L’histoire

Serge exploitait une ferme herbagère située en pays de Caux, en vertu d’un bail que lui avait consenti Bruno. Au nom d’une convention signée en janvier 2013, Serge avait mis les biens loués à la disposition d’une EARL, constituée entre lui-même, son fils et l’épouse de celui-ci. Un jugement du 24 mars 2015 avait ouvert une procédure de redressement judiciaire à l’égard de l’EARL et arrêté le plan de continuation de l’activité et d’apurement du passif.

L’avocat de Serge avait alors avisé la société que ce dernier n’ayant plus d’activité, mettait un terme à la mise à disposition de la ferme prise à bail. Quelques mois plus tard, Serge et Bruno avaient convenu de résilier le bail sans indemnité.

Le contentieux

C’est dans ce contexte que le liquidateur et le fils de Serge avaient saisi le tribunal paritaire en annulation de la convention de résiliation du bail. Ces derniers souhaitaient poursuivre la mise en valeur de la ferme dans le cadre de l’EARL.

Ils s’étaient fondés sur une jurisprudence selon laquelle le bailleur ne peut solliciter la résiliation du bail que si deux conditions sont réunies : d’une part, le preneur qui a mis les terres prises à bail à disposition d’une société n’en est pas associé ou n’exploite plus effectivement les terres, et, d’autre part, le manquement reproché au preneur doit être de nature à porter préjudice au bailleur. Or en l’espèce, Serge n’avait pas démontré en quoi la bonne exploitation du fonds était compromise, ni que le défaut de participation effective était de nature à causer un préjudice à Bruno.

Serge s’était défendu en se référant à l’article L 411-37 du code rural, selon lequel le preneur qui a mis les biens loués à la disposition d’une société au sein de laquelle il est associé reste seul titulaire du bail. Dans la mesure où il avait cessé son activité, rien ne lui interdisait de résilier à l’amiable le bail et de mettre fin à la convention de mise à disposition.

Les juges avaient accueilli son argumentation. Dans l’hypothèse d’une mise à disposition des biens loués, le preneur reste seul titulaire du bail et les droits du bailleur ne sont pas modifiés. En outre, l’ouverture d’une procédure collective à l’égard de la société dans laquelle exerce le preneur est sans incidence sur la résiliation du bail personnellement consenti à cet associé.

Aussi, en signant une convention de résiliation amiable, Serge et Bruno avaient tiré de leur consentement mutuel et sans fraude, les conséquences de la cessation d’exploitation des biens loués par le preneur. La résiliation du bail était à l’abri de toute critique, ce que la Cour de cassation a confirmé.

L’épilogue

La solution peut paraître lourde pour le fils de Serge. Pourtant, en résiliant le bail et en mettant fin à la convention de mise à disposition, Serge n’a commis aucune faute. Le plan de continuation de l’entreprise intégrait l’hypothèse d’une surface réduite du fait de la perte des terres données à bail et faisait apparaître que les perspectives de redressement ne s’en trouveraient pas mises en péril.