La spirale baissière continue sur le marché des céréales
La remontée des estimations de récolte dans l’hémisphère Nord et des prévisions de production dans l’hémisphère Sud continue d’alimenter la spirale baissière des prix observée sur le marché du blé et plus largement sur l’ensemble des marchés céréaliers. La demande bien que présente reste insuffisante à ce jour pour contrer la tendance.
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Avec la fin des récoltes de blé dans l’hémisphère Nord, les estimations officielles de production se précisent. Cette année, elles sont toutes revues à la hausse. Après les révisions de la semaine dernière pour la Russie (86,1 millions de tonnes) et pour le Canada (33,4 millions de tonnes), c’est au tour de l’Allemagne d’annoncer une forte progression. Le ministère de l’Agriculture allemand affiche une production de 22,458 millions de tonnes pour 2025, en hausse de 26,3 % par rapport à 2024, au plus haut depuis 2019.
Toujours plus de production
La production des pays baltes a également été rehaussée cette semaine par Argus Media à 7,67 millions de tonnes, soit +1,01 million de tonnes par rapport à l’an passé. Ces chiffres confortent une production totale de blé pour l’Union européenne estimée par Argus Media à 141 millions de tonnes, la deuxième plus élevée des dix-huit dernières années, après 2015.
Le marché du blé peine à absorber cet afflux de volumes, d’autant que l’hémisphère Sud n’est pas en reste. Ainsi, Abares, l’agence australienne de l’agriculture, a relevé lundi 1er septembre 2025, sa dernière prévision officielle de production de +3,2 millions de tonnes par rapport à juin, à 33,76 millions de tonnes. En Argentine, bien que sans chiffres précis, la Bourse de Buenos Aires fait part de son optimisme quant à la prochaine récolte de blé, portée par de récentes pluies favorables.
Du côté de la demande, la dynamique reste insuffisante. L’achat de 125 000 tonnes de blé en origine optionnelle par la Tunisie est trop limité pour relancer le marché. Les prix à l’exportation continuent de se tasser, passant sous les 230 $/t Fob, en mer Noire comme en France. Sur le port français, après un mois d’août florissant dû aux retards logistiques en mer Noire, le programme de chargement de blé s’essouffle à nouveau. Les cours du blé meunier en rendu Rouen suivent la tendance, perdant 5,5 €/t sur la semaine, à 186 €/t base juillet.
L’orge fourragère résiste à la baisse, pas la brasserie
Le marché de l’orge fourragère n’échappe pas à la pression baissière ambiante sur les céréales. Toutefois, la chute des cours est amortie par la bonne activité à l’exportation des orges françaises observée depuis le début de campagne. À la différence du blé, la Chine a été bien présente durant juillet et août et a permis d’absorber les flux de la nouvelle récolte qui arrivaient sur les ports français. Ainsi, l’orge fourragère ne perd que 2 €/t sur la semaine, à 183 €/t base juillet rendu Rouen. Elle s’affiche ainsi 3 €/t seulement sous le blé, contre 15 €/t il y a un mois.
Les besoins de chargements diminuent toutefois, tandis que la future concurrence des orges australiennes prisées par la Chine se précise. Ainsi, Abares vient de relever sa prévision officielle de récolte d’orge pour 2025 en Australie à 14,6 millions de tonnes, contre 12,8 millions de tonnes prévues en juin. Il s’agirait de la deuxième meilleure récolte historique du pays.
Le marché de l’orge de brasserie affiche, pour sa part, une tout autre dynamique. Alors que l’orge fourragère en rendu Rouen n’a perdu que 2 €/t depuis un mois, le cours de l’orge de brasserie de printemps type Planet Fob Creil s’est affaissé de 19 €/t depuis un mois. En cause, une bonne récolte française, une dissipation des craintes liées à la récolte tardive du nord de l’Europe et surtout une trop faible demande de malt et de bière. Alors que l’offre d’orge de brasserie progresse cette année en Europe, la demande s’efface et les prix sombrent pour se rapprocher peu à peu des niveaux fourragers.
Hausse du potentiel de production de canola en Australie
La situation se fragilise sur le marché de la graine de colza. Les cours perdent en effet 4 €/t sur la semaine, à 462 €/t Fob Moselle. Le marché revient ainsi tester ses plus bas niveaux depuis un an, dans un contexte d’offre révisée à la hausse à travers le monde.
Le canola canadien voit également ses cours s’affaiblir sur Winnipeg, sous la pression d’une récolte qui avance bien au Canada et qui est attendue à 19,9 millions de tonnes, au plus haut depuis 2019, selon StatCan.
Deuxième grand exportateur derrière le Canada, l’Australie sera également de la partie pour 2025-2026, avec une prévision officielle de récolte relevée à 6,4 millions de tonnes, contre 5,7 millions de tonnes prévues en juin dernier, en raison de pluies favorables ces derniers mois. Il s’agirait de la troisième meilleure production de canola de l’histoire dans le pays.
Seule l’Ukraine, finalement, est en déclin en termes de potentiel à l’exportation, tant en raison d’une faible récolte estimée à 2,9 millions de tonnes par Argus Media que de l’instauration d’une nouvelle taxe à l’exportation sur les graines de colza, à hauteur de 10 %. En négociation jusqu’alors, le président Zelensky a signé le texte cette semaine.
En Europe, si l’huile de colza reste soutenue par la bonne tenue des cours du biodiesel, le tourteau de colza continue, quant à lui, de reculer dans le sillage du tourteau de soja. Avec un tourteau de colza au plus bas depuis six ans, la marge des usines de trituration est dégradée, ce qui ralentit leur activité et leur demande de graine.
Attentisme en soja
Les cours de la graine de soja continuent d’évoluer dans une étroite fourchette de cotation comprise entre 10,30 et 10,50 $ le boisseau sur le marché de Chicago. Le contexte est marqué par l’attentisme, tant vis-à-vis de la toute prochaine récolte aux États-Unis que des négociations commerciales en cours avec la Chine.
Sur le terrain, les opérateurs s’interrogent quant aux conséquences d’un mois d’août un peu trop sec sur la moitié est de la Corn Belt. À l’international, l’absence de toute vente à l’exportation de soja américain vers la Chine en nouvelle campagne et la non-avancée des discussions commencent à susciter de l’impatience. La parade cette semaine de Xi Jinping aux côtés de Vladimir Poutine et Kim Jong Un témoigne pour beaucoup d’une volonté de la Chine de prendre ses distances vis-à-vis des États-Unis.
Le marché des tourteaux de soja n’en reste pas moins largement approvisionné, après des récoltes record en Amérique du Sud ces derniers mois et une trituration soutenue de soja à travers le monde depuis un an. Le cours du tourteau livré Montoir a d’ailleurs perdu 9 €/t sur la semaine pour revenir à 315 €/t. La moitié du rebond des cours observé grâce à un regain de demande en août est déjà effacée.
(1) Argus Meédia, société spécialisée dans le suivi des marchés des matières premières, nous livre son analyse agricole hebdomadaire.
À suivre : négociations tarifaires entre les États-Unis et la Chine ; évolution de la parité euro/dollar ; évolution des prix en mer Noire ; conditions climatiques en Australie et en Argentine sur la fin de cycle ; dynamique à l'exportation des blés et orges françaises ; niveau de rendements du maïs en Europe et aux États-Unis.
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