L’histoire
Par acte du 12 août 1988 à effet rétroactif au 1er octobre 1987, un propriétaire avait donné à bail à long terme différentes parcelles agricoles à Jean et à son épouse. Le bail s’était renouvelé une dernière fois à compter du 1er octobre 2014 au profit de l’épouse de Jean. Les preneurs avaient mis le bail à la disposition d’un groupement agricole d’exploitation en commun (Gaec) de 1990 à 2010. Le propriétaire avait délivré un congé aux deux copreneurs pour le 30 septembre 2020 pour atteinte de l’âge légal de la retraite des preneurs. Les copreneurs avaient souhaité céder leur bail à l’un de leur fils.
Le contentieux
C’est dans ces conditions qu’ils avaient saisi le tribunal paritaire des baux ruraux aux fins d’annulation du congé et aux fins de les autoriser à céder le bail, à titre principal, à leur fils Yves et, à titre subsidiaire, à leur autre fils Eric. Mais le bailleur s’était opposé à la cession du bail car l’épouse n’était pas associée du Gaec de 1990 à 2010.
Le preneur à ferme qui adhère à un Gaec peut faire exploiter par ce groupement les biens dont il est locataire pour une durée qui ne peut être supérieure à celle du bail. Aussi, lorsque les copreneurs mettent les terres données à bail à la disposition du groupement, ils doivent tous les deux adhérer à ce dernier.
Selon Jean et son épouse, le bail renouvelé au nom d’un seul des copreneurs initiaux étant un nouveau bail, les manquements de ce dernier à ses obligations, antérieurs au renouvellement du bail rural, ne pouvaient, dès lors qu’ils ne se sont pas poursuivis au cours du nouveau bail, justifier le refus d’autoriser le preneur évincé en raison de son âge à céder son bail à l’un de ses descendants. Mais les juges avaient écarté cette thèse.
Une solution que la Cour de cassation n’a pu que confirmer. Les manquements, même antérieurs au renouvellement du bail, peuvent justifier le refus de cession. Dès lors qu’il résultait que les parcelles litigieuses avaient été mises à disposition d’un Gaec à compter de l’année 1990 et qu’entre 1990 et 2010, l’épouse n’était pas adhérente du Gaec, le manquement à ses obligations contractuelles était caractérisé, et constitutif de la mauvaise foi, ce qui faisait obstacle à toute cession de bail.
L’épilogue
La solution est sévère. L’épouse de Jean, au profit de laquelle le bail avait été renouvelé le 1er octobre 2014, et parvenue à l’âge de la retraite, ne pourra donc pas céder le bail à l’un de ses fils et devra quitter les lieux loués.
On peut s’interroger sur la rigueur de la décision, qui fait obstacle à la transmission de l’exploitation à la jeune génération. Un manquement ancien aux obligations du bail, qui n’a pas été sanctionné lors d’un renouvellement du contrat, peut-il, plusieurs années plus tard, être invoqué à l’issue du bail renouvelé ?