Plus de 35 000 membres revendiqués, des éleveurs laitiers jusqu’aux horticulteurs en passant par les éleveurs de porcs, le LTO est un acteur syndical prédominant sur la scène nationale néerlandaise. « Il y a 54 000 agriculteurs aux Pays-Bas, vous pouvez faire le calcul », insiste Klaas Johan Osinga, chargé des affaires internationales pour le syndicat. Des partenariats avec des associations spécialisées ou des acteurs de l’amont ou l’aval existent aussi sur certains dossiers.
Des groupes autonomes surgissent
Comme d’autres pays de l’Union européenne, les Pays-Bas voient surgir des groupes autonomes avec des méthodes plus incisives que le « lobbying » habituel du LTO. L’un d’entre eux fait figure d’épouvantail, la Farmers defense force (FDF). Ce syndicat d’un nouveau genre a émergé au printemps 2019 dans la ville de Boxtel au nord d’Eindhoven.
Des militants animalistes avaient investi une porcherie et tardaient trop à en être délogés par la police au goût de plusieurs agriculteurs, dont Mark van den Oever. Lui-même éleveur, il fonde alors ce groupe qui, quelques mois plus tard, allait se placer en tête des manifestations agricoles.
À la manœuvre pour les manifestations
« C’est un groupe proche de la droite populiste, explique Han Wiskerke, professeur à la Chaire de Sociologie rurale à l’Université Wageningen. Ils sont sur l’idée que tout devrait se focaliser sur la production et une alimentation pas chère et sur la défense des agriculteurs contre une supposée élite de gauche urbanisée. Depuis quelques années, ils ont pris les rênes de l’organisation des manifestations agricoles les plus importantes. »
Ainsi, personne n’a oublié les milliers de tracteurs défilant à la Haye à l’automne 2019, quand le gouvernent annonçait vouloir réduire le nombre d’élevages dans le pays avec son plan pour la baisse des émissions d’azote. Ont suivi plusieurs autres démonstrations de force, y compris à Bruxelles.
Changement de méthode
« Les choses se sont calmées récemment, complète Klaas Johan Osinga du LTO. Car depuis quelque temps est apparu le Mouvement des paysans citoyens qui font partie de la coalition gouvernementale. » Des relations apparemment plus apaisées avec la profession qui ont permis d’obtenir des ajustements. « Il y a maintenant un programme de rachat et les producteurs peuvent décider de vendre leur ferme. Ce n’est plus obligatoire, c’est volontaire. Et c’est ce pourquoi nous avons fait campagne. »
Solidement installé aux Pays-Bas et même à Bruxelles de longue date, le syndicat majoritaire néerlandais maintient sa domination, sachant que les membres de la FDF sont généralement toujours adhérents du LTO. Reste que l’apparition de la FDF secoue la méthode traditionnelle du syndicalisme agricole local. « Ça a été le succès des Pays-Bas pendant longtemps, relate Han Wiskerke. Une culture de discussion, avec toutes les parties prenantes dans une pièce pour obtenir un compromis. À l’inverse la Farmers defense force ne veut pas de compromis et prend des positions très tranchées, ce qui attire du soutien, y compris de la part des intérêts industriels de la filière. »
« Il y a toujours eu un respect mutuel entre les différentes organisations agricoles néerlandaises, poursuit l’universitaire. Mais nous avons parlé à des agriculteurs qui racontent avoir reçu la visite de ce groupe, parfois même en pleine nuit, pour leur reprocher une déclaration ou autre chose. Une façon d’intimider ceux qui pensent différemment. Ça n’existait pas il y a 10 ans. » Et cette méthode essaime. La FDF a ouvert une antenne chez ses voisins belges il y a quelques mois.