Un ministre averti en vaut deux ! Celui de l’Agriculture, auparavant dévoué au Logement, a été prévenu dès sa première audition par la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale, le 29 juillet 2020 : « Si le logement a souvent donné lieu à des débats passionnants et passionnés, je vous rassure : l’agriculture est clairement LE sujet qui mobilise la quasi-totalité de nos commissaires ! » L’auteur de cet avertissement, qui n’est autre que le président de cette commission, Roland Lescure, a enchaîné : « Les chantiers qui vous attendent dans les prochains mois sont particulièrement lourds et complexes. » Et la première audition de Julien Denormandie a commencé.

Sur le prix, on travaillera « beaucoup, beaucoup, beaucoup »

Dans les grandes orientations de sa politique, c’est « la souveraineté alimentaire, et donc agricole » qui se place en tête. Elle passe par un « plan de souveraineté en protéines », mais aussi par un « juste prix » payé aux agriculteurs. À ce sujet, il salue le « changement de paradigme » opéré par les États-généraux de l’alimentation. Et sur la mise en œuvre de la loi Egalim, il assure au député qu’ils pourront compter sur lui « pour mettre beaucoup, beaucoup, beaucoup d’énergie sur cette question-là ». Il le répétera au cours lors de la séance de questions : « La dynamique est là », même si les résultats n’y sont « pas encore », et promet de nouveau : « On y travaillera énormément, on y passera les nuits qu’il faut. »

Les circuits courts, « et en même temps » les exportations

Selon un vocabulaire très macronien, Julien Denormandie a martelé sa volonté de soutenir les circuits courts et « en même temps » les exportations. « Les deux doivent être poussés en même temps, c’est tout à fait possible de le faire », a-t-il insisté. Le ministre a enfin exprimé sa volonté d’accompagner l’agriculture française pour « l’asseoir dans le cercle européen et international » tout en poursuivant sa transition agroécologique, qui « a déjà démarré ». Pour finir, il a évoqué l’enjeu de la transmission et du renouvellement des générations, qu’il a lié à la question foncière.

Pour l’accès au sol et à l’eau, mobiliser tous les outils

Les députés n’ont pas manqué de l’interpeller sur ce dernier sujet. Tout en reconnaissant les multiples enjeux recouverts par cette question — stockage de carbone, friches, artificialisation, concentration des terres, etc. —, le ministre a prévenu : le changement de la politique foncière ne se fera pas du jour au lendemain, mais il s’est dit « prêt à avancer par voie législative [et] par voie réglementaire ».

 

Sur l’adaptation au changement climatique, le ministre veut avancer, là aussi par les différentes voies possibles, pour permettre aux exploitations de sécuriser leur irrigation. Mais aussi pour « accompagner les agriculteurs » vers des systèmes assuranciels, notamment sur les prairies.

Sur le budget Pac, « on partait de loin, vraiment très loin »

Interrogé sur la Pac, il a d’abord insisté sur le « très bon accord » obtenu sur le budget, grâce à l’engagement de la France. Un très bon accord parce qu’« on partait de loin, de vraiment très loin », et qu’on finit avec une hausse de 6 milliards d’euros courants par rapport au budget de la période actuelle. Reconnaissant que cette hausse ne prend pas en compte l’inflation, le ministre justifie ses chiffres : « Ce que perçoit l‘agriculteur, c’est le courant [par opposition aux euros “constants”, qui prennent en compte une hypothèse d’inflation] ». Et en euros courants, « on part d’une proposition de budget extrêmement dégradé [dans la proposition de Bruxelles de mai 2018] pour arriver à un budget en hausse… Vous imaginez le poids politique qu’il a fallu à la France, dans une négociation où tous les pays avancent avec leurs lignes rouges. Et on a obtenu ce qu’on voulait obtenir. »

La répartition des aides changera « par étapes » ou pas du tout

Sur la répartition des aides, qui pose en filigrane celle d’une redistribution ciblée sur les actifs, le ministre se montre ouvert mais prudent. Sur ce débat vieux de 25 ans, il n’a pas changé de position depuis les débuts, explique-t-il. « L’activité de l’agriculteur, de l’éleveur doit aussi être reconnue par l’apport qu’il fait dans l’aménagement du territoire, j’en suis convaincu. » Mais cette « vision politique » se confronte aux conséquences économiques pour les exploitations, et Julien Denormandie admet n’être « pas sûr qu’[une répartition des aides à l’actif] ne fasse que des gagnants ». Autre problème : tout le monde n’a « pas la même définition au niveau européen de ce qu’est un actif ». Conclusion : si cela se fait un jour, « il faut de toutes manières faire par étapes ».