les premières années, l'entretien se limite au broyage des bandes enherbées d'environ deux mètres de large, implantées de part et d'autre des haies. « Il faut réfléchir à ce que sera le paysage après la moisson, afin que la faune ait toujours plusieurs solutions de refuge vis-à-vis des prédateurs, un choix alimentaire – criquets, sauterelles, carabes... – et des zones où se reproduire, détaille le jeune chasseur. Si les cultures voisines laissent la terre nue à l'automne, je ne broie pas l'herbe. Le couvert de fétuque ne pose pas de problème de dissémination dans les parcelles, et il est possible de le laisser monter à graine. Si ce sont des betteraves, je broie de bonne heure en respectant les périodes de couvaison.»
Les bandes de recoupement sont composées de deux bandes de six mètres de large juxtaposées. Un côté est implanté d'un couvert permanent composé de trèfle blanc et de fétuque. Un broyage par an suffit pour l'entretien. L'autre côté est semé d'espèces annuelles. Après avoir opté pour un mélange maïs-sorgho, le jeune agriculteur a dû se contenter du sorgho depuis la découverte de chrysomèles dans la région, il y a deux ans. Il pense arrêter cette culture difficile à désherber au profit d'un mélange blé-escourgeon-avoine. Les plantes restent en place tout l'hiver pour être broyées en mars.
Réduire une zone humide
Une mouillère d'environ 2 000 m² occupait l'angle d'une parcelle. «Il n'y avait plus d'intérêt agricole à cet endroit, se rappelle Pierre-Henri. Lors de gros orages, l'eau ravinait dans la parcelle au-dessous.» Une mare d'environ 100 m² a été creusée, réduisant ainsi la zone humide et évitant le ruissellement. Et le point d'eau attire le gibier. «C'est intéressant pour les faisans, gourmands en eau, les canards ou les sauvagines», remarque Pierre-Henri. Toutefois, l'hiver dernier, en curant pour extraire les limons, il a dû percer la couche imperméable et depuis l'eau ne tient plus très longtemps dans la mare.
Le contrat de cinq ans des Roland arrive bientôt à échéance. «Si je veux le renouveler, il faut faire ce que nous n'avons pas osé au début, c'est-à-dire mettre des bandes au milieu des parcelles, en calculant un multiple de la largeur du pulvé, projette Pierre-Henri. Mais cela n'est faisable que là où l'on sème toujours dans le même sens. Redécouper les parcelles peut aussi être gênant pour l'assolement.»
Avec le recul, le jeune chasseur s'aperçoit que les oiseaux se tiennent davantage dans certains endroits et moins dans d'autres, car ils manquent de points de repère. Aussi souhaite-t-il planter d'autres bosquets, afin de créer de nouveaux pôles.
Pierre-Henri Roland a planté deux haies de 350 mètres de long et trois bosquets.
La mare, aujourd'hui à sec, a permis de régler les problèmes de stagnation de l'eau et d'érosion.
La faune réinvestit les lieux
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«On a le sentiment qu'on est au début de quelque chose,confie Pierre-Henri Roland. Cette année, les haies commencent à avoir un impact sur le gibier. Il y a des perdreaux comme je n'en avais pas vu depuis cinq ans. La fertilité a augmenté. Avant, j'observais des compagnies de six animaux, cette année il y en a de vingt oiseaux. » L'augmentation du nombre de lièvres est quant à elle surtout due au piégeage des prédateurs, qu'il réalise en plus de l'agrainage.<br/>Le jeune agriculteur apprécie de travailler dans un paysage plus agréable, plus vivant. Satisfaction qu'il essaie de partager : « Il faut impliquer les salariés, si l'on veut éviter qu'ils ne labourent les plants, par exemple. Aujourd'hui, ils sont les premiers à dire qu'ils ont vu des lièvres ou des perdreaux.»
Le début de maillage créé par Pierre-Henri Roland a été poursuivi par son voisin.
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