Vestige d’un ancien château, la demeure trapue domine les marais de la Dives. Maître d’œuvre de sa rénovation, Ghislain Ferey y offre un accueil simple et chaleureux. Ce cadet d’une fratrie de quatre enfants s’est installé ici à Basseneville (Calvados) avec ses parents en 1977. Piloté avec l’aide de son épouse Thérèse, l’élevage laitier est devenu allaitant en 2007 et compte aujourd’hui 140 animaux de race limousine sur une centaine d’hectares. « J’ai l’âme d’un naisseur », précise l’Augeron, né dans l’embouchure de la Touques.
Tisseur d’histoires
Ghislain est devenu un tisseur d’histoires il y a trente ans. Titulaire d’un certificat d’études, il relate : « Complexé par mon manque de formation, je m’inscrivais régulièrement à des stages. » En 1995, sa femme en trouve un dans le journal intitulé « L’art de conter ». « J’ai cru en l’écoutant qu’il s’agissait d’une formation à la comptabilité », se souvient Ghislain en souriant.
Détrompé, il s’inscrit néanmoins pour ce stage à une cinquantaine de kilomètres. Depuis lors, il n’a jamais quitté l’association Conte raconte. « En côtoyant des institutrices, bibliothécaires, psychologues, je m’extrayais du monde agricole », explique celui qui, sur les bancs de l’école, cherchait surtout à faire rire ses camarades.
Le conteur en herbe se produit dans une école dès l’année suivante avec un récit traditionnel intitulé La misère. D’une nature pourtant modeste, Ghislain en convient : « Dès que j’ai commencé à conter, ça a plu aux gens. » Ce texte figure toujours dans son répertoire mais il l’introduit désormais avec ses réflexions personnelles sur l’état du monde et il conclut par un poème pour « une note d’espoir ».
Voir les gens s’amuser
De même, Ghislain ouvre le conte relatant la haine du chat pour la souris par un jeu de mots reprenant l’étymologie des termes de paysan, cerf, agriculteur, ferme et exploitation. Ce père de deux filles confie : « Je jubile quand le public ne comprend pas où je veux aller. Mais surtout, j’ai à cœur de voir les gens s’amuser. C’est ma manière de voyager. »
L’âme du conteur n’est d’ailleurs pas loin quand il parle : ses mains s’animent et son regard devient malicieux. Pourtant, ce n’est que récemment qu’il a osé se lancer devant des visages connus.
En plus de participer à six ou sept ateliers annuels de l’association, il intervient lors de veillées chez l’habitant. Mais le septuagénaire toujours exploitant « par goût » rêve de conter seul un jour au profit de projets portés par ses amis. « C’est un homme heureux qui a trouvé ainsi la liberté de s’exprimer », ajoute son épouse Thérèse.