Nommée rapporteure pour avis sur les crédits agricoles du projet de loi de finances pour 2026, Manon Meunier (LFI, Haute-Vienne) a présenté son rapport en commission des affaires économiques le 22 octobre 2025. La France Agricole a consulté ce document — dont l’objectif premier est d’analyser les crédits affectés à l’agriculture dans le projet de budget du gouvernement, qui comprend également une réflexion plus structurelle sur le monde agricole. Un point est consacré à l’avenir du modèle coopératif.

Une concentration croissante

La députée a souhaité s’interroger sur « qui possède les outils de production » en agriculture. Car elle observe une concentration croissante dans les mains de quelques grosses coopératives, notamment dans la filière porcine. Dans ses travaux, elle rappelle qu’en 1972, la France comptait 203 organisations de producteurs (OP) représentant 31 % de la production porcine nationale. Aujourd’hui, seules 31 OP subsistent, mais encadrent 89 % de la production, et dix d’entre elles concentrent à elles seules 75 % des volumes.

Manon Meunier a également attiré l’attention des parlementaires sur le projet de rapprochement entre Agrial et Terrena. Dans son rapport, elle décrit plus précisément : « Agrial, première coopérative de France (12 000 agriculteurs adhérents, 22 200 salariés et 7,1 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2024), elle-même issue de la fusion de plusieurs coopératives, a annoncé porter un projet de fusion avec une autre très grande coopérative, Terrena (18 000 agriculteurs adhérents, 13 000 salariés, 5,6 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2024). » En commission, elle lance : « Je pense que nous devrions avoir une réflexion sur les coopératives agricoles et sur leur taille. »

Course à la compétitivité

Matthias Tavel (La France insoumise, Loire-Atlantique — où le siège de Terrena est installé) a interpellé la rapporteure sur cette potentielle fusion, demandant si les conséquences pour les producteurs et les salariés des industries agroalimentaires sont optimistes ou source d’inquiétude. Pour Manon Meunier, il existe des motifs d’inquiétude, la fusion étant motivée par la nécessité de s’aligner sur la concurrence internationale. « Les coopératives subissent ce que subissent nos agriculteurs à l’échelle nationale, c’est-à-dire une course à la compétitivité », a-t-elle expliqué.

Ces envies de fusion naissent souvent d’une course à l’agrandissement, entre structures agricoles persuadées de pouvoir réduire leurs coûts en devenant toujours plus grandes, selon l’élue. « La réalité, c’est que dans plus de 50 % des cas, la fusion des coopératives ne permet pas une meilleure maîtrise des coûts. Parfois, au contraire, elle mène à une augmentation de ces coûts », a-t-elle assuré.

Un modèle coopératif fragilisé

Dans le cas d’Agrial et de Terrena, la fusion donnerait naissance à un « mastodonte » équivalent à une entreprise du CAC 40, selon les termes empruntés par Manon Meunier au professeur Xavier Hollandts, spécialiste de la stratégie et de la gouvernance des coopératives. « Cela pose la question de la véritable voix des agriculteurs à l’intérieur de ces coopératives, a-t-elle ajouté. Car lorsque les coopératives regroupent plusieurs milliers d’agriculteurs et d’agricultrices, le sens premier du modèle coopératif — celui d’outils communs — n’est plus possible. »

La députée insiste sur la nécessité pour le législateur d’encadrer la taille de ces coopératives, afin que les agriculteurs puissent « garder la main sur leurs outils » et pour prévenir les risques de souveraineté liés à des intérêts internationaux. « Ces grandes coopératives ont souvent des intérêts, voire des productions à l’étranger — en Chine, par exemple », a-t-elle souligné.

Principes coopératifs

Le président de la commission des affaires économiques, Stéphane Travert (Manche, Ensemble pour la République) a tenu à rappeler les principes fondamentaux du modèle : « L’agriculteur reste propriétaire des parts sociales, et le principe demeure : un agriculteur, une voix, que ce soit dans les petites ou les grandes coopératives. »

Le député a précisé que le projet entre Agrial et Terrena concernait pour l’instant la mutualisation de certaines fonctions support. « Je veux vous renvoyer à la mission que nous avions réalisée avec notre collègue Fabien Di Filippo sur la situation des coopératives, a-t-il ajouté. Nous avions formulé un certain nombre de propositions et de préconisations. » Il propose d’organiser un échange sur le sujet, avec les deux coopératives.