Un premier pas vers un référentiel de la qualité des sols
Pour que les sols soient mieux pris en compte, encore faut-il connaître cette ressource et être capable de juger de sa qualité, de sa santé, en disposant d’indicateurs pertinents et mobilisables par tous.
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Définir des indicateurs de la qualité et de la santé des sols qui pourraient être mobilisés par les politiques publiques : tel était l’objet de l’étude Indiquasols coordonnée par l’Inrae qui a mobilisé dix-neuf chercheurs issus de dix organismes de recherche et d’enseignement supérieur français et canadien durant deux ans (1).
Il existe bien des recommandations pour évaluer la qualité d’un sol pour des usages spécifiques, qu’ils soient agricoles, forestiers, ou urbains. Mais peu de guides abordent cette notion de manière transversale. « En absence d’harmonisation de ces standards, le tout est laissé à la libre appréciation des acteurs de terrain. Ceci crée des disparités au niveau territorial et a fait naître un besoin d’arbitrage au niveau de l’État et des collectivités territoriales », soulignent les chercheurs dans un rapport présenté le 20 novembre 2024.
Disposer d’indicateurs objectifs
La fonctionnalité des sols est de mieux en mieux considérée, notamment en France au travers de la loi Climat et résilience de 2021, et en Europe avec la proposition de directive sur la surveillance et la résilience des sols publiée en 2023 (2). Mais pour la mise en place de politiques publiques et la définition de leurs objectifs, il est nécessaire de disposer d’informations objectives.
L’étude Indiquasols a permis de mettre en évidence une cinquantaine d’indicateurs pertinents pour évaluer la qualité et la santé d’un sol. Comment adopter un langage commun ? Comment mesurer les indicateurs ? Quelle interprétation en faire ? Autant de questions sur lesquelles les scientifiques se sont penchés dans le cadre de l’étude.
En outre, l’approche se veut ici positive. En prenant comme « focale » les fonctions écologiques des sols (2), et non les menaces de dégradations des sols comme proposé au niveau européen, les chercheurs espèrent davantage mobiliser l’ensemble des acteurs.
Enjeu de préservation
L’objectif est de disposer d’indicateurs pertinents et utilisables dans tous les secteurs, « pour pouvoir traiter des effets de changements d’usages et du suivi global territorial global », précise le rapport. L’enjeu final est bien la préservation des sols, cette ressource ne bénéficiant pas aujourd’hui de protection comme en dispose l’air ou l’eau.
En droit, le rôle fondamental des sols n’est pas reconnu. Lorsque des juges sont par exemple saisis de la question de l’interprétation de la qualité des sols dans différents contentieux, ils sont dépourvus de toute expertise objective. Autre problème, « en l’absence d’indicateurs objectifs, les modalités de planification de l’urbanisme prennent très peu en compte la qualité des sols », relèvent les chercheurs.
« Même lorsque le droit se veut attentif à la qualité des sols, comme dans le cadre des opérations d’aménagement foncier, sa prise en compte s’avère peu décisive dans les arbitrages finaux, relativement à d’autres enjeux tels que notamment la proximité des bassins urbains, des infrastructures, ou des filières économiques. »
« Perception partagée »
Parmi la cinquantaine d’indicateurs étudiés, les scientifiques estiment que « près de la moitié peut être considérée comme mature » avec des méthodes de mesures stabilisées et bénéficiant d’un historique d’utilisation depuis vingt ans.
Enfin, les scientifiques soulignent « l’intérêt de dispositifs participatifs », au plus près des acteurs locaux, « face à la complexité du fonctionnement du sol et aux questions soulevées par la définition de sa santé ». « L’inclusion des acteurs dans l’élaboration, la réalisation et l’interprétation du suivi, favorise une perception partagée de la qualité et de la santé des sols, et contribue à réguler les rapports de pouvoir », concluent-ils.
(1) L’étude Indiquasols a été pilotée par l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae) et financée par l’Ademe, l’Office français de la biodiversité et les ministères en charge de l’Environnement et de l’Agriculture.
(2) Encore en discussion au sein des instances européennes.
(3) Pour l’analyse des scientifiques, les six fonctions écologiques suivantes ont été définies : entretenir la structure, supporter la biodiversité, réguler l’eau, réguler les contaminants, fournir des nutriments à la biocénose, stocker du carbone.
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