Rassemblement ou convois de tracteurs, étiquetage en grande surface, relevé d’origine des produits, rencontre avec le préfet… La FNSEA et Jeunes Agriculteurs avaient annoncé près de 90 actions « de leurs réseaux » sur tout le territoire ces 25 et 26 septembre 2025. Objectif : « faire entendre leurs voix contre le Mercosur, les taxes sur les produits agricoles imposées par Trump et les importations de produits agricoles qui ne respectent pas nos normes. »

C’était le cas ce vendredi 26 septembre dans les Yvelines. Entre 6h45 et 7h15, dix-sept tracteurs et une centaine d’agriculteurs se sont installés devant la statue de Louis XIV, devant le château de Versailles. « Aujourd’hui, c’est le redémarrage des actions, promet Pascal Verriele, secrétaire général de la FDSEA de la Seine-et-Marne. On veut interpeller Emmanuel Macron pour qu’il tienne ses promesses. »

Des actions syndicales ont également eu lieu la veille, le 25 septembre, notamment en Côte-d'Or et en Haute-Saône.

« Nous interpellons Emmanuel Macron »

Arnaud Rousseau, président de la FNSEA, a également fait le déplacement depuis son exploitation seine-et-marnaise. « Tous les plateaux télé et radio qui étaient prévus ce matin sur nos actions syndicales ont été annulés, pour laisser place à l’actualité liée à Nicolas Sarkozy, mais notre combat ne peut pas attendre », explique-t-il.

« Il faut garantir aux Français que leur assiette soit remplie de produits de qualité, continue le président de la FNSEA. Nous interpellons Emmanuel Macron en charge des questions internationales, et demandons un rendez-vous au Premier ministre, Sébastien Lecornu, au plus vite. Nous n’acceptons pas l’importation de produits qui ne respectent pas les mêmes règles de production que les nôtres. »

« Il n’y a plus de trésorerie »

« La révolte paysanne reprend à Versailles, relève Guillaume Moret, président de la FDSEA Île-de-France Ouest. On est devant le château des rois pour une énième révolution paysanne. Les agriculteurs ne vivent plus de leur métier ; on est sur la paille ! » Victor Rabier, secrétaire général des Jeunes Agriculteurs de l'Île-de-France a fait les comptes : « Notre coût de production est de 200 €/t de blé, on le vend aujourd’hui à 160 €/t, on perd donc 40 €/t. Les charges explosent, les cours diminuent, même avec des rendements corrects, il n’y a plus de trésorerie. Comment on fait pour vivre ? Comment des jeunes peuvent s’installer dans ces conditions ? »

« On est devant le château des rois pour une énième révolution paysanne. Les agriculteurs ne vivent plus de leur métier ; on est sur la paille ! », alerte Victor Rabier, secrétaire général de Jeunes Agriculteurs de l’Île-de-France. (©  Florence Melix)

Achetez français

Ils étaient nombreux ce matin à dénoncer des « trésoreries au bord de l’asphyxie » alors que de nouvelles échéances arrivent pour « payer les engrais et les fermages » notamment. Beaucoup d’exploitations sont en « difficultés financières ». « On perd de l’argent en blé, mais aussi en maïs et en betteraves aussi, a rappelé Cyrille Milard, président de la Confédération générale des planteurs de betteraves et producteur en Seine-et-Marne, qui a regretté le retrait de l’acétamipride de la loi Duplomb. On clame ici notre ras-le-bol collectif. On a besoin de consommateurs qui achètent français ! »

Rendez-vous cet hiver

Cette opération « coup de poing » intervient alors que les travaux dans les champs battent leur plein entre les récoltes du maïs, des betteraves, du soja… Et la préparation des futurs semis notamment. « Dès que les travaux d’automne seront terminés, si notre constat est le même, nous serons prêts à nous mobiliser plus longuement, comme il y a deux ans, sur les autoroutes françaises », préviennent les responsables syndicaux.

En attendant, Victor Rabier appelle tous les adhérents à prévenir le syndicat « s’ils reçoivent une notification de contrôle de la part de l’Administration. Nous viendrons avec nos tracteurs pour bloquer l’entrée de l’exploitation. Si on nous contrôle, il faut aussi contrôler les produits importés. »

Opération en grande surface

Dans l’Oise, c’est le même combat contre le projet d’accord avec les pays du Mercosur et les distorsions de concurrence qui mobilise. Malgré les nombreux chantiers d’automne en cours, une cinquantaine d’agriculteurs ont rejoint le magasin Carrefour de Venette près de Compiègne, à l’appel de la FDSEA et de JA. Ils avaient tous la même volonté : « Nous ne sommes pas là pour bloquer mais pour essayer de se faire entendre », a lancé d’emblée Régis Desrumaux, président de la FDSEA de l’Oise qui a souligné une mobilisation un peu difficile alors que les travaux en plaine battent leur plein. Il note aussi « de la lassitude et du découragement » chez les agriculteurs.

Une cinquantaine d'agriculteurs de l'Oise ont manifesté le 26 septembre 2025 au Carrefour de Venette près de Compiègne pour s'opposer aux produits d'importation dans les rayons des GMS. (©  Isabelle Escoffier )

Sensibiliser les consommateurs

En présence de la directrice du magasin et du maire de la commune, les producteurs ont déambulé calmement, drapeaux en main, dans les allées de l’hypermarché en distribuant des tracts aux clients pour les sensibiliser aux produits locaux et dire « Non au Mercosur, n’importons pas l’alimentation que nous ne voulons pas en France ». « Il y a un manque de transparence sur l’origine des produits, considère Régis Desrumaux. Or sans une agriculture locale et identifiable, c’est toute la chaîne alimentaire qui est fragilisée. » Les manifestants ont pu échanger avec des consommateurs dans les rayons, certains d’entre eux leur lançant : « Vous avez raison ! »

Pommes du Chili et haricots du Kenya

Autre objectif : chercher les mauvais élèves et apposer des étiquettes sur les produits importés. « C’est de la concurrence déloyale car ces produits sont non conformes à nos normes », s’insurge Régis Desrumaux. Ils ont ainsi pointé du doigt des pommes provenant du Chili, « alors qu’il y a une bonne production cette année chez nous », s’exclame un exploitant. Ou encore des haricots du Kenya. « Un accord de libre-échange a été signé entre l’Union européenne et ce pays pendant les manifestations précédentes. Mais ce n’est pas normal, ce ne sont pas les mêmes produits », tempête Alexis Tordeur, producteur de céréales, haricots verts et volailles à Rully. Il s’est joint à cette action coup de poing pour « dire stop aux importations déloyales » : « Si on joue sur le même terrain, on doit avoir les mêmes règles », insiste-t-il, souhaitant aussi interpeller l’Europe afin qu’elle arrête de sacrifier notre agriculture familiale. Il poursuit : « C’est important également de sensibiliser les consommateurs pour qu’ils soient cohérents entre leur discours et leurs actes d’achat même si cela n’est pas facile pour eux. Il faut les aider, notre objectif est donc de faire de la pédagogie auprès d’eux. »

Ne pas relâcher la pression

D’autres actions de contrôle des produits étaient prévues dans d’autres enseignes. « Il ne faut pas relâcher la pression », a insisté Régis Desrumaux qui souhaite à la mi-novembre des actions à Bruxelles ou à Strasbourg, après la fin des travaux dans les champs. Luc Smessaert, président de la chambre d’agriculture de l’Oise et vice-président de la FNSEA, présent à cette manifestation a précisé avoir demandé la semaine dernière le soutien des élus du département au travers d’une tribune, déjà signée à ce jour par 200 élus, mettant en avant tous les enjeux de l’agriculture de l’Oise.