Transports en milieu rural Des initiatives pour se déplacer sans voiture
Pour rompre l'isolement des « sans-voiture », convaincre les jeunes ménages de revenir vivre à la campagne ou tout simplement pour faciliter la vie de ceux qui y résident, les initiatives locales se multiplient. Dans la Meuse, une communauté de communes propose un nouveau service de transport à la demande, qui fonctionne sur appel préalable. En Seine-et-Marne, à 15 kilomètres de l'autoroute Paris-Reims, les bus ont disparu.
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Ce sont des bénévoles qui ont pris le relais pour transporter les personnes isolées. Dans l'Aveyron, depuis une quarantaine d'années, les transports scolaires s'appuient sur un réseau de voitures particulières. Enfin, dans la Mayenne, entre lignes régulières redessinées, arrêt à la demande et passage de minibus sur le pas de la porte, les habitants bénéficient d'un service de pointe qui maille tout le territoire. Des exemples qui montrent comment une volonté politique peut influer sur l'aménagement du territoire. Des expériences riches d'enseignement à l'heure du carburant cher et de la complainte écologique.
Un service précurseur qui couvre tout le département
Le conseil général de la Mayenne a réorganisé les transports pour contenter toutes les demandes.
«Les transporteurs qui exploitaient les lignes de bus dans les années soixante-dix, en particulier vers les marchés, ont menacé de les supprimer faute de passagers», explique Yves Gauthier, responsable du service des transports du conseil général. «La Mayenne compte 38 habitants au kilomètre carré en milieu rural, chiffre révélateur de l'isolement des personnes dites "captives": les personnes âgées, les jeunes de moins de 18 ans ou sans véhicule.» Avant même les lois de décentralisation, le conseil général de la Mayenne décide de mettre la main à la poche.
Un système efficace
Après une étude pour réadapter l'ancien service devenu obsolète, le premier schéma de transport est signé en 1981. Le système englobe le transport régulier et scolaire, avec en complément un transport à la demande baptisé « Transport rural collectif ». « Il a été créé dans les communes qui le demandaient, souvent sur deux demi-journées », précise Yves Gauthier. Ce service couvrira jusqu'à la moitié du département. En 1991, lors du renouvellement des conventions, le conseil général refait un état des lieux très approfondi. Cette nouvelle réorganisation sera particulièrement efficace sur le public étudiant. En revanche, le transport rural à la demande ne donnera pas les résultats escomptés, avec seulement 361 adhérents, dont 75 % de retraités.
En 2003, toute l'articulation entre transport régulier et transport à la demande est réexaminée. Désormais, la Mayenne compte vingt grandes lignes régulières qui traversent le département et vont jusqu'à Nantes ou Angers, et quatorze lignes scolaires que peuvent emprunter les particuliers. En dehors des heures scolaires, un réseau fin de dix-sept lignes (dont les quatorze lignes scolaires) est proposé selon des horaires connus mais avec arrêt uniquement à la demande. Les usagers appellent le numéro vert de la centrale de mobilité ouverte du lundi au samedi, de 9 heures à 16 heures. L'appel doit parvenir au plus tôt quinze jours avant le déplacement, au plus tard la veille du départ.
Ce transport à la demande baptisé « Petit Pégase » propose un deuxième service encore plus souple avec prise en charge à domicile pour ceux qui veulent se déplacer dans leur secteur uniquement. Ce service est possible sur quatre demi-journées, dont le jour de marché, le mercredi et le samedi. Le département est découpé en huit secteurs de quarante-deux communes. Le demandeur contacte la centrale de mobilité dans les conditions déjà décrites.
«J'appelle pour l'aller et le retour de mon fils à l'école de musique le mercredi. C'est un covoiturage efficace organisé par la collectivité, le prémice des modes de transport de demain », explique M. Gaillard, père de trois enfants et habitant à Saint-Ouën-des-Toits. Le nombre d'adhérents à « Petit Pégase » était de 4 355 en juillet 2006, dont 36 % de retraités. Prochaine étape : une meilleure prise en charge des handicapés.
Coût: 3 euros pour un aller simpleSur les lignes régulières, le trajet coûte 3 € par zone au particulier. S'il franchit deux zones, il paie donc 6 €. Le transport avec prise en charge à domicile est facturé 3 € pour un aller simple. Les moins de 26 ans bénéficient d'un demi-tarif. Le coût moyen par personne revient à 18,81 € pour le conseil général qui prend en charge la différence. « Le transport scolaire absorbe 75 % du budget, le transport régulier de voyageurs 21 % et le transport à la demande 4 % en 2005. Sa part a progressé en 2006 mais reste raisonnable face à l'objectif d'aménagement du territoire », estime Yves Gauthier. Le prix du ticket est cependant passé de 1,5 € à sa création en 2003 à 3 €. |
Des taxis à moindre coût pour les personnes à mobilité réduite
Dans la Meuse, les taxis locaux assurent les déplacements à la demande subventionnés par la communauté de communes.
Vigneulles-lès-Hattonchâtel a préservé tout son dynamisme au coeur de la Lorraine. Commerces et établissements divers y drainent une population plus ou moins jeune, plus ou moins affairée, en provenance des communes environnantes. Même les personnes privées de moyens de transport participent à ce mouvement grâce à une action mise en place par la communauté de communes du Pays de Vigneulles.
Une question cruciale
Depuis six ans, la possibilité est offerte aux personnes ayant des difficultés à se déplacer de prendre le taxi, à moindre frais, pour se rendre au bourg: «Notre objectif était de répondre aux besoins de mobilité de certaines catégories de personnes (âgées, handicapées...) pour leur permettre de faire leur marché, de se rendre à la banque, à la Poste ou chez le médecin», explique Sylvain Denoyelle, président de la communauté de communes, à l'origine de cette initiative.
Sur un territoire où vivent 3 500 habitants répartis dans onze communes, avec une densité de onze personnes au kilomètre carré, la question du transport reste cruciale. « Nous avons choisi la formule de la souplesse en nous appuyant sur les artisans locaux », souligne M. Denoyelle. Il s'agit de subventionner les courses de taxi. Les bénéficiaires de ce service sont les personnes âgées de plus de 60 ans ainsi que celles atteintes, temporairement ou définitivement, d'un handicap.
Création d'un pôle médical et social
Deux formules ont été mises en place. Lorsque les déplacements sont limités au territoire de la communauté de communes, le tarif est de 2 € aller et retour (il va bientôt passer à 3 €) pour l'usager. Le reste est pris en charge par la communauté de communes. Concernant les déplacements hors-canton pour des rendez-vous chez des médecins spécialistes dans un rayon de 70 km (Verdun, Bar-le-Duc, Commercy, Nancy, Metz), la communauté de communes prend en charge la moitié du prix de la course, dans la limite de 25 €. Ce service est réservé aux personnes qui ne sont pas imposables.
L'initiative a connu un succès grandissant qui s'est encore développé depuis la création à Vigneulles, en septembre 2005, d'un centre médico-social qui regroupe médecins, dentiste, psychologue, podologue, assistante sociale, diététicienne, sage-femme, orthodontiste… En 2005, 1 485 voyages ont été financés, ce qui représente 30 000 km pour un budget de 20 000 €. Un service qui a dopé l'activité des taxis locaux, au point que l'un d'entre eux a dû embaucher un salarié.
Guide pratique: «Le Transport en milieu rural»Dans le cadre de l'arrondissement de Commercy, qui englobe une large zone rurale, un guide des transports disponibles est en préparation à l'usage de tous ceux qui ont des difficultés pour se déplacer. Toutes les informations concernant le transport dans la zone y seront recensées (infos pratiques, lignes, horaires, coûts…) ainsi que tous les modes de déplacement disponibles : bus, taxis, transports à la demande, coordonnées des associations impliquées dans l'aide aux transports et qui financent des locations de mobylettes, des formations au permis de conduire… Dans chaque commune ou communauté de communes de ce territoire, un référent en matière de transport a été désigné pour collecter et fournir les informations nécessaires. La réalisation de ce guide, en cours d'élaboration, est unique en son genre. |
Des particuliers transportent les scolaires dans leur véhicule
Dans l'Aveyron, les particuliers sont sollicités pour assurer le transport des enfants et étudiants.
«Nous proposons à tout enfant scolarisé un moyen de transport s'il est à plus d'un kilomètre de son école », explique Jean-Marie Prat, responsable des transports au conseil général de l'Aveyron. Depuis les années soixante- dix, le département a repris en charge le système imaginé par les associations locales de Familles rurales quinze ans plus tôt. Là où les bus ne peuvent satisfaire un transport de proximité, des particuliers assurent le service contre rémunération.
Une réglementation rigoureuse
Quelque 496 voitures particulières agréées et 238 autocars sillonnent les routes de l'Aveyron pour convoyer 11 738 élèves. Les particuliers transportent d'abord les collégiens et lycéens vers les réseaux de bus, puis les écoliers, y compris les enfants de maternelle, vers les écoles de village. Le transport des enfants est assuré vers l'établissement public ou privé le plus proche du domicile choisi par la famille. « Nous veillons à ce que ce maillage garde sa qualité et sa sécurité, que les horaires et les arrêts soient respectés, explique Georgette Garric, de la Fédération départementale de Familles rurales. Nous avons une association dans chacun des seize secteurs de la carte scolaire. 78 % des collégiens sont à moins de 45 minutes de leur établissement. »
Le conseil général applique une réglementation sans cesse renforcée. « Les transporteurs retenus ont répondu à notre appel d'offres en 2006, poursuit Jean-Marie Prat. Ils doivent être inscrits au registre du commerce s'ils ne sont pas déjà inscrits dans un autre registre par leur profession et au registre des transports. Leurs véhicules sont contrôlés tous les ans. » Ces particuliers sont artisans agriculteurs ou mères au foyer. Leur rémunération découle de leurs propositions lors de l'appel d'offres. Ils s'assureraient une rémunération horaire voisine du Smic.
Dans les communes sans candidat, le conseil général délègue la compétence à la commune. Familles rurales reste vigilant sur les délégations attribuées aux grandes villes : « Les tarifs doivent être les mêmes si on veut un aménagement de tout le territoire », précise Georgette Garric, inquiète de la décision de certaines agglomérations d'appliquer des tarifs plus favorables.
L'avis de MICHEL FOURNIER, maire des Voivres (Vosges) Le département des Vosges ne joue pas le même jeu«Depuis la décentralisation, lorsque la commune organise le transport scolaire, le conseil général donne une aide financière. Notre facture de transport de 19.000 €/an n'est compensée qu'à hauteur de 2 500 € car notre convention avec le conseil général date de 1991, lorsque la commune comptait 200 habitants et 9 élèves. Elle est passée à 360 habitants et 65 élèves. Nous avons acheté un minibus d'occasion, recruté un chauffeur. Nous sommes pénalisés pour notre développement.» |
Coût: 148 euros par an et par élève« Le coût du transport scolaire a progressé de 28 % en 2003 », constate Jean-Marie Prat, du conseil général de l'Aveyron. Cette augmentation résulte des conséquences de l'inscription obligatoire des particuliers au registre des transports et de la multiplication des navettes suite à l'obligation d'attacher les enfants de moins de 10 ans qui comptaient jusque-là pour une demi-place. Les communes qui participaient à hauteur de 16 % prennent en charge 22 % du coût. « Nous ne souhaitons pas que la part des familles dépasse 12 % », insiste Georgette Garric. L'abonnement annuel coûte 148 € par enfant (gratuit à partir du troisième). |
Des bénévoles remplacent le service de bus
En Seine-et-Marne, là où le bus ne passe plus, des bénévoles ont pris le relais.
Lumigny n'est qu'à 15 kilomètres de l'autoroute Paris-Reims. Et pourtant, ici aussi les transporteurs ont fermé, il y a deux ans, la dernière ligne de bus trop peu fréquentée. « Nous avons créé aussitôt l'association "Entraide et déplacement", avec l'appui logistique de Familles rurales, explique Françoise Eard, retraitée agricole depuis quatorze ans. J'appartiens à cette association depuis 1955. Nous avons réuni vingt-huit communes pour proposer une organisation solide, de nombreux bénévoles et ne pas perdre le moral. Nous disposons de 43 chauffeurs bénévoles.»
Le mari de Françoise, Michel, participe lui aussi activement à cette entreprise : « Puisque nous sommes nombreux, lorsque nous sommes pris par autre chose, nous pouvons refuser. C'est important de garder cette liberté.»
Rompre l'isolement
Michel et Françoise Eard ne semblent pas dire non souvent lorsqu'on les appelle : « La solidarité nous tient debout », précisent Françoise et Michel qui relèvent de maladie. « Nous sommes six standardistes pour prendre les messages à tour de rôle pendant la semaine. » L'association, distinguée par la Fondation de France lors d'un appel à projets intitulé « Bien vieillir dans son quartier », a obtenu un prix de 4 900 €. Cet apport providentiel a permis d'acheter un central téléphonique. « Les personnes qui ont besoin d'un transport nous appellent. Nous accueillons toutes les demandes sans condition de motif ou de ressources. Elles doivent nous parvenir en principe 48 heures à l'avance. Nous choisissons un chauffeur volontaire au plus près de l'appel. C'est lui qui reprend contact avec l'adhérent », détaille Michel.
Le réseau satisfait 120 à 130 appels par mois. «Nous prenons les personnes en charge à leur porte et nous attendons qu'ils aient terminé leurs courses, leurs visites ou leur rendez-vous médical.» La plupart des appelants sont des personnes âgées mais il s'agit parfois de femmes isolées ou d'enfants sans moyen de transport pour aller vers leur centre d'éducation.
Le conducteur facture 0,33 € le kilomètre pour couvrir les frais de carburant et de vidange. Les personnes transportées règlent directement le chauffeur qui dispose d'un carnet à souche. «Nous ne proposons pas un service qui existe déjà. Nous nous entendons autant que possible avec les communes. Certaines nous versent une subvention de 100 ou 200 €. Nous ne concurrençons pas les taxis car ils ne feraient pas ce type de courses. Notre assurance transport de tierce personne suffit à nous couvrir.»
Désormais, l'association propose également sur onze communes autour de Lumigny un portage de repas à domicile, trois fois par semaine, pour ne pas épuiser les bonnes volontés. Ils livrent trente repas les lundis, mercredis et vendredis. «Nous allons pouvoir vivre jusqu'à 100 ans dans notre village», conclut Françoise Eard.
Guide pratique: « Solidarité-transport »Pour rendre accessible à tous le bourg voisin, l'hôpital ou l'ami éloigné, Familles rurales vient d'éditer un document pour mettre en place des initiatives de solidarité-transport. Ces services étaient rendus autrefois grâce à des solidarités de proximité. Le dépliant explique les étapes à franchir : la définition du projet, l'organisation du service, la rédaction de la charte de fonctionnement, la mise en lien des demandeurs et des chauffeurs, l'indemnisation du chauffeur. Ces initiatives ne font pas concurrence aux taxis car les bénévoles vont là où les taxis ne vont pas ou bien s'adressent à des personnes à faibles moyens. (Document disponible 7 cité d'Antin, 75009 Paris). |
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