« Un dispositif aberrant. » C’est en ces termes que La Coopération Agricole qualifie, dans un communiqué publié le 16 octobre 2025, la réforme des redevances adoptée en loi de finances pour 2024 et mise en œuvre depuis le 1er janvier 2025. L’organisation professionnelle demande un « échelonnement dans le temps » et une « modulation » d’une réforme dont les effets pénalisent, selon elle, trop d’outils de l’industrie alimentaire.
Le gouvernement a proposé dans son projet de budget pour 2026 plusieurs ajustements. Il prévoit notamment la suppression de la majoration de 40 % de l’assiette de la redevance pour pollution des industriels non raccordés au réseau public, jugée « redondante » avec d’autres mécanismes de taxation. Pour l’agriculture, le texte instaure un abattement d’assiette pour les exploitants contraints d’utiliser de l’eau potable pour l’irrigation « faute d’autre solution technique ou économique viable ». Ces agriculteurs pourront être exonérés de redevance sur un volume allant jusqu’à 20 000 mètres cubes par an. Une mesure qui répond à une situation spécifique : ces utilisateurs bénéficiaient auparavant d’un tarif réduit, l’eau retournant au milieu naturel sans traitement post-consommation.
Révision des modalités de redevances
Mais ces correctifs ne suffisent pas à La Coopération Agricole, qui réclame en plus d’une révision des modalités de redevances, un échelonnement des hausses pour les rendre « progressives et acceptables ». Contacté par La France Agricole le 16 octobre, le directeur de La Coopération Agricole Grand Ouest, Yoann Mery, explique que les difficultés actuelles résultent de la conjonction de deux dynamiques, qui a produit un effet massue.
D’une part, la réforme des redevances de 2024, initialement plutôt bien accueillie puisqu’elle visait à simplifier la fiscalité de l’eau en regroupant plusieurs redevances pour la rendre plus lisible. D’autre part, le financement du plan eau gouvernemental, pour lequel il était nécessaire de trouver des ressources supplémentaires au sein des agences de l’eau.
Un déplafonnement aux conséquences sous-estimées
La réforme visait aussi à « renforcer les principes de pollueur-payeur et de préleveur-payeur, tout en rééquilibrant la contribution des différentes catégories d’usagers », comme l’expliquait en mars dernier la ministre de l’Agriculture, Annie Genevard, devant le Sénat. Pour y parvenir, le législateur a notamment supprimé le plafonnement des redevances pour les industriels, jusque-là limité à 6 000 mètres cubes par an.
Ce déplafonnement a été « vraiment dommageable » pour les industries agroalimentaires, selon Yoann Mery. Certaines industries très consommatrices d’eau, comme les abattoirs, essuient selon lui des augmentations dépassant les 400 %, et les hausses représentent en moyenne quelque 170 %. « De telles hausses, du jour au lendemain, sans capacité budgétaire d’anticipation, dépassent le consentement à payer », insiste le responsable.
Les professionnels sont aussi exaspérés par l’absence d’anticipation. « Ce déplafonnement n’avait pas fait l’objet de simulations », dénonce Yoann Mery. Ni le ministère de la Transition écologique, ni les agences de l’eau n’avaient réalisé d’évaluation des impacts économiques. Une carence que l’exécutif a fini par reconnaître, assure le responsable, qui qualifie cette omission d'« incurie » et d'« erreur de stagiaire ». Pour rectifier le tir, il aurait fallu déposer un projet de loi de finances rectificatif. Mais cette option « donnait des boutons à n’importe quel cabinet ministériel », dans un contexte politique instable depuis la dissolution de l’Assemblée nationale en juin 2024.
Amendements déposés
Les arguments exposés par La Coopération Agricole se retrouvent dans des amendements déposés par les députés Julien Dive (DR) et Charles de Courson (Liot), dans le cadre de l’examen du texte par la commission des finances, qui députe ce 20 octobre. Ils proposent de réintroduire, « pour les entreprises utilisatrices d’eau potable les plus impactées, des plafonds de volumes d’eau potable progressifs sur lesquels seront payées la redevance eau potable comme cela existait auparavant avec un plafond à 6 000 m³ d’eau ».
Leurs amendements sont encore en cours de traitement par l’Assemblée à l’heure où nous publions cet article. Les mêmes députés souhaitent aussi garantir que les quantités d’eau utilisées antérieurement au 1er janvier 2025 conservent la grille tarifaire applicable au moment de leur utilisation effective, indépendamment de la date de facturation ultérieure. Cette mesure viserait à prévenir un cumul d’augmentations résultant du nouveau barème.