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Les bons points de l'école rurale Les bons points de l'école rurale

Plus gros, plus beau: c'est un peu le refrain qu'entonne le ministère de l'Education nationale quand il encourage les regroupements d'école. Regroupements qui offriraient aux ruraux les mêmes chances d'accès au savoir et à la formation qu'aux citadins. Après celle des écoles rurales, c'est l'heure du regroupement des collèges qui a sonné.

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Les maires ruraux qui résistent aux fermetures des petites structures, apparaissent comme des dinosaures plus soucieux de leur réélection que du bien-être des enfants de leur commune. Mais les élus ont des arguments : les regroupements ne s'arrêtent jamais car on est toujours le petit de quelqu'un. Si regroupement rime avec économie pour l'Education nationale, il signifie aussi désertification pour le milieu rural. Ces maires mettent en avant les études de l'observatoire de l'école rurale. Elles prouvent la qualité de l'enseignement des petites structures, expliquent que l'isolement a été en partie rompu grâce aux nouvelles technologies, rappellent que les enseignants ont innové pour donner les mêmes chances aux jeunes ruraux. Les élus comme les enseignants aimeraient que le ministère de l'Education sorte de la pensée unique et n'oublie pas la concertation prônée par la loi rurale.

Quand les écoliers affluent

Face à l'explosion de sa population, Tréffendel, commune de de la périphérie de Rennes, a construit une école publique tout en préservant l'école privée existante.

Tréffendel, son bourg, son église, ses 1.120 habitants et... ses deux écoles. Situé à 25 kilomètres de Rennes (Ille-et-Vilaine), en bordure de la quatre-voies Rennes-Quimper, ce petit bourg rural a vu sa population doubler cinq ans. «La pression foncière dans l'agglomération rennaise faisant, de nombreux jeunes couples désireux de faire construire sont venus d'installer», explique Anne-Françoise Courteilles, la maire. Et dès le départ, la commune a souhaité maîtriser ce développement. Rapidement la question d'une nouvelle école au cpoté de l'école privée existante s'est posée. L'établissement publique a ouvert ses portes à la rentrée de 1999 avec un tiers d'élèves venant de l'enseignement catholique, un tiers de nouveaux arrivants et un tiers des communes environnantes L'école privée a alors dû fermer une classe. Depuis l'équilibre s'est rétabli avec la création d'une classe dans le privé, il y a deux ans, pour un effectif de 93 enfants (quatre classes) et près de 120 élèves dans l'autre école (cinq classes). Il n'y a pas eu de guerres des écoles. «Les parents du privé ont compris qu'il ne s'agissait pas de dépouiller leur école. Bien au contraire puisque nous avons prifté de la construction de l'établissement pour réaliser un restaurant scolaire qui sert pour les deux établissements.» Un soulagement pour l'école privée qui avait un besoin impérieux de rénover ses locaux.

Cantine et garderie commune

Les deux écoles sont côte à côte. Les enfants bénéficient de la cantine en commun mais également de la garderie. Aujourd'hui, les effectifs sont stables dans les écoles. La commune poursuit un objectif de population de 1.300 habitants vers 2010. Les soucis de l'école rurale restent ceux des petites écoles: le manque de moyens. «Nous accordons la même subvention de fonctionnement par enfants dans les deux écoles», affirme Anne-Françoise Courteille. Dans le privé, les investissements restent à la charge de l'école qui joue sur la bonne volonté des parents d'élèves. «Travaux dans l'école, dons d'ordinateurs... c'est l'école de la débrouillardise», confirme Sylvie Copin, directrice de l'école catholique.

 

Témoignage: MARC THILLEROT

Les limites du regroupement

Marc Thillerot suit le dossier des écoles rurales pour l'association des maires ruraux de France. «Les petites écoles ne coûtent pas plus cher. L'administration pousse aux regroupements qui lui assurent des gains de postes. Les charges qui en résultent, le transport, la garderie, la cantine, ne relèvent pas de l'éducation nationale mais pour l'essentiel des communes. L'argument pédagogique avancé pour les regroupements ne tient pas non plus: un enfant en classe unique redouble moins, est beaucoup plus socialisé. La mode du regroupement pousse à transporter des enfants en bus pour rompre leur isolement. C'est un argument toujours resservi mais éculé. Internet permet de travailler en réseau sans se déplacer. N'organisons pas l'école comme quand ces techniques n'existaient pas. Quand on crée des regroupements pédagogiques concentrés, la commune d'accueil peut avoir une attitude de tutelle avec les autres communes. Parfois au gré des politiques de construction, elle perd une grande part de ses élèves alors que les communes alentours se redressent. Je ne suis pas l'ayatollah des classes uniques mais évitons les recettes uniques. Les communes taxées de ringardes parce qu'elle ont conservé leurs écoles, vont devenir d'avant-garde. Il faut aux maires de l'énergie pour résister: l'ambiance générale pousse les parents vers la ville. Et les inspecteurs guettent toujours les baisses d'effectifs pour récupérer des postes.

 

L'escalade au secours du collège

A Riom-es-Montagnes, le collège Georges Bataille a retrouvé depuis l'an passé un nouveau souffle avec l'ouverture d'une section spécifique «montagne escalade».

Dix-sept des cent trente-deux élèves de l'établissement de Riom-ès-Montagne ont choisi la section «montagne escalade». C'est l'occasion pour eux de pratiquer une activité sportive de bon niveau mais aussi de découvrir de manière plus approfondie leur environnement proche. « C'est aussi une ouverture sur tous les métiers satellites qui relèvent des secteurs du sport, du tourisme, de l'environnement et de l'écologie, expliquent Marie-Hèlène Bonnafous, principal du collège et Tony Coutarel, professeur d'éducation physique et sportive (EPS), animateur de l'activité et… enfant du pays.

Attirer de nouveaux élèves

L'arrivée simultanée en 2003 d'un principal, d'une conseillère principale d'éducation (CPE) et de trois enseignants désirant vivre dans les monts du Cantal a favorisé une impulsion vitale pour l'établissement. Un foyer a été ouvert, le mobilier de cantine changé, des salles rénovées.

Le conseil général a doublé l'enveloppe allouée à la rénovation des vingt-deux collèges du département avec un budget de 20 millions d'euros. Les nouvelles classes spécialisées susceptibles d'attirer de nouveaux élèves bénéficient de dotations de fonctionnement. « Les familles du Cantal n'assureront pas à elles seules l'effectif actuel de 4 800 élèves dans les vingt-deux collèges publics. Pour ne pas subir des fermetures d'établissements, nous anticipons », souligne Bernard Delcros, conseiller général chargé des dossiers de l'éducation. « Cela suppose en amont l'accueil de nouveaux actifs et l'organisation des services avec un engagement des intercommunalités, de l'Etat et du conseil général. Nous travaillons avec les communautés de communes sur des projets de territoire liés à des projets éducatifs locaux. » Les idées nouvelles naissent parfois dans la difficulté. Le collège de Saint-Martin-Valmeroux suspendu par l'éducation nationale en 2000-2001 a réouvert ses portes un an plus tard, après contestation des parents et des élus. Il a le statut d'antenne pionnière et dépend, sur le plan administratif, du collège de Mauriac. En proposant une pédagogie innovante, il a recruté une soixantaine d'élèves au niveau national. Plus de la moitié d'entre eux sont internes.

 

Offrir des formations diversifiées

Selon Pierre Champollion, les territoires d'éducation doivent répondre aux besoins majoritaires de la population rurale.

Pierre Champollion, inspecteur d'académie et membre de l'IUFM de Grenoble est un des piliers de l'observatoire de l'école rurale. « Les collèges ruraux sont davantage dévalorisés dans les têtes dans les faits. Le contexte est difficile mais la formation n'est pas de seconde zone. Les élèves des collèges ruraux sont à l'heure en fin de cinquième, c'est-à-dire qu'ils ont un peu moins redoublé que les autres élèves. Mais ils ne capitalisent pas cette avance : ils envisagent davantage de formations courtes et sur place. L'offre de formation généraliste est plus limitée en nombre de place et en options. En Rhône-Alpes nous avons construit des lycées en zone d'ombre, avec une palette d'options pour éviter que les parents ne contournent ces lycées. Cela augmente les coûts car les effectifs sont petits. Nous devons inventer une autre pédagogie car les surcoûts sont rarement assurés dans la durée. La petitesse est assimilée à faiblesse. A l'heure d'Internet, la taille n'est pas forcément un élément discriminant. Nous sommes toujours le petit de quelqu'un. A Saint-Cyr-la-montagne, le collège qui comptait 32 élèves en compte 60. Il a sa place. Ailleurs deux collèges de 100 élèves distants de 15 kilomètres peuvent poser question. Tout dépend de l'environnement, de l'accessibilité, de la diversité de l'offre de formation.»

 

Se battre contre la loi des effectifs

Authon et Prunay-Cassereau ont rénové leurs écoles et ont bataillé pour l'ouverture de classes. Face au Yo-Yo des effectifs, chaque année élus et parents sont sur le qui-vive.

Authon et Prunay-Cassereau, deux communes du Loir-et-Cher, distantes de 7 kilomètres ont formé un regroupement pédagogique intercommunal (1) en 1991. Leurs écoles étaient sauvées. Pas pour longtemps cependant. En 1996, la baisse du nombre d'élèves pousse l'inspecteur d'académie à fermer une classe de maternelle. Deux ans plus tard, le nombre d'élèves inscrit au RPI passe de 74 à 82. « La classe de maternelle croulait sous un effectif trente gamins. Nous avons muré l'entrée des deux écoles avec des ballots de paille. L'inspecteur a fini par se déplacer. Et après une négociation serrée, il a rouvert la classe fermée en 1996 », explique Séverine Mermillod, une mère d'élèves. A Authon, la mairie réhabilite d'urgence une classe. L'année suivante les effectifs grimpent à 90 élèves. En 2001, la municipalité d'Authon agrandit sa maternelle pendant que Prunay remet son école aux normes. Malgré la chute d'effectif temporaire en 2001, les projets de rénovation de l'école élémentaire d'Authon et de la cantine à Prunay sont mis sur les rails. En 2002, 115 élèves sont présents, une cinquième classe est ouverte.

Une école de qualité et de proximité

Evelyne Boucher agricultrice à Authon préside l'association de la cantine d'Authon. Elle a scolarisé successivement ses cinq enfants sur la commune : « Nous nous sommes installés en pleine bagarre. Nous avons fourni les bottes de paille. Nous nous battons pour une école de qualité sur place, pour que nos enfants ne passent pas tout leur temps dans le bus. Les activités ne manquent pas entre piscine, sport, sorties au cinéma… Nous apprécions aussi les sorties qui valorisent les activités et le patrimoine local. L'école, c'est la vie au village, c'est le savoir. Cette rentrée nous sommes encore un peu sur la selette avec 105 élèves en 2004 contre 107 en 2003. Mais l'inspecteur sait qu'il ne pourra pas nous faire n'importe quoi. » Les élèves aujourd'hui disposent d'une garderie à Prunay, la mairie d'Authon a équipé sa salle informatique d'un accès à Internet haut débit. Séverine Mermillod se réjouit de la dernière victoire des parents : à la rentrée les enfants signalés en difficulté pourront enfin être suivis par le réseau d'aide aux enfants en difficulté dont ne bénéficiait pas ce RPI rural. « Les enseignants sont motivés mais les jeunes instituteurs ne restent pas plus de deux ou trois ans. Cette valse nous pose le problème de la continuité des activités et la transmission des informations », conclut Evelyne Boucher.

(1) La France compte 4 800 RPI desservant en moyenne trois communes. Les trois quarts sont dits dispersés comme celui d'Authon-Prunay et un quart concentré. Une commune sur trois n'a plus d'école.

 

Témoignage: PASCAL MERMILLOD, maire d'Authon

Investissements lourds pour public fluctuant

«En 2002, nous avons dégagé un budget de 14.000 euros pour l'ouverture d'une cinquième classe », explique Pascal Mermillod, maire de la commune. Les deux communes assument ensemble les 92 000 euros annuels de dépenses de fonctionnement tandis que le conseil général prend en charge la quasi-totalité de 24 000 euros de frais de transport. « L'école est le moteur d'une commune. Elle anime la vie quotidienne. Elle fait venir la population. Quand l'inspecteur commence à fermer des classes lors d'un creux démographique, il aggrave l'hémorragie. Les fluctuations sur nos petits effectifs sont inéluctables. Deux familles déménagent et c'est parfois sept enfants en moins. Une famille arrive et les effectifs remontent. L'accueil de jeunes ménages, donc de jeunes enfants offre aux maires une parade. La construction de logements sociaux répond à ce souci. Mais les maires doivent faire face à l'extrême mobilité des enseignants : ils arrivent, se lancent dans des projets pédagogiques ambitieux, le RPI les finance et au bout de deux ans ils repartent vers la ville», regrette Pascal Mermillod.

 

La qualité de l'enseignement reconnue

Bonnes performances scolaires, initiation précoce aux nouvelles technologies, pédagogie inventive, l'observatoire de l'école rurale démonte les idées reçues.

Plus sûrement que le manque d'élèves, ce sont les idées reçues qui mettent en danger les petites écoles rurales : enseignement de moindre qualité, ouverture culturelle limitée, retard face aux nouvelles technologies, isolement des élèves et des enseignants. Selon le ministère de l'éducation, « l'émiettement du tissu scolaire ne répond plus aux exigences d'un enseignement moderne et de qualité ». Pourtant l'étude menée depuis 1999 par l'observatoire de l'école rurale apporte de l'eau au moulin des défenseurs des petites structures.

Yves Alpes de l'IUFM (Institut de formation des maîtres) d'Aix-Marseille fait partie des enseignants chercheurs du pôle Sud–Est (1) qui se sont penchés sur les écoles rurales. « Depuis 1999 l'observatoire de l'école rurale suit une cohorte de 2 500 élèves. » Les premiers résultats bousculent les dogmes de l'Education nationale.

Les pratiques culturelles dépendent du milieu familial

Tout n'est pas rose cependant. L'effort financier consenti par les communes est variable. La ville continue d'attirer certains parents tout comme les jeunes enseignants : « Moins de 10 % des jeunes enseignants demandent un poste en école rurale à la sortie de la formation. Ceux qui sont nommés, ne restent pas longtemps. Ils n'habitent pas forcément sur place. Or, plus l'école est petite, plus le lien avec les élus est serré.»

(1) L'observatoire de l'école rurale a été créé par des enseignants chercheurs du pôle Sud-Est qui regroupe des enseignants des IUFM de Grenoble, d'Aix, de Franche-Comté, d'Auvergne et de Lyon. Il travaille avec le laboratoire MTI SHS de l'université de Franche-Comté.

 

Les jeunes ruraux se sous-estiment

Quand ils sont interrogés sur leur avenir, ils font des choix professionnels plus modestes que la moyenne des élèves. Yves Alpes tente une explication : « Est-ce une autocensure ou tout simplement du réalisme : ils minimisent peut-être leurs capacités pour maximiser leurs chances de trouver un travail sur place. Ils envisagent davantage l'enseignement professionnel. Selon certains observateurs, c'est peut-être une stratégie de réussite pour rester dans le milieu rural. Les emplois en rural répondent à cette stratégie : des emplois plutôt masculins, de niveau BEP. Ce choix ne se fait pas par défaut. Quand on leur demande de citer des métiers, ils ont une vision aussi large qu'en ville : ils citent 480 métiers différents de tous les horizons, comme les citadins. Une exception: le métier d'agriculteur est plus fréquemment cité par les jeunes ruraux.»

 

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