Les prix des céréales françaises se sont relevés légèrement cette semaine sous l’influence du maïs US et d’une bonne demande en blé. L’arrivée de la récolte en mer Noire et en Europe est cependant venue rapidement limiter la hausse contrairement au cas du colza dont le prix remonte dans la foulée de ceux du soja et du canola canadien.
Maïs : la surface US donne le ton outre Atlantique
Le maïs à Chicago affiche actuellement la hausse hebdomadaire la plus marquée des dix dernières années. Les prix ont repris leur ascension à partir de du mercredi 1er juillet 2021 quand le ministère américain de l’Agriculture (USDA) a publié une nouvelle estimation de la surface semée en cultures de printemps. Les surfaces de maïs et de soja se sont avérées inférieures aux estimations de la moyenne des opérateurs.
En maïs, l’USDA situe la surface semée à 92,7 millions d’acres (37,5 millions d’hectares). Cela est très proche (92,8) du niveau que nous retenions depuis deux mois pour notre prévision Stratégie grains.
Vu les premiers chiffres annoncés et sur la base des écarts historiques entre les différentes estimations de l’USDA au cours du temps, il semblait difficile en effet de tabler sur une surface plus forte que cela. Néanmoins, ce chiffre qui confirme une hausse de la surface de maïs US plus modérée qu’attendu par beaucoup est venu rappeler la tension en cours du bilan de maïs à l’échelle des USA et du monde.
En parallèle, les conditions climatiques dans ce pays restent mitigées avec une amélioration des conditions dans le sud de la Corn-belt mais une situation trop sèche dans le Nord-Ouest. Cela suscite des inquiétudes, renforcées aussi par les risques de gelées dans le sud du Brésil.
L’USDA a publié le jeudi 1er juillet 2021 son appréciation des besoins chinois : comme attendu, le besoin d’importation de ce pays en maïs va diminuer mais reste élevé (20 millions de tonnes en 2020-2021 au lieu de 28 en 2020-2021). Nous prévoyons, de notre côté, 23 millions de tonnes d’importations de maïs en Chine en 2021-2022.
L’ensemble de ces éléments conforte le fait que le bilan mondial de maïs ne se détendra qu’un peu en 2021-2022 et que les rendements US doivent absolument être au rendez-vous. Or, à cause de la sécheresse dans une partie du Midwest, il apparaît d’ores et déjà très improbable que le rendement US atteigne la prévision retenue par l’USDA.
Dans ce contexte, les prix Fob du maïs US affichent une hausse de 37 $/t sur la semaine (à 309 $/t Fob Gulf) et ceux du maïs brésilien une progression de 24 $/t. L’Argentine a suivi la hausse aussi (+10 $/t).
Les maïs européens ne suivent pas
Cela laisse de marbre toutefois les prix du maïs du côté européen de l’Atlantique, que ce soit les prix ukrainiens qui baissent au contraire de 6 $/t, à 276,5 $/t Fob, et les prix européens qui restent stables en euro — à 250 €/t Fob Bordeaux ou 260 €/t Fob Rhin en base juillet — mais chutent en dollar (–5 $/t, à 306 $/t à Bordeaux, avec la remontée du dollar face à l’euro).
Les maïs ouest- et est-européens sont en effet influencés, quant à eux, par les bonnes conditions climatiques et la perspective d’une remontée de la production dans l’UE et dans la zone de la mer Noire. En Ukraine justement, le gouvernement vient de publier une prévision de 37,1 millions de tonnes, un niveau encore plus élevé que celui de 2019.
Le prix du blé français en légère hausse
Le marché du blé européen a été influencé par le rebond des prix US du maïs. Ce dernier a poussé vers le haut les prix du blé à Chicago et cela s’est reporté aussi sur les valeurs européennes du blé. L’effet du maïs a été renforcé par la dégradation de la situation des blés de printemps en Amérique du Nord et la forte progression des cotations du blé à Minneapolis (place où sont cotés les blés de printemps US).
D’une part, les conditions restent sèches dans les zones de production US ; d’autre part, l’USDA a confirmé mercredi que la surface de blé de printemps aux USA sera l’une des plus basses des dix dernières années. Au Canada, StatCan a publié aussi cette semaine une estimation des surfaces canadiennes et a confirmé que la sole de blé de printemps, revue quand même en légère hausse, serait la plus basse depuis 2017.
Les blés de printemps ont donc grimpé et soutenu l’ensemble des blés, y compris les blés HRW aux USA qui gagnent 20 $ la tonne au cours de la semaine.
Les blés français sous la pression de la mer Noire
Les blés français, quant à eux, ont grimpé beaucoup plus modérément (+3 $/t, à 251 $/t Fob Rouen), leur hausse en dollar étant plus modérée que celle en euro (+3,5 €/t en base juillet, à 209,25 €/t rendu Rouen) à cause de la poursuite de l’appréciation du dollar.
Les blés français et européens ne peuvent en effet se permettre de grimper fortement et les cotations sur le Matif étaient de nouveau à la baisse ce vendredi 2 juillet 2021 en milieu d’après-midi (–3 €/t par rapport à la clôture d’hier pour l’échéance de septembre du Matif).
En effet, les blés français demeurent sous l’influence des bonnes perspectives de récolte en Europe et dans la zone de la mer Noire. En France, selon Céré’Obs, l’état des blés est resté stable cette semaine. Il convient toutefois de surveiller très finement la situation car les pluies massives des dernières semaines ont conduit à de la verse par endroits et cela pourrait limiter les potentiels de rendements où induire quelques dégradations qualitatives.
En Russie et en Ukraine, la récolte a démarré et la pression de la moisson fait descendre les prix. C’est particulièrement vrai en Russie où l’ensemble des régions du Sud vont moissonner en même temps, ce qui va représenter de gros volumes arrivant d’un coup sur le marché. Les prévisions de récoltes augmentent d’ailleurs pour les blés russes, vers le niveau de 85 millions de tonnes, soit autant que l’an passé.
Les blés russes et ukrainiens perdent ainsi 5 $/t cette semaine, à 244 $/t Fob pour les blés russes à 12,5 % de protéines et 239 $/t pour les blés ukrainiens à 11,5 % de protéines. Cela pèse sur les blés français sans compter la pression venant aussi de la Roumanie où la récolte de blé est attendue en hausse de 45 % après les déboires de 2020.
C’est la Roumanie d’ailleurs qui a remporté l’appel d’offres de l’Égypte cette semaine (achat de 180 000 tonnes pour chargement à la fin d’août ou au début de septembre). L’Iran a acheté aussi trois bateaux de blé cette semaine et au moins 1,5 million de tonnes déjà au total pour la campagne de 2021-2022, un début tonitruant sur le marché mondial, attestant des grosses dégradations de la récolte iranienne. La Turquie a acheté 395 000 tonnes pour chargement du 19 juillet au 21 août ; la Tunisie a acheté au moins 100 000 tonnes pour chargement du 15 juillet au 25 août.
Le Bangladesh, la Thaïlande, la Corée étaient aussi « au marché » cette semaine. Cela atteste de besoins importants et d’une demande mondiale élevée. Néanmoins, les prix européens du blé restent contraints par l’arrivée des récoltes.
Les prix des orges françaises en légère hausse, mais jusqu’où ?
Les prix des orges fourragères ont remonté modérément cette semaine en France (+4,5 €/t, à 205,05 €/t rendu Rouen). Ils reflètent trois influences haussières : d’une part, celle du maïs US et, d’autre part, celle des orges canadiennes : la situation sèche et qui s’est très nettement dégradée dans le Saskatchewan inquiète et entraîne des révisions à la baisse de la récolte attendue au Canada. Enfin, les pluies en France retardent la moisson.
Pourtant, comme pour le blé, il apparaît que la hausse des prix de l’orge ne pourra pas durer longtemps. En effet, avec l’arrivée des récoltes en mer Noire et la pression de dégagement qui s’ensuit, les orges russes et ukrainiennes ont abandonné 15 $/t cette semaine pour descendre entre 225 et 230 $/t Fob. Elles valent maintenant presque 20 $/t de moins que les orges françaises !
Sur le créneau brassicole, pas de changement des prix cette semaine à 208 et 217 €/t Fob Creil (base juillet) pour les orges d’hiver et de printemps.
Rebond marqué du cours du soja
Les prix du soja ont encore rebondi sur le rapproché à la Bourse de Chicago. Ils clôturaient en hausse de presque 25 $/t sur une semaine. Ce rebond est lié à la publication du 30 juin de l’USDA faisant état de surfaces semées conformes aux dernières estimations de mars alors que le marché anticipait une révision à la hausse.
Les stocks US au 1er juillet s’annoncent par ailleurs très bas, selon les dernières estimations de la même source : ils sont en recul de 44 % par rapport à l’an passé ! Cela confirme les très faibles disponibilités en soja sur les derniers mois de la campagne, d’ici à la moisson (attendue pour octobre aux États-Unis).
De plus, le climat nord-américain reste sec et chaud, et si les pluies des dernières semaines ont momentanément rassuré les marchés, elles restent insuffisantes. Les prévisions météorologiques ne sont pas très rassurantes : le déficit hydrique pourrait se prolonger sur les deux prochaines semaines dans les plaines du Nord des US, autour des Grands Lacs et dans une partie du Midwest (Nebraska, Missouri, Kansas).
Les tourteaux augmentent dans la lignée des graines de soja
Le rebond de la graine de soja a nettement bénéficié au tourteau. Il s’est apprécié de 35 €/t en une semaine à Montoir (à 422 €/t). Les prix ont aussi bénéficié du bas niveau du fleuve Paraná en Argentine qui retarde les exportations. Les prix Fob Argentine se sont revalorisés de 25 $/t (à 410 $/t). D’autres risques logistiques ont rajouté de la tension : les travailleurs des installations portuaires menacent de faire grève pour obtenir des hausses de salaires plus conséquentes, faisant suite à la forte inflation que subit l’économie du pays. De plus, le renouvellement de la concession pour l’exploitation du Paraná prend du retard et génère de l’incertitude parmi les opérateurs ainsi qu’un certain désintérêt des acheteurs internationaux.
La prise de valeur des tourteaux a toutefois été freinée par un tassement de la demande animale en Chine. Les éleveurs porcins limitent en effet l’engraissement compte tenu des marges fortement dégradées par l’effondrement du prix de la viande de porc chinoise, combiné à un coût des matières premières élevé. Afin d’empêcher la chute des prix du porc sans pour autant compromettre la dynamique de reconstitution du cheptel national, le gouvernement a mis en place un système de stockage de la viande. L’impact de ces nouvelles mesures sera à suivre de près.
Le pois fourrager départ Marne a glané seulement 2,5 €/t sur la semaine (à 253 €/t), la hausse de prix ayant été freinée par la proximité du démarrage des moissons dans l’Hexagone, et par le bon niveau de récolte attendu.
Envolée du prix du colza
Les prix du complexe colza ont fortement rebondi cette semaine en raison des inquiétudes climatiques en Amérique du Nord, et dans le sillage des huiles. Après un démarrage des emblavements dans des conditions climatiques plutôt favorables, l’état des canolas canadiens s’est dégradé dans l’Alberta et le Saskatchewan à cause du déficit hydrique et de températures dépassant de 3 à 5 degrés les normales de saison. Le prix du canola à Vancouver a grimpé de presque 62 $/t en une seule semaine (à 670,3 $/t).
L’imminence de la moisson de l’UE, prévue en hausse avec des bons potentiels attendus dans presque partout à l’exception de l’Europe centrale, n’a pas suffi à stopper la hausse des prix au sein du Vieux Continent. Les cours français ont suivi le canola en s’appréciant de 33 €/t sur le rendu Rouen et le Fob Moselle en une seule semaine (à 544 €/t).
Le colza a également bénéficié de l’envolée des cours du soja US dont le bilan à la fin de septembre 2021 s’annonce très déficitaire. La remontée du prix du pétrole qui a retrouvé son niveau le plus élevé depuis octobre 2018 (à environ 75 $/t) et le raffermissement des cours des huiles ont constitué des éléments haussiers additionnels pour le colza. L’or noir a principalement bénéficié de la forte reprise économique et de la baisse des stocks de brut aux US.
Les huiles ont gagné du terrain dans le sillage du pétrole et en réponse à la décision du gouvernement indien, prise le mercredi 30 juin 2021, de réduire immédiatement ses taxes à l’importation d’huile de palme raffinée jusqu’à décembre 2021 (à 41,25 %, contre 59,4 % auparavant). Cela laisse présager un raffermissement de la demande du géant asiatique. Elle pourrait aussi être soutenue par la diminution considérable de la taxe à l’exportation sur l’huile de palme brute indonésienne pour le mois de juillet. Elle diminue en effet de 147 $/t par rapport à juin 2021 (soit –34 %) à 291 $/t. Le prix de l’huile de palme à Rotterdam a ainsi grimpé de 65 $/t depuis la semaine dernière, et le cours de l’huile de colza a engrangé 100 $/t supplémentaires.
Le tournesol s’apprécie dans le sillage des graines concurrentes
En dépit du fort rebond attendu de la récolte de 2021, les cours du tournesol n’ont pas pu résister à la hausse des graines concurrentes. La cotation française à Saint-Nazaire pour la nouvelle récolte gagne ainsi 5 €/t sur la semaine en qualité standard (à 465 €/t) et 10 €/t en en qualité oléique (à 480 €/t). En mer Noire, les prix de la nouvelle récolte ont progressé de 10 $/t sur la semaine (à 472,5 $/t).
À suivre : conditions et résultats des récoltes des céréales d’hiver en Europe et sur le bassin de la mer Noire, climat en Amérique du Nord (soja, maïs, canola), moissons de colza dans l’UE, demande des pays émergents en huiles, conditions climatiques en mer Noire (tournesol), politique des biocarburants des États-Unis, prix du pétrole.