Login

Devenir autonomes en carburant et en tou Devenir autonomes en carburant et en tourteaux grâce au colza

En pressant leurs graines à la ferme, les frères Pancher obtiennent du carburant pour leurs engins agricoles et des tourteaux pour leurs porcs.

Vous devez vous inscrire pour consulter librement tous les articles.

«Grosso modo, avec l'atelier de pressage de colza que nous avons mis en place, nous réalisons une petite économie, mais surtout nous savons ce que nous donnons à nos porcs. » Associés en Gaec sur 250 ha de grandes cultures à Mécrin (Meuse), les frères Pancher ont fait de l'origine des aliments une priorité pour leur activité de naisseur-engraisseur (120 mères).

« Et pour cela, nous essayons de produire le maximum de protéines nous-mêmes et de varier leurs sources pour la qualité de la viande », explique Denis Pancher. Ce qui les a poussés, par exemple, à réintroduire du pois dans l'assolement alors que la culture a été pratiquement rayée de la carte dans la région. Fin mai, leur installation de pressage à la ferme a démarré, la finalité étant d'un côté de fabriquer un tourteau riche en huile (20 %) pour les porcs et de l'autre d'utiliser l'huile végétale brute (HVB) pour faire tourner leurs engins agricoles. « L'huile étant là, il faut bien la consommer, car cela fait partie de l'économie du système. C'est un tout indissociable », précise Sylvain Pancher. Ils ne font aucun commerce de l'huile obtenue. Quant à la délicate question de la TIPP à laquelle ils échappent, le sujet est loin d'être clarifié par les pouvoirs publics (voir aussi page 59).

Pour la réalisation de leur atelier, les deux frères ont fait appel à du matériel de récupération de manière à contenir les coûts. Résultat : environ 50 000 F d'investissement et deux semaines de montage à deux personnes, suivant en cela un principe de base : « faire soi-même ». Trois tracteurs John Deere sur cinq (1), ainsi que la moissonneuse fonctionnent avec de l'huile-carburant, sans qu'aucune modification technique n'ait été apportée. Cet été, à la faveur de températures extérieures comprises entre 25 et 30°C, toute la récolte (environ 200 heures) a été réalisée avec de l'huile pure dans le réservoir de la machine. « L'avantage, c'est que la moissonneuse tourne toujours à plein régime, ce qui limite le risque d'imbrûlés et donc d'encrassement du moteur. Même chose pour les tracteurs qui font les gros travaux (labour, déchaumage, préparation de sol), explique Denis Pancher. Lorsqu'on s'arrête en bout de champ, on coupe le moteur plutôt que de le laisser tourner au ralenti. Sinon, ça fume bleu, signe que la combustion est imparfaite. » Pour les tracteurs, ils expliquent avoir rarement dépassé la proportion de 80 % d'huile. Depuis les premières chutes de températures observées (5°C) en septembre, c'est un mélange 50-50 d'huile et de fioul qui est utilisé. Sylvain Pancher concède qu'il serait sans doute préférable d'évoluer vers un module de double carburation : gazole au démarrage, puis passage à l'huile quand le moteur est chaud, a l'instar des voitures GPL. En pur, les deux frères disent avoir observé une baisse de consommation de 10 à 12 % par rapport au fioul.

« Quand on laisse tourner un tracteur dans un endroit confiné, cela devient vite intenable, alors que ce n'est plus le cas avec l'huile », constate Sylvain Pancher, estimant qu'en terme de pollution, il y a beaucoup moins de fumées.

Tous deux apprécient la souplesse permise par leur dispositif. En changeant de pastille sur la presse, il est possible de laisser plus ou moins d'huile dans le tourteau. « Selon nos besoins en carburant au cours de la saison, on peut donc ajuster le tir, commente Denis Pancher. Contrairement à un industriel, nous ne cherchons pas à extraire un maximum d'huile du colza. En plus, le pressage du colza à la ferme s'harmonise parfaitement avec notre atelier porcs, dans la mesure où aucun déchet ne subsiste. Tout est autoconsommé par les animaux : les enveloppes, les grains cassés... récupérés par les filtres. Contrairement aux bovins pour lesquels le pourcentage maximal de tourteau de colza est vite atteint, les porcins sont de bons consommateurs de graisses. Du reste, il entre à hauteur de 5 à 10 % dans la ration. » Avec cette solution, la consommation de tourteaux de soja a été divisée par deux passant de 12 % à 6 % et ils espèrent un jour pouvoir s'en passer complètement. « C'est quand même un non-sens de penser que l'on vend du colza à l'extérieur pour acheter ensuite des protéines sous forme de soja, poursuit-il. Avec un aliment fabriqué à 90 % avec les produits de la ferme, nous estimons faire du cochon avec les produits nobles du terroir. Le rendement en muscle est régulier et la viande n'est pas « pisseuse», ce qu'apprécient nos acheteurs. En plus, on traite la question du réchauffement climatique en carburant à l'huile. N'est-ce pas ce que demandent nos concitoyens et notre ministre de tutelle ? Alors qu'on ne vienne pas mettre des bâtons dans les roues de ceux qui veulent avancer ! »

(1) JD 4450 (160 ch,7 600 h), JD 4250 (135 ch, 9 000 h), JD 6506 (105 ch, 2 800 h), moissonneuse JD 1188, 2 200 h.

 

Circuit de pressage : 5 l d'huile et 12 kg de tourteaux extraits par heure

Après bennage dans une fosse de réception et nettoyage, le colza parvient dans deux maxi-bags de 7 m3 chacun, soit l'équivalent de 100 q. Ils alimentent par gravité une presse Täby, d'origine suédoise (1) qui extrait l'huile et les tourteaux, respectivement à raison de 5 litres et de 12 kg par heure. L'huile s'écoule par l'intermédiaire d'une petite gouttière vers une première série de deux tanks à lait, après être passée dans un filtre de pulvérisateur pour éliminer les grosses particules. « Pendant que l'un des tanks se remplit, l'autre est mis au repos. » Il faut une dizaine de jours pour remplir un tank et autant pour réaliser une première décantation. L'huile est ensuite aspirée par une pompe hydraulique (récupérée sur une moissonneuse) avec un filtre de 40 microns au niveau de la crépine. Elle se déverse dans de grandes cuves en inox (2 400 + 4 000 l) constituant les réserves à huile carburant et dans lesquelles une dernière décantation se produit. Une station murale, avec filtre de 10 microns, permet de faire le plein des engins. Cette huile est également incorporée dans la ration des animaux, à hauteur de 1 % pour les truies allaitantes. Ce qui représente une consommation annuelle de 300 l. Quant aux tourteaux, ils tombent par gravité, puis sont stockés dans une cellule, sans manipulation, avant d'être redirigés vers l'automate de fabrication d'aliment. Une tonne de colza pressé fournit de l'ordre de 260 kg d'huile et 740 kg de tourteaux.

(1) Distribuée par un agriculteur, Francis Laplace, chemin de la Madeleine, 64000 Pau.

 

 

Règlement : Bruxelles ouvre les portes à l'autoconsommation d'énergie à partir de la jachère

Dans un règlement publié ce printemps au Journal officiel des Communautés européennes (1), la Commission de Bruxelles a ouvert les portes à une autoconsommation à la ferme de céréales et d'oléagineux produits sur jachère, en tant que biocombustibles, énergie, ou en vue de leur transformation en électricité ou en biogaz. Mais en offrant cette possibilité, la Commission a en même temps assorti son feu vert d'une condition : que chaque Etat-membre intéressé propose des modalités de contrôle et de dénaturation de ces productions. Le but étant d'éviter des transferts de graines vers le circuit alimentaire. Chaque pays a jusqu'au 30 novembre 2001 pour faire connaître ses propositions. Auquel cas, le dispositif pourrait être applicable, théoriquement, pour la récolte 2002. Ce qui semble mal parti vu les problèmes que cela soulève. Très demandeuse sur ce dossier, l'Allemagne veut absolument éviter la dénaturation des graines car sinon, les tourteaux extraits des oléagineux deviendraient inutilisables en alimentation animale, ce qui compromettrait toute rentabilité du système. Ainsi, cet Etat a proposé un dispositif assez contraignant comme alternative, qui passerait notamment par la visite à la ferme d'un organisme de contrôle et la tenue régulière d'un registre de transformation. En plus, l'agriculteur devrait déposer une caution de 250 euros par hectare (1 640 F/ha). Mais pour l'instant, il semble que la Commission s'arc-boute sur son postulat de départ.

(1) n° 587 - 2001 du 26 mars 2001.

 

[summary id = "10022"]

A découvrir également

Voir la version complète
Gérer mon consentement