Fièvre catarrhale ovine Beaucoup de tracas à cause d'un moucheron
Après l'arrivée inattendue du virus par le nord, la filière de la viande espère que les autorités sanitaires françaises lèveront rapidement les contraintes qui entravent le commerce d'animaux.
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Une épizootie chasse l'autre. Après la grippe aviaire, voici que surgit la fièvre catarrhale, avec les mêmes conséquences néfastes pour le commerce des espèces touchées par la maladie (bovins, ovins, caprins). Le 6 septembre, la France recensait son quatrième cas dans les Ardennes (cliquez sur la carte ci-contre). Le pays s'était préparé à l'arrivée du virus dans les Bouches-du-Rhône et le Var, depuis la Corse. Cela explique la réaction rapide des autorités sanitaires françaises. En revanche, les Pays-Bas, la Belgique et l'Allemagne ont été pris de court, comme l'avait été le Royaume-Uni six ans plus tôt face à la fièvre aphteuse.
Le virus qui sévit dans le nord-est de la France viendrait d'Afrique subsaharienne, précisément du Nigéria. «Nous ne sommes pas face à une catastrophe sanitaire, mais face à une maladie de la langue bleue classique, relativise Guillaume Gerbier, épidémiologiste au Cirad (1). Le taux d'animaux malades semble limité à 5% du cheptel et seuls les ovins succombent, avec un taux de mortalité inférieur à 1%.
En attendant le froid
L'épidémie présente cependant deux surprises. D'une part, les bovins manifestent des signes cliniques, ce qui est rare. D'autre part, le virus touche des pays hors des zones endémiques. «Il est probable que la maladie s'éteindra d'elle-même cet hiver.» La circulation du virus est stoppée par le froid, qui tue les moucherons qui le transportent. En revanche, il peut survivre chez les bovins jusqu'aux chaleurs suivantes.
L'apparition brutale de maladies loin de leur foyer d'origine peut être liée au réchauffement climatique. Mais pas uniquement. Il y a aussi les catastrophes naturelles, les mouvements de population, les fortes densités d'élevage… Et surtout les échanges.
Avec des transports plus rapides et plus fréquents, les virus voyagent en un clin d'oeil d'un continent à l'autre. «Le développement des échanges favorise les épidémies de grande ampleur, confirme Renaud Lancelot, directeur adjoint du Cirad. Il faut se préparer à gérer des situations inattendues, de plus en plus fréquentes. Les pays pauvres ne peuvent pas lutter. En revanche, les pays développés maîtrisent la plupart des risques liés à l'introduction d'animaux. Ils sont parfois confrontés à une grosse crise, mais ils arrivent à la circonscrire rapidement. Les leçons des précédentes épizooties ont été tirées.»
Commerce en berne
Dans les zones réglementées, le commerce du bétail est sinistré. «En une semaine, la fréquentation du marché de Rethel (Ardennes) a chuté de 60%, souligne Christian Gourry, son président. Le problème se pose surtout pour les animaux d'élevage qui ne peuvent pas quitter les zones réglementées.» Même constatation en Moselle, où les concours bovins sont annulés et le stand Euroviande ne se tiendra pas à la foire internationale de Metz. Dans le nord du département, les veaux de huit jours restent bloqués sur les élevages. Même constatation dans la Marne. «Nous avons réussi à obtenir des dérogations pour transférer les animaux de boucherie vers les abattoirs locaux, reconnaît Hubert Cornu, directeur de la coopérative Teréval. Mais la situation est plus délicate pour les bovins d'élevage. Nous sommes en début de saison de vente des broutards et nous avons perdu la possibilité d'exporter vers l'Italie. Nous collectons des bovins maigres que nous replaçons chez nos engraisseurs, mais d'ici peu, il n'y aura plus de places disponibles.»
Le marché des reproducteurs trinque aussi. La France, avec le premier cas enregistré dans les Ardennes, a perdu son statut de pays indemne de fièvre catarrhale ovine pour deux ans. Certains pays ont immédiatement fermé leurs frontières. Plusieurs commandes sont tombées à l'eau. «Le Maroc a refoulé deux camions de génisses expédiés avant que la France ne déclare son premier cas de fièvre catarrhale, regrette François Desmons, directeur de Gènes diffusion. Les animaux, reexpédiés vers la France sans même avoir posé un pied sur le sol marocain, ont dû être euthanasiés, car ce pays n'est pas reconnu indemne de fièvre aphteuse. Cela représente une perte sèche de 200.000 euros.» A la Coopex montbéliarde aussi, le commerce est en sommeil. «Nous devions expédier un bateau vers le Maghreb avec quatre cents bêtes à bord, détaille Tristan Gaiffe, son directeur. Tout est annulé!» Autant dire que les opérateurs de ce secteur attendent beaucoup des négociations en cours pour obtenir une régionalisation des mesures de la part des pays qui ont totalement fermé leurs frontières au bétail français.
(1) Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement.
Le vecteur encore inconnuLes épidémiologistes supposent que le moucheron vecteur de la maladie était déjà présent dans le nord de l'Europe avant l'arrivée du virus. Il ne s'agirait pas du vecteur habituel de la région méditerranéenne et africaine – Culicoide imicola – mais d'un cousin local. Les piégeages devraient élucider cette question. Le virus aurait gagné l'Europe du Nord via un ruminant domestique ou sauvage provenant d'Afrique. Ce n'est pas le changement climatique qui est en cause en Europe du Nord, mais bien le commerce international d'animaux. |
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