À trois mois des élections municipales de mars 2026, les maires se voient dotés d’un nouveau statut. L’Assemblée nationale aura mis presque deux ans à y parvenir. Déposée le 18 janvier 2024, la proposition de loi (PPL) portant création d’un statut de l’élu local a été adoptée par les députés en deuxième lecture et sans modification le 8 décembre 2025.

La démocratie locale en crise

« Nous saluons le texte qui lève certains freins, réagit Murielle Fabre, secrétaire générale de l’association des maires de France (AMF) et maire de Lampertheim, en Alsace. Ce texte était nécessaire pour donner l’envie de s’engager. » Car comme le rappelle le Sénat dans la synthèse de ses travaux publiée le 8 décembre sur son site internet, un maire démissionne chaque jour depuis les élections municipales de 2020, soit 4 % des élus.

« Il y a une lassitude assez forte dans les territoires, confirme la maire alsacienne. Les causes sont multiples : manque de valorisation financière, difficile cohabitation entre vie personnelle et vie professionnelle, conflit d’intérêts, etc. Beaucoup de maires ne veulent pas se représenter en 2026. Le défi est de redonner le goût de l’engagement par la reconnaissance de la fonction. Et cette PPL apporte des premiers éléments, elle est une étape importante. »

Iniquité de traitement

Attendue au tournant, la question du régime indemnitaire de l’élu local est abordée dans les quatre premiers articles de la PPL. Parmi les avancées listées par l’AMF figurent l’extension de la dotation particulière élu local (DPEL) aux communes de moins de 3 500 habitants, l’amélioration de la compensation des pertes de revenus en cas d’absence et la prise en charge élargie des frais de garde.

« Avant ce texte, la DPEL ne concernait que les communes de moins de 2 000 habitants, donc c’est une avancée », poursuit Murielle Fabre. En revanche, concernant l’indemnité de fonction d’un élu, « il y a une iniquité. L’augmentation n’a été votée que pour les communes de moins de 20 000 habitants, avec un système dégressif plus favorable aux très petites communes, précise l’élue. Comme si les parlementaires avaient jugé qu’au-dessus de 20 000 habitants, l’indemnité actuelle était suffisante. »

À titre d’exemple, l’indemnité de fonction mensuelle maximale d’un maire d’une commune de 2 000 habitants serait fixée à 2 290 euros, contre 2 121 actuellement. Celle d’un élu d’une commune de plus de 20 000 habitants passerait de 3 700 euros à 4 082 euros.

Quant à la « prime régalienne » annuelle de 500 euros annoncée par le Premier ministre Sébastien Lecornu lors du 107e Congrès de l’AMF le 22 novembre à la Porte de Versailles à Paris, elle n’apparaît pas dans le texte. « Cette mesure a fait grincer des dents. Cette somme est dérisoire, c’est ridicule, commente la maire de Lampertheim. Il vaut mieux ne rien donner plutôt que de donner un symbole. Les maires n’ont pas besoin de symbole, mais d’une liberté d’agir, une reconnaissance de leur engagement. » Et l’élue locale d’insister : « On n’est pas maire pour gagner de l’argent, mais on n’est pas là pour en perdre ! »

Donner les moyens financiers aux maires

Au total, juge l’AMF, si certaines difficultés persistent en matière sociale, notamment sur les régimes de retraite, le texte adopté est « une étape importante au service de l’engagement local ». En dehors du régime indemnitaire de l’élu, la PPL comprend d’autres « avancées » affirme l’AMF.

Parmi elles, la suppression de la notion de conflit d’intérêts public/privé lorsqu’un un élu siège dans deux collectivités appelées à se prononcer sur une même délibération, ou qu’il est membre d’une collectivité et d’un organisme sur lequel cette collectivité doit se prononcer.

L’octroi de la protection fonctionnelle qui devient automatique pour l’ensemble des élus locaux victimes de violences, menaces ou outrages du fait de leurs fonctions, est également salué. Le texte avance aussi sur la conciliation entre la vie professionnelle/familiale/étudiante et le mandat, les congés maternité et maladie et la sortie du mandat. En octobre 2023, l’association avait formulé 78 propositions dont une partie a été reprise par les parlementaires.

Prochaine étape, « faire appliquer la loi par décret avant les élections municipales de 2026, projette Murielle Fabre. Le Premier ministre s’est engagé sur ce calendrier. Dans tous les cas, il faut continuer le combat au quotidien. Nous ne nous arrêtons jamais aux avancées législatives. On continuera de rappeler les freins qui demeurent. Mais pour l’AMF, le vrai combat de 2026 est celui des moyens financiers. Il faut nous donner les capacités d’agir dans nos communes. »