Les ruraux se battent pour sauver leurs Les ruraux se battent pour sauver leurs collèges
Après les regroupements qui ont touché les écoles rurales, c'est au tour des collèges ruraux de vivre des restructurations. Les conseils généraux ont en charge les bâtiments depuis la loi de décentralisation de 2002. Pour le plus grand bien du parc immobilier, qui a été rénové. Depuis le 1er janvier 2006, ils ont aussi hérité de la gestion du personnel de service, avec la promesse d'une compensation financière de l'Etat. Ils gèrent également les transports scolaires. Le ministère de l'Education quant à lui nomme les personnels enseignants.
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Les partisans de la restructuration des collèges de moins de trois cents élèves soulignent le faible choix des filières proposées aux jeunes, en particulier en langues, les dangers d'une équipe éducative réduite, des résultats aux examens ou au passage en seconde moins élevés. Mais les tenants des collèges de proximité rappellent que le ministère de l'Education, à la fois juge et partie, réduit la diversité des options des petits collèges lorsqu'il ampute leur dotation horaire. Les parents et les élus touchés par les fermetures avancent d'autres arguments, en particulier le bien-être des enfants, la nécessité d'enrayer les hémorragies de population ou encore le dynamisme des équipes de parents et d'enseignants.
Protégés par les échéances électorales de 2007, la restructuration des collèges reste larvée. Qu'en sera-t-il, en 2008, lorsque l'on entrera de plain-pied dans la réforme Fillon et la multiplication annoncée des parcours de formation au collège, le tout dans un climat de réduction des personnels enseignants?
Des parents déterminés à rester dans leur presqu'île
Depuis quatre ans, parents et élus de Camaret-sur-Mer se mobilisent pour garder leur collège.
C'est un établissement en granit rose et gris, bâti sur les hauteurs de Camaret-sur-Mer, un village du Finistère de 2 700 habitants. Une pancarte apposée sur la grille d'entrée rappelle aux parents d'élèves la générosité du conseil général qui y a investi 160 000 € il y a deux ans. Ce collège, dont rêveraient beaucoup de citadins, accueille quatre-vingts jeunes ruraux. « Insuffisant », tonne l'inspecteur d'académie, qui l'inscrit régulièrement sur la liste des fermetures d'établissements scolaires.
Un attachement viscéral
Camaret-sur-Mer partage ce cauchemar avec cinq autres collèges ruraux du Finistère qui n'atteignent pas le chiffre fatidique des cent élèves. Mais les parents d'élèves, tout comme les élus, n'acceptent pas cette mathématique qui condamne leur choix de vie. « Le 4 février 2006, le sous-préfet annonçait la fermeture du collège. Le 17, Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire, nous donnait un sursis de deux ans », résume Morgane Bernard, présidente du Comité de défense des écoles de Camaret. Elle a choisi, il y a dix ans, de vivre sur cette commune. Autour d'elle, les parents du comité de soutien déclarent le même attachement viscéral à ce petit port qui a perdu son agriculture et une grande partie de sa pêche, mais pas sa magie. Martine Auffret, parent d'élèves, souligne sa force d'attraction : « Les jeunes qui vont au lycée ou à la faculté à 45 kilomètres reviennent tous les week-ends. »
A ceux qui prétendent qu'en dessous de trois cents élèves, les collèges manquent d'équipements, d'ouvertures et disposent d'un corps enseignant restreint, les parents répondent : « Les résultats de nos enfants en seconde valent ceux des autres collèges du secteur : ils font de l'informatique, partent en voyage chaque année grâce aux actions du foyer socio-éducatif, vont au théâtre. Tous les mercredis, 80 % d'entre eux pratiquent un sport collectif. » Patricia Kerdreux, parent d'élèves, renchérit : « L'ouverture de la section voile a permis d'attirer quelques élèves. Mais les autres collèges tiennent à garder leurs inscrits. La section surf, qui aurait dû nous revenir, a été attribuée à Crozon.»
En cas de fermeture, le collège de Crozon accueillerait les jeunes Camaretois. Les deux collèges partagent déjà la même principale, peu réceptive à tous ces arguments. Morgane Bernard justifie pourtant l'acharnement du comité de défense : « La fermeture du collège agira en cascade sur les écoles primaires. La fin du collège signerait la mort de Camaret. »
Témoignage: MICHEL LE PAGE, maire de Camaret-sur-Mer Un élu offensif Maire depuis 2001 de Camaret-sur-Mer, Michel Le Page partage l'analyse des parents : « Les familles de la commune ne sont pas aisées. La fermeture du collège, c'est dix-neuf emplois en moins et des coûts plus élevés pour les familles (80 % des enfants déjeunent à la maison). Nous comptons donc sur les nouveaux lotissements pour augmenter le nombre d'élèves. » Mais le maire s'inquiète déjà de la fin du sursis de deux ans : « Les constructions ne seront pas livrées avant 2008. » Il s'interroge aussi sur la stratégie du conseil général, qui a pourtant lourdement investi à Camaret. Après avoir évoqué le seuil des trois cents élèves à atteindre, le président du conseil général s'abrite prudemment derrière les décisions de l'Education nationale. |
Conserver les mêmes moyens que les établissements urbains
Malgré ses 450 élèves venus de douze communes avoisinantes, Aups doit se battre pour maintenir un enseignement diversifié.
Depuis plusieurs années, le collège Henri Nans d'Aups, dans le Var, subit une diminution de ses moyens. Parents et enseignants sont inquiets pour la qualité de l'enseignement dispensé. «Nous voulons que nos enfants aient les mêmes chances qu'ailleurs», lance Jean-Michel Giraud, représentant des parents d'élèves.
Cet établissement de quatre cent cinquante élèves rayonne sur douze communes rurales, la plus importante recensant 3 000 habitants. Ont été rayés du programme l'allemand, le latin en cinquième et les classes de remise à niveau et de soutien en cinquième et quatrième. En janvier dernier, l'annonce par l'inspection académique du Var d'une nouvelle suppression de moyens pour la rentrée prochaine – une vingtaine d'heures en moins – a déclenché la colère. Lors du conseil d'administration du collège, en février, parents et enseignants ont voté contre la dotation globale horaire. Par la suite, une manifestation, à laquelle les élus ont participé, a été organisée dans les rues d'Aups. « Elle a réuni trois cent cinquante personnes, c'est beaucoup pour un petit village comme le nôtre », se félicite un parent. L'inspection académique a répété ses arguments aux délégations de professeurs et de parents : « Cette diminution horaire correspond à une baisse des effectifs de seize élèves à la prochaine rentrée scolaire. Par personne, la dotation est identique à l'année précédente.»
Manque de chaises
Dans les faits, c'est un poste d'éducation physique et sportive qui disparaît, au moment même où le conseil général vient de doter le collège d'un gymnase flambant neuf. La classe d'aide et de soutien en troisième est également supprimée. Si les professeurs y voient « une atteinte à l'égalité des chances », l'inspecteur d'académie, Dominique Müller, avance que « ce type d'expérience n'est plus souhaité par le ministère de l'Education nationale. »
Une classe ordinaire pourrait également être fermée, ce qui porterait le nombre d'élèves par classe à plus de vingt-huit. « Dans certaines salles, il n'y a que vingt-six places assises », note Jean-Michel Giraud. Des menaces pèsent sur l'option latin en quatrième et sur l'italien. « En deuxième langue, nos enfants ont désormais le choix entre espagnol et espagnol, poursuit-il. En seconde, ils ne pourront pas non plus accéder aux classes européennes, car il n'en existe pas en troisième au collège d'Aups. Nous avons l'impression d'être des laissés-pour-compte. »
La grogne monte aussi du côté des élus. « De plus en plus, on grignote sur nos droits et nos acquis », dénonce Michel Pelloquin, maire de Bauduen, commune de trois cents habitants dont les enfants sont rattachés au collège d'Aups. « Ici, on réduit les moyens accordés au collège, là on veut nous supprimer la Poste, les services d'équipement… » Dans leur combat pour leur collège, les habitants de ces communes ont mis en avant la nécessité de maintenir un service public équivalent à celui du reste du département.
Rien à 35 kilomètres à la ronde«Nos spécificités ont du mal à être prises en compte, déplore Quentin Dauphiné, professeur d'histoire-géographie et responsable de la section syndicale du collège d'Aups. Il n'y a pas d'autres collèges dans un rayon de 35 km. La ville de Draguignan se trouve à 30 km. Toulon et Fréjus sont à 90 km. Cela signifie qu'il n'y a pas de solution de repli dans d'autres établissements pour les élèves qui souhaiteraient suivre des matières qui ne sont plus dispensées dans notre collège.» En clair, ils n'ont guère d'autre choix que de suivre leur scolarité à Aups, malgré la diminution des moyens. |
Une pédagogie différente pour attirer de nouveaux élèves
Le petit collège rural de Saint-Martin-Valmeroux a évité sa fermeture en attirant les collégiens des départements alentours.
Chaque nouvelle rentrée scolaire les amène de différents coins de France : en 2006, sur les soixante élèves du collège de Saint-Martin-Valmeroux, dans le Cantal, la moitié de l'effectif était du département et l'autre de Corrèze, de Haute-Loire, du Puy-de-Dôme, du Lot, de l'Ardèche et du Gard. Plusieurs enfants originaires de la Dordogne sont inscrits pour la rentrée 2006-2007. Ce qui peut sembler simple aujourd'hui ne l'a pas toujours été. « Notre petit collège a connu des années noires, avec dans un premier temps un regroupement administratif avec un collège voisin, puis un an de suspension suivi d'une réouverture symbolique à la rentrée suivante. Il était hors de question d'accepter un collège "en friche" au milieu du village, commente Christian Fournier, maire de cette commune de 950 habitants. C'est un projet d'équipe qui a abouti. »
Retenir les enfants du pays et en attirer de nouveaux, tel était le challenge. C'est alors l'idée d'un collège pionnier qui prend peu à peu consistance autour d'un petit noyau de parents et d'enseignants, convaincus du bien-fondé d'une « autre » pédagogie. Au collège de la Maronne, « les élèves apprennent les mêmes choses, préparent les mêmes examens mais autrement », explique l'équipe pédagogique. L'organisation est différente de celle d'un collège classique : les élèves ne sont pas répartis par classe de la sixième à la troisième mais selon leur niveau par matière. Il n'y a pas non plus de notes mais des unités de valeur et un cahier d'évaluation validant l'acquisition des savoirs au rythme de chacun. Un contrat est passé entre le collège et l'élève. Ce dernier, davantage responsabilisé et impliqué dans la vie de l'établissement, suit des cours le matin et participe à des ateliers l'après-midi.
Une demande supérieure à la capacité d'accueil
Ce type de pédagogie concerne une dizaine de collèges en France et attire deux profils d'enfants : ceux désirant un enseignement différent et ceux ayant « décroché » du système classique. Pour l'heure, les demandes sont supérieures à la capacité d'accueil de l'internat, comptant vingt-quatre places pour les garçons et dix pour les filles. Mais un projet d'agrandissement de l'internat féminin est imminent.
Le collège a attiré des enseignants qui, au terme de leur mutation, se sont installés au village. « Six à sept familles ont également déménagé et élu domicile à Saint-Martin-Valmeroux afin d'y scolariser leurs enfants », se réjouit Christian Fournier.
Créer des options attractivesEn six ans, le Cantal a perdu cinq cents collégiens. Vingt-trois établissements ouvriront leurs portes à la rentrée prochaine. Pour conserver leurs effectifs, les collèges proposent, depuis cinq ans, de nouvelles sections. Sportives d'une part, avec escalade à Riom-ès-Montagnes, équitation à Condat, judo à Aurillac, handball à Saint-Mamet, football à Ydes. A Pierrefort, le plus petit collège du département en 2000 a jeté son dévolu sur une section de jeunes sapeurs-pompiers, à raison de trois heures par semaine de préparation au brevet d'aptitude de jeune sapeur-pompier. Et les demandes affluent de toute la France. Des ateliers d'occitan sont également intégrés en enseignement optionnel dans six établissements tandis que trois d'entre eux proposent des sections européennes et neuf autres des classes bi-langues. « Il y a deux dangers à contrecarrer : une baisse d'effectif due à une chute démographique et un manque d'attractivité de certains établissements », explique l'inspection académique. Tous les ans, la pertinence des projets est examinée par l'inspection académique, le rectorat et le préfet. Le bilan s'avère pour l'instant positif : un seul collège a fermé ses portes. |
L'échec d'une remise à plat de la carte scolaire
Le président du conseil général des Ardennes proposait de fermer dix collèges et d'aménager les autres pour couvrir tout le territoire.
«Chaque année depuis vingt ans, des menaces de fermeture de collèges planent. Le département des Ardennes dispose de 44 collèges publics pour 13 800 élèves. Ils étaient plus de 19.000 sur 46 collèges en 1986. En 2010, ils seront 11 000. Nous avons un collège pour 6 600 habitants ; l'Aisne en compte un pour 9.000 habitants et la Marne pour 11 800. » Benoît Huré, président du conseil général, a décidé de prendre le taureau par les cornes.
Moins d'une heure de transport par jour
«Selon un rapport des inspecteurs généraux de l'Education nationale, les élèves qui sortent des petits collèges connaissent une moindre réussite au brevet et poursuivent moins leurs études. » Avec la réforme Fillon, les parcours diversifiés se multiplieront à la rentrée 2006. «Or les petits collèges doivent se battre pour maintenir la moindre option. Je ne voudrais pas que les enfants, qui ont aujourd'hui 10 ans, me fassent le reproche de ne pas leur avoir donné leur chance. »
L'objectif de Benoît Huré est de mailler tout le territoire avec des collèges restructurés de 300 élèves. En novembre 2005, il propose une révision de la carte scolaire. Son projet envisage, étude à l'appui, la fermeture de dix collèges, la construction d'un collège neuf, le réaménagement et l'agrandissement des établissements restants. « Il mettait 95 % des élèves à moins d'une heure de transport par jour. » L'assemblée vote l'étude du projet à une courte majorité et renvoie à un débat sur le terrain. Revenus à la réalité, nombre d'élus ont fait machine arrière. Bruno Deswaene, un parent d'élèves qui a mené le combat contre la fermeture du collège du Chesne, explique : « Le conseil général évoque la baisse du nombre d'élèves pour fermer des sites, mais ce sont les établissements des villes comme Charleville ou Sedan qui perdent le plus d'élèves. Si le Chesne était fermé, les enfants rejoindraient un collège moins bien équipé situé à 35 kilomètres, avec une heure et demie de trajet. Notre collège est déjà en réseau avec celui de Vouziers, à 8 kilomètres. Les deux structures scolarisent 565 élèves et toutes les nouvelles options demandées par la loi sont assurées entre les deux sites. Pourquoi ne pas tirer un bilan objectif de ce rapprochement ? Les élèves obtiennent de bons résultats au brevet des collèges. Quant au manque d'ambition des parents en milieu rural souligné par les inspecteurs de l'Education nationale, s'il existe, il n'est pas lié au nombre d'élèves du collège. Le conseil général s'appuie trop sur les informations de l'Education nationale qui est juge et partie. »
Au début de juillet, le vote définitif entérine la fermeture d'un seul collège de 68 élèves et la réunion de deux établissements dans de nouveaux locaux. « Personne ne s'est senti vainqueur au soir du vote », souligne Benoît Huré, déçu.
Témoignage: BENOÎT HURÉ, président du conseil général des Ardennes Un débat rare Benoît Huré ne regrette pas d'avoir lancé le débat de fond, mais il regrette de ne pas avoir convaincu : « Les élus et la population craignent toute fermeture de service public. Mais le conseil général proposait de soutenir massivement les projets autour de la petite enfance et de l'aide à la personne dans les villes privées de leurs collèges. Personne ne se réjouit vraiment que la situation perdure. Le rééquilibrage futur se fera. Et faute d'être concerté, ne respectera pas forcément l'aménagement de tout le territoire. Maintenant, la décision a été prise démocratiquement. Pour que cela change, il faudra que la demande vienne des territoires. » |
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