PAC 2023Vers le sprint final PAC 2023Vers le sprint final
Le Conseil et le Parlement ont adopté leur position sur la future Pac, en amendant largement les propositions de la Commission européenne. Les trois institutions de l’UE vont maintenant tenter de parvenir au plus vite à un compromis final sur la réforme.
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Deux ans et demi ! C’est le temps qu’il a fallu au Parlement et au Conseil de l’Union européenne (UE) pour arrêter leur position respective sur la future Pac. Ils y sont parvenus quasi-simultanément, durant la semaine du 19 au 23 octobre. La Commission a du mal à reconnaître son projet, largement amendé. Mais le commissaire à l’Agriculture Janusz Wocjiechowski, au lendemain de l'accord au Conseil, a retenu « au moins une bonne nouvelle » : « Les agriculteurs sauront bientôt ce qui les attend pour les sept années à venir. »
Ce n’est pourtant pas la fin du chemin. Les positions des colégislateurs sont parfois opposées. Les trilogues qui vont maintenant débuter entre les trois institutions européennes devront les faire converger, pour finaliser les règlements de la future Pac.
1. L’environnement
L’architecture verte de la Pac a été le gros morceau des négociations aussi bien pour le Parlement que pour le Conseil. Elle englobe notamment la conditionnalité (dite « renforcée » car elle intègre les trois anciennes mesures de verdissement), les mesures environnementales du second pilier et « la » nouveauté de la réforme : les écorégimes financés par le premier pilier (lire l’encadré p. 16). Les trois institutions sont d’accord pour que chaque État réserve obligatoirement une part de son enveloppe d’aides directes aux écorégimes. C’est donc acquis. Sur leur budget et leur contenu, les avis divergent.
Sur le papier, le Parlement est le plus ambitieux. Les eurodéputés ont ainsi voté pour que 30 % du premier pilier aille vers les écorégimes, en limitant les dérogations. Le Conseil, qui a bataillé dur pour arracher un accord sur un pourcentage de 20 % avec des souplesses et des exceptions, risque de ne pas suivre… À moins qu’une subtilité votée par le Parlement n’emporte l’adhésion des États réticents. Les eurodéputés ont en effet rayé deux mots (« réglementation nationale ») dans le texte de Bruxelles. Ainsi, les écorégimes pourraient rémunérer des pratiques simplement conformes à la règlementation nationale, pourvu que celle-ci aille au-delà des normes de l’UE.
Dans la conditionnalité renforcée, le Conseil limite à 3 % la part de SAU à consacrer à des éléments de biodiversité non productifs, ou 5 % en incluant certaines cultures sans phytos. Le Parlement, lui, met la barre à 10 %. Il veut aussi dépenser 35 % du second pilier pour des objectifs environnementaux, contre 30 % proposés par la Commission et le Conseil. L’ICHN serait prise en compte à hauteur de 40 % dans ce pourcentage, quand le Conseil (France en tête) veut la comptabiliser à 100 %.
2. La répartition des aides
Bruxelles avait amorcé un timide ciblage en définissant les « véritables agriculteurs » et en plafonnant les aides dans son projet de réforme. Le Conseil a tout balayé. Le Parlement, lui, persiste et signe pour « inverser la courbe démographique des agriculteurs », explique l’eurodéputé (Renew) et ancien président de JA, Jérémy Decerle. Le Parlement propose ainsi que soient définis les « agriculteurs actifs » à qui les aides de la Pac seraient réservées. Il exige un plafonnement des aides à partir de 100 000 € par exploitation et une dégressivité à partir de 60 000 €, combiné à un paiement redistributif envers les petites et moyennes exploitations pour au moins 6 % de l’enveloppe du premier pilier. Seuls les États redistribuant au moins 12 % de leur enveloppe seraient dispensés de plafonnement. De plus, une personne physique à la tête de plusieurs structures ne pourrait pas cumuler plus de 500 000 € d’aides du premier pilier, ni un million sur le second pilier.
Pour soutenir l’installation, les États veulent dépenser leur enveloppe (2 % de leur allocation), au choix, sous forme d’une aide forfaitaire à l’installation, d’un paiement à l’hectare ou d’une aide à l’investissement pour les jeunes agriculteurs. Les eurodéputés, eux, veulent pouvoir verser cette aide à l’actif et non à l’hectare, et ont doublé son budget.
3. Les marchés et les prix
« Les marchés agricoles sont structurellement instables, c’est un fait mais pas une fatalité. » Ces propos martelés par l’eurodéputé (S&D) Éric Andrieu, rapporteur sur le règlement OCM (1), ont visiblement convaincu. Le texte adopté par le Parlement renforce les pouvoirs de régulation de Bruxelles, crée un observatoire européen unique des marchés agricoles et étend les possibilités de recourir à l’intervention publique en cas d’offre excédentaire. Il renforce aussi le droit des producteurs à s’organiser pour mieux partager la valeur, mais aussi pour réguler l’offre des produits sous appellation d’origine.
« Le Conseil est traditionnellement plus mesuré sur ces questions, note le cabinet du ministre. Vu les clivages en son sein, cela va être un enjeu des trilogues de voir quels amendements du Parlement sur l’OCM peuvent se retrouver dans le texte de compromis final. »
4. La renationalisation
Le projet de Bruxelles a acté l’éclatement de la Pac en 27 plans stratégiques nationaux (PSN), même s’ils concourent théoriquement à l’atteinte d’objectifs communs. Le Parlement et le Conseil se disent tous deux opposés à la « renationalisation » de la Pac… Mais les États membres, en réalité, tirent chacun dans leur coin, réclamant toujours plus de flexibilité. Le Parlement, au contraire, tente de consolider le socle commun et de limiter les dérogations.
Une fois les trilogues achevés, il restera une troisième manche à jouer : l’élaboration des PSN. C’est là que seront placés les curseurs, notamment sur l’écologie ou la répartition des aides. « La France fera ses choix en fonction de son agriculture, pas en fonction des choix des autres États, promet le cabinet du ministre. Mais on tiendra compte de ce qui est fait ailleurs pour ne pas fragiliser nos agriculteurs. »
B. Lafeuille
(1) La Pac est constituée de trois règlements sur les plans stratégiques nationaux, sur l’organisation commune des marchés (OCM) et sur la gestion et le suivi.
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