1. Trouver la voie d’une agriculture dur 1. Trouver la voie d’une agriculture durable
En Chine, le modèle agricole de demain est incertain, avec des agriculteurs globalement restés en marge de l’enrichissement et un niveau de pollution inquiétant.
Vous devez vous inscrire pour consulter librement tous les articles.
Un paysan qui vivote sur sa parcelle timbre-poste, des fermes de 20 000 vaches cotées en Bourse, un complexe immobilier équipé d’un golf et d’une exploitation bio développée par un investisseur singapourien… Ces exemples illustrent l’immense diversité de l’agriculture chinoise, confrontée à d’importants défis.
Alors que les quelque 600 millions de ruraux de l’empire du Milieu sont les laissés-pour-compte du développement de la Chine, les autorités, qui étaient très focalisées sur l’industrie, ont recommencé à s’intéresser à l’agriculture au cours des années 2000. Pour améliorer le revenu des paysans, la priorité absolue consiste à augmenter la taille des exploitations (0,5 ha seulement en moyenne). Mais les observateurs s’accordent sur l’extrême lenteur du remembrement. « La situation des migrants en ville est précaire. S’ils décident de rentrer chez eux, leur terre leur assure un petit revenu, et ils ne sont pas prêts à en céder le droit d’usage », explique Marie-Hélène Schwoob, chercheuse à l’Iddri (Institut du développement durable et des relations internationales) et spécialiste de l’agriculture chinoise. En attendant, la parcelle est confiée à une connaissance. Un arrangement temporaire qui freine les investissements et l’amélioration des pratiques. « Les petits paysans sont payés au poids et à l’aspect de la récolte, et gagnent très peu d’argent. Adopter des pratiques plus durables n’est pas dans leur intérêt immédiat », souligne Marie-Hélène Schwoob.
Pourtant, il y a urgence. Selon une étude publiée en 2014 par les autorités, et qui portait sur 2/3 du territoire, 20 % des terres arables sont polluées, notamment par des métaux lourds. Et la surutilisation de fertilisants commence à épuiser les terres. Les autorités ont d’ailleurs adopté cette année des mesures contre la pollution des sols, et le nouveau plan quinquennal précise spécifiquement que l’usage de pesticides et de fertilisants ne devra plus augmenter. « Il ne faut pas seulement produire en quantité, il faut aussi de la qualité. Nous devons apprendre à protéger les écosystèmes », a ainsi déclaré Lu Hao, gouverneur du Heilongjiang et figure politique montante, lors d’un sommet laitier en avril à Harbin.
Coopératives chinoises
Dans ce contexte, le dogme de l’autosuffisance fait peu à peu place à la notion de sécurité alimentaire absolue. Le recours aux importations est désormais admis, à condition qu’elles soient équilibrées, et que les entreprises chinoises se tournent vers l’international. La libéralisation des prix du maïs, destinée à résorber les stocks colossaux accumulés au moyen d’une politique coûteuse, témoigne de la volonté d’introduire davantage de mécanismes de marché dans le secteur. Les autorités aimeraient aussi recourir aux OGM (interdits à de rares exceptions près, même si l’on en trouve tout de même dans les champs) mais se heurtent, pour l’instant, à la réticence de la population, très échaudée par les scandales alimentaires. Le rachat de Syngenta par ChemChina pourrait toutefois accélérer le dossier.
Trois types de structures portent la modernisation agricole. Les fermes agro-industrielles bénéficient de capitaux importants, qu’ils proviennent d’entreprises intégrées, qui couvrent plusieurs maillons de l’amont à l’aval, ou d’investisseurs. Viennent ensuite les coopératives. Inexistantes en 2005, elles étaient 180 000 et regroupaient 10 % des agriculteurs en 2012 (China Economic Review, 2012) et se sont très probablement encore développées depuis. « Ces coopératives sont souvent initiées par les autorités locales et permettent de mutualiser la gestion des terres, dont les paysans cèdent le droit d’usage. Mais ils n’ont aucun pouvoir de décision », explique un observateur sous couvert d’anonymat.
Agriculture familiale
Plus récemment, les autorités ont commencé à promouvoir l’agriculture familiale. Un modèle inspiré des exploitations françaises, qui ferait vivre décemment une famille sur quelques hectares (jusqu’à quelques dizaines), et où l’on serait chef d’entreprise plutôt que paysan. Reste à savoir combien de jeunes Chinois sont tentés… Et parmi ceux qui franchissent le pas, rares sont ceux qui cultivent vraiment la terre eux-mêmes. « Il faut avoir en tête qu’en Chine, les agriculteurs sont perçus et se perçoivent comme de statut social inférieur », souligne Marie-Hélène Schwoob.
Alors que seulement 25 % des agriculteurs ont moins de 40 ans (1), se pose aussi la question du transfert du savoir-faire. « La Chine est férue de technologie pour améliorer l’agriculture. Mais les petits paysans qui cultivent plusieurs espèces sur leur petite parcelle ont des résultats corrects grâce à l’agroécologie. C’est un savoir-faire qui risque de se perdre », regrette un observateur.
Alors que l’exode rural est encouragé par les autorités, qui prévoient 100 millions de nouveaux départs en ville d’ici à 2020, le manque de main-d’œuvre commence déjà à se faire sentir dans certaines régions. La mécanisation constitue alors un levier possible. Mais si la situation des petits paysans et des ouvriers agricoles ne s’améliore pas, le défi social restera entier.
(1) Chiffre de 2012, issu du CABTS (Central Agricultural Broadcasting and Television School), organisme en charge de la formation continue des agriculteurs.
[summary id = "10022"]
Pour accéder à l'ensembles nos offres :