Tout le monde n’a pas accès à ce lieu : à la halle Metro de Paris, installée à la place des chais historiques de la capitale à Bercy, les professionnels de la restauration viennent s’approvisionner. Le 17 juin 2024, on y signe, entre les piles de cartons et les conditionnements XXL, le renouvellement d’une charte de promotion des produits d’origine française lancée en 2020 avec douze fédérations agricoles et agroalimentaires.

Le secrétaire général de Metro, Patrick Eychenié, se réjouit : « Notre rayon de boucherie est passé à 63 % d’approvisionnement français, soit une hausse de 1,24 point en trois ans. En lait, œufs et steaks hachés, nous sommes déjà à 100 %. » Les consommateurs sont attentifs à l’origine des produits agricoles. Ils ont accès à cette information dans les restaurants ou sur les produits bruts. Mais de leur côté, les produits transformés ressemblent à une boîte noire.

Logo influenceur

Le 24 mai 2024, le logo Origin’Info a été présenté par la ministre à la Consommation, Olivia Grégoire. Sur une démarche volontaire des marques, il mentionnera l’origine des trois principales matières premières agricoles du produit.

Bleu ou noir, sous forme d’un camembert, ou d’un code QR, il sera apposé directement sur les emballages. Les indications supranationales, de type UE ou non-UE, ne seront pas acceptées. Au 20 juin 2024, 113 distributeurs ou industriels ont annoncé l’adopter à l’automne. L’essentiel des premiers signataires figure parmi les adhérents du collectif d’industriels En vérité, qui milite depuis 2019 pour un tel système.

L’Origin’Info espère agir comme un influenceur des achats, à l’image du dernier logo alimentaire créé, le Nutri-Score. Cet indicateur de la qualité nutritionnelle des plats transformés a réussi à faire changer les recettes. L’association de consommateurs UFC-Que Choisir avait réalisé une étude en avril 2023 qui montrait que, dans des produits courants concernés, les taux de matières grasses saturés, de sucre et de sel diminuent sous l’effet du Nutri-Score.

En 2024, deux chercheurs de l’université du Massachusetts (États-Unis) ont également montré cette influence en analysant des produits ultra-transformés dans plusieurs pays. En France, ils présentent une composition plus saine qu’en Italie ou au Royaume-Uni. Les chercheurs attribuent cette différence à l’affichage du Nutri-Score, qui n’est pas adopté dans ces deux derniers pays.

Risque de confusion

Quelques jours après l’annonce du déploiement du label Origin’Info, l’Apaf, l’Association des produits agricoles de France, a salué un « pas significatif » vers une plus grande transparence. Mais l’association plaide aussi pour « une utilisation conjointe » des logos voyant cette initiative « complémentaire » de la démarche « Produits agricoles de France » qui « offre plus de garanties » que l’Origin’Info. Une crainte est que le logo gouvernemental ne remplace le drapeau bleu-blanc-rouge déjà bien repéré par les consommateurs.

Les produits bruts (viande, fruits et légumes, œufs) doivent déjà indiquer leur origine sur l’emballage. Les lieux d’élevage et d’abattage des viandes porcines, ovines, caprines et volailles sont obligatoirement mentionnés et les viandes bovines doivent aussi indiquer le lieu de naissance. Si un produit transformé est estampillé origine France, l’origine de l’ingrédient primaire doit obligatoirement être mentionnée si celui-ci est étranger.

Depuis le 7 mars, inscrire l’origine de la viande est obligatoire pour les produits transformés des restaurants proposant des repas à emporter. Mais cela ne concerne par ceux vendus dans la grande distribution. Dans une lettre au ministère le 21 juin, des filières de la viande (Anvol, Clipp, Inaporc, Interbev) ont demandé d’étendre l’obligation d’origine à « tous lieux de distribution et de consommation ».

« Origine France », « biologique », « équitable » et désormais l’Origin’Info… La multiplication des labels ne risque-t-il pas de brouiller à terme la lecture des consommateurs ? Aussi, cette démarche reste volontaire et donc cantonnée à seulement certaines marques.

Pour l’association Foodwatch, qui a participé aux discussions avec le ministère, le logo Origin’Info est un point de départ. L’association déplore trois écueils : le caractère non obligatoire du logo pour les industriels, la complexité de l’accès à l’information avec un code QR et l’imprécision de l’information fournie. « Indiquer l’origine de trois ingrédients primaires seulement, c’est insuffisant. Il faut élargir l’obligation à l’origine des autres ingrédients et par ordre d’importance pondérale décroissante. »

Effort bienvenu

Pour autant, les acteurs reçoivent globalement bien l’initiative gouvernementale. Les industriels français ont soutenu « dès le départ l’initiative d’un affichage volontaire et neutre » de l’origine, assurait l’Ania, l’Association nationale des industries agroalimentaires, le 4 juin. Elle « se réjouit que l’affichage Origin’Info soit complété par une mention du lieu de transformation du produit ».

Mais sur le terrain, des industriels rappellent leur forte contrainte de prix : « Tout le monde apprécie les fromages de haut de gamme français, mais nous perdons des parts de marché dans les fromages ingrédients qui, eux, sont sous une contrainte de prix très forte. Il ne suffira pas de marquer “origine France” pour que le consommateur suive », explique un industriel dans les halles Metro.

Enfin, la foison des logos ne risque pas de s’arrêter. Initialement prévu le 1er janvier 2024, l’éco-score, le « Nutri-Score de l’environnement » classant par lettre l’impact climatique du produit, est aussi en préparation. Un indicateur supplémentaire qui devrait rejoindre les autres labels sur les étiquettes d’ici à 2026… S’il y reste encore de la place.