L’histoire

Anne et Pierre, agriculteurs, étaient propriétaires de 30 hectares de parcelles en nature d’herbage et de céréales. Ils en avaient confié la mise en valeur à leur petite-fille, Zélie, dans le cadre d’un bail rural. Décédés respectivement en 2004 et 2005, ils avaient laissé pour leur succéder leur fille Solange et leurs deux petites filles, Faustine et Zélie, en l’état d’un testament les instituant légataires à titre universel de la quotité disponible de la succession.

Le contentieux

En l’absence d’accord sur le sort des parcelles agricoles mise en valeur par Zélie, Solange et Faustine l’avaient assignée devant le tribunal judiciaire en liquidation et partage des successions. Zélie avait alors saisi le tribunal d’une demande d’attribution préférentielle des parcelles agricoles qu’elle mettait en valeur.

Cette demande paraissait justifiée au vu de l’article 831 alinéa 1er du Code civil : tout héritier copropriétaire peut demander l’attribution préférentielle par voie de partage, à charge de soulte s’il y a lieu, de toute entreprise agricole à l’exploitation de laquelle il participe ou a participé effectivement. Et selon l’article 833 du même code, ces dispositions profitent aussi à l’héritier ayant une vocation universelle ou à titre universel à la succession en vertu d’un testament ou d’une institution contractuelle. Pour Zélie, sa demande devait être accueillie : outre les terres prises à bail, elle mettait en valeur avec son époux un ensemble de parcelles d’une superficie d’environ 150 hectares, dans le cadre de leur propre exploitation agricole.

Mais pour Solange et Faustine il en allait tout autrement. Le droit de bail sur les parcelles dépendant de la succession ne caractérisait pas une exploitation agricole. Mais les juges n’avaient pas été convaincus. Si l’héritier qui demande l’attribution préférentielle d’un domaine rural doit avoir la qualité de copropriétaire, il peut être tenu compte, pour l’appréciation de la consistance de l’exploitation, des biens appartenant à son conjoint et formant avec ceux dont cet héritier est copropriétaire l’entreprise agricole exigée par la loi. Et l’article 831 n’exclut pas l’hypothèse où le demandeur bénéficierait d’un bail rural.

Or en l’espèce, l’époux de Zélie exploitait avec elle des terres agricoles d’une superficie de 180 hectares, incluant les parcelles en litige et la perte de ces terres mettrait en péril la continuité de leur activité tandis que leur maintien permettrait de salarier leur fils. Les terres litigieuses constituaient bien, avec l’exploitation agricole de l’époux de Zélie, une entreprise agricole. La Cour de cassation n’a pu qu’écarter le pourvoi de Solange et Faustine..

L’épilogue

Zélie, pourra poursuivre, la mise en valeur des parcelles dépendant de la succession de ses grands-parents, cette fois en qualité de propriétaire.