L’histoire

Martial avait pris à bail diverses parcelles d’herbage, appartenant à Agnès, qu’il avait mises à la disposition de l’EARL des Arnauds, dont il était associé. Le 16 novembre 2016, Martial avait demandé à Agnès l’autorisation de céder son bail à sa fille, associée de l’EARL. En réponse, Agnès avait délivré congé à Martial pour reprise aux fins d’exploitation personnelle à effet du 31 mars 2019.

Le contentieux

Martial avait saisi le tribunal paritaire en nullité du congé. Et Agnès avait demandé, à titre reconventionnel, la résiliation du bail. Elle était convaincue de son bon droit, qu’elle avait fondé sur l’article L. 411-37 du code rural. Selon ce texte, le preneur, associé d’une société à objet principalement agricole qui met à la disposition de celle-ci tout ou partie des biens dont il est locataire doit, à peine de résiliation, continuer à se consacrer à l’exploitation du bien loué mis à disposition, en participant sur les lieux aux travaux de façon effective et permanente, selon les usages de la région et en fonction de l’importance de l’exploitation.

Or en l’espèce, Agnès avait fait valoir que Martial avait pris sa retraite et bien qu’étant toujours associé, non exploitant, de l’EARL, il ne participait plus aux travaux lesquels étaient effectués par sa fille. Autant dire que, pour Agnès, Martial avait consenti à une véritable cession du bail au profit de la société, pourtant prohibée par l’article L. 411-35 du code rural.

Martial avait réagi. Pouvait-on lui reprocher de ne plus participer aux travaux de mise en valeur des parcelles alors qu’il était le seul à s’occuper des cultures qui étaient sous sa responsabilité, qu’il était toujours affilié à la MSA et que durant l’arrêt de maladie de sa fille, il avait pris en mains la gestion de l’exploitation ? La preuve d’une cession du bail n’était alors pas rapportée, selon lui.

Le tribunal paritaire et la cour d’appel avaient été convaincus par les arguments de Martial. Mais la haute juridiction saisie du pourvoi d’Agnès a censuré les juges d’appel en posant le principe suivant : le preneur qui, après avoir mis le bien loué à la disposition d’une société, ne participe plus aux travaux de façon effective et permanente, abandonne la jouissance du bien loué à cette société et procède ainsi à une cession prohibée du droit au bail à son profit. Il en résulte que, dans ce cas, le bailleur peut solliciter la résiliation du bail sans être tenu de démontrer un préjudice.

L’épilogue

La cour d’appel de renvoi ne pourra que prononcer la résiliation du bail. La solution est bien lourde de conséquences pour l’EARL et la fille de Martial, qui se voient privées de leur outil de travail. Mais Martial n’aurait-il pas dû, avant de faire valoir ses droits à la retraite, solliciter l’autorisation de céder son bail à sa fille ?