La stratégie de lutte contre la dermatose nodulaire contagieuse (DNC) mise en place par la ministre de l’Agriculture Annie Genevard vire au débat public et ne cesse d’être remise en question. Mais le consensus scientifique reste intact et le dépeuplement total des lots d’animaux touchés est maintenu. Pendant que les manifestations organisées par la confédération paysanne et la coordination rurale se poursuivent, la FNSEA maintient sa boussole vers deux objectifs : « la protection des troupeaux et du revenu des éleveurs », réaffirme Arnaud Rousseau, son président, lors d’une conférence de presse le 12 décembre 2025. Ce dernier aspire à « mettre un peu de rationalité et d’ordre […] dans cette période extrêmement anxiogène pour les éleveurs de bovins ».

« Se sacrifier pour le collectif »

En voulant prendre un peu de recul, Arnaud Rousseau rappelle qu’à l’échelle du troupeau français composé de 15 millions de bovins (tous âges confondus), les animaux concernés par le dépeuplement s’élèvent à ce jour à un peu plus de 3 000. « Soit 0,02 % du cheptel, appuie-t-il. Derrière ces chiffres, il y a bien évidemment des gens passionnés pour qui c’est un choc terrible. Mais cette maladie doit être combattue en s’appuyant sur la science, c’est pourquoi nous avons validé la stratégie de lutte actuelle ». Le président de la FNSEA maintient que « l’abattage total est la meilleure solution », même si « c’est un crève-cœur pour les éleveurs ».

La dermatose nodulaire contagieuse présente une mortalité d’environ 10 % et d’une morbidité pouvant atteindre 80 %. « La morbidité, ce sont les animaux qui ont des séquelles de la maladie sans en mourir, mais qui sont donc improductifs, précise François Chamot, de la FDSEA des Savoies. Est-ce qu’on est prêts à atteindre ces chiffres à l’échelle française ? ».

Pour Arnaud Rousseau, le problème de fond reste « la responsabilité individuelle vs collective. Quand un éleveur accepte le dépeuplement, il se sacrifie pour le collectif ». Dans les Savoies, touchées en premier par la DNC cet été, 95 % des élevages sont désormais repeuplés. « Nous avons perdu 0,6 % du troupeau de la zone, compte François Chamot, contre une mortalité estimée à 10 %. Nous sommes plutôt fiers, et aujourd’hui, les éleveurs produisent autant de lait début décembre qu’à la même période en 2024 ».

« Il n’est pas question de perdre un seul centime »

Côté économique, deux acomptes ont été versés aux éleveurs, et le troisième est en cours d’évaluation. « Il n’est pas question de perdre un seul centime, martèle Arnaud Rousseau. Mais si la maladie n’est plus sous contrôle, nous serons mis sous cloche par l’Europe ». La fermeture durant deux semaines des exportations, imposée par Annie Genevard en novembre, a entraîné « des baisses de prix injustifiées. Si la France ne peut plus sortir d’animaux, ça aura un impact majeur sur le revenu des éleveurs, insiste le président de la FNSEA. Au moment où nous avons enfin des prix rémunérateurs, nous ne voulons pas céder à la peur. »

Une vaccination nationale entraînerait elle aussi son lot de conséquences. Pour Patrick Bénézit, président de la fédération nationale bovine (FNB), une branche spécialisée de la FNSEA, « les conséquences économiques seront là. Le marché de la viande est global, s’il y a un problème sur un débouché, ça affecte les autres, rappelle-t-il. Même si un éleveur n’exporte pas, si les prix chutent, c’est pour tout le monde ».

Risque de six mois sans export

La preuve en est pour l’envoi des animaux depuis les zones vaccinales (en Savoie et Haute-Savoie notamment) vers l’Italie. L’accord bilatéral avec la botte exige des conditions très strictes, pour l’éleveur concerné mais également ceux aux alentours. « Il faut que 95 % de la zone de 50 km autour de l’exploitation soit vaccinée depuis plus de 2 mois. S’il faut tout mettre en place au niveau national, cela prendrait au mieux 4 mois, au pire 6 mois », déplore Patrick Bénézit. Sans compter les marchés qui resteront fermés, faute de négociation possible.

« Le sanitaire, si on n’y met pas tous nos moyens et toute notre détermination, on est partis pour des mois et des années, conclut Arnaud Rousseau. Ce sont nos troupeaux qui subiront les conséquences et les éleveurs dans leurs comptes de résultat. Pour nous, il n’en est pas question ».