« Les livraisons de lait bio ont reculé de 3,5 % sur l’année (en matière sèche utile), la première baisse annuelle depuis 2008 », analyse Corentin Puvilland, économiste au sein de l’interprofession laitière (Cniel), dans une vidéo mise en ligne le 29 mars 2024.
Les ventes de produits laitiers bio diminuent également. En 2023, elles sont inférieures de 25 % au niveau de 2019, alors que la production a augmenté de 25 % sur cette même période. En février, « la baisse de consommation sur un an a été la plus basse depuis le déclenchement de la crise il y a deux ans ».
Accélération des cessations d’activité en bio
En 2023, la collecte de lait bio atteint 1,23 milliard de litres (–3,5 % sur un an). Sur le dernier trimestre, la production recule même de 9 % par rapport au dernier trimestre de l’année 2022.
« Ce recul de la collecte est surtout lié à la baisse du nombre de producteurs bio, dont le rythme s’accélère ces derniers mois, en raison de la crise que traverse la filière », explique Corentin Puvilland. Ainsi, en janvier 2024, le nombre de points de collecte bio avait baissé de près de 5 % sur un an.
« D’après notre enquête de conversion Cniel, la moitié de ces cessations d’activité lait bio sont dues à des retours en conventionnel, l’autre moitié est liée à des arrêts d’activité laitière », précise l’économiste.
Impact sur l’ensemble de la filière laitière
La collecte a particulièrement reculé en Auvergne-Rhône-Alpes (–13 % de livreurs bio depuis la mi-2022). « En Bretagne et dans les Pays de la Loire, les deux principales régions de production, le recul est conforme à la moyenne nationale, autour de –4 % par rapport à 2022. Seule la collecte normande est restée à la hausse en 2023. »
La production bio, qui était auparavant motrice des installations dans la filière laitière, parvenait à recruter davantage de femmes et de hors-cadres familiaux, ajoute Corentin Puvilland. La situation actuelle de la filière bio « remet en cause les projets de reprise d’exploitation, et contribue aux difficultés de renouvellement de la filière laitière dans son ensemble ».
« La production recule désormais plus vite que la consommation »
« En grandes et moyennes surfaces, les ventes de produits laitiers bio ont diminué de 12 % en équivalent lait en 2023, dans un contexte inflationniste, qui se traduit par une descente en gamme des achats des consommateurs », déclare l’économiste.
Cependant, plusieurs signaux positifs doivent être considérés, à commencer par un ralentissement de l’inflation et « des prémices de reprises dans certains réseaux spécialisés bio ». Par ailleurs, la production recule désormais plus vite que la consommation, et les « déclassements s’orientent à la baisse depuis quelques mois ». De plus, en restauration collective, les achats de produits bio « poursuivent leur lente progression sous l’impulsion de la loi Egalim ».
Revalorisation du prix du lait bio inférieure à celle du conventionnel
« En moyenne, en 2023, le prix réel du lait bio s’est élevé à 514 € pour 1 000 litres (+5 % sur un an), avec une forte disparité entre les laiteries. En janvier 2024, il s’est stabilisé à son niveau de janvier 2023, à 531 € pour 1 000 litres. »
Revenant sur la revalorisation du prix du lait bio, Corentin Puvilland souligne qu’elle « reste nettement inférieure à la hausse de 30 % observée sur le prix du lait conventionnel sur deux ans ».
« Par conséquent, l’écart de prix entre bio et conventionnel est passé de 120 € en 2021 à 50 € en 2023, une différence loin de compenser l’écart de prix de revient entre production bio et conventionnel. »
Le lait bio est resté en crise en 2023 (23/02/2024)
En Allemagne, les ventes bio se redressent
En s’intéressant à nos voisins européens, le spécialiste du Cniel cite l’exemple de l’Allemagne, dont la consommation de lait bio avait aussi été fortement affectée par l’inflation en 2022. « La légère détente des prix alimentaires depuis un an s’est immédiatement traduite par un redressement des ventes de produits bio : les ventes de lait de consommation bio ont progressé de 16 % sur un an au dernier trimestre de 2023, revenant même 10 % au-dessus de leur niveau de 2019 ».