Des « interdictions de produits phytosanitaires ont été prises au niveau national sans harmonisation européenne, et ont conduit de nombreuses filières à des impasses techniques et agronomiques », a déclaré l’ancien ministre de l’Agriculture Stéphane Travert, auteur de la résolution visant à lutter contre les surtranspositions en matière agricole cosignée par des députés de la majorité présidentielle. Il a notamment cité le « 1-3D (1,3-Dichloropropène) pour les carottes des sables », le diméthoate pour les cerises, les néonicotinoïdes, appelant à ce que les interdictions se fassent à l’échelle européenne.
68 voix pour, 21 contre
« Les producteurs de pommes pourraient connaître également les mêmes difficultés que les betteraviers français, a-t-il ajouté. C’est pourquoi nous ne pouvons plus nous permettre que des distorsions de concurrence viennent fragiliser nos producteurs tout en laissant entrer sur notre territoire une alimentation qui ne répond pas à nos exigences sanitaires », a argué Stéphane Travert.
La résolution, adoptée par 68 voix contre 21 et qui n’a pas force de loi, appelle à « lutter contre les surtranspositions » en matière agricole, c’est-à-dire la traduction de directives européennes dans le droit français en les rendant plus contraignantes qu’à l’origine. Elle demande aussi davantage de « clauses miroir » entre les pays et le renforcement de « la recherche d’alternatives » aux produits phytopharmaceutiques.
Au grand dam des élus de gauche, elle appelle surtout à subordonner toute « interdiction de produits phytopharmaceutiques » à « l’existence de solutions alternatives efficaces, n’entraînant pas de perte de rendement, ni de surcoûts inacceptables pour le producteur ». « Vous voilà à revendiquer le droit à tuer les abeilles, d’empoisonner la santé humaine, au nom du productivisme agricole », a tancé l’écologiste et ancienne ministre Delphine Batho, dénonçant une « capitulation face aux lobbys ».
Une « campagne à peine voilée de dénigrement de l’Anses »
Le député communiste Yannick Monnet a dénoncé une « campagne à peine voilée de dénigrement de l’Anses », l’agence de sécurité sanitaire qui a la main sur la mise sur le marché des produits phytosanitaires. La tension entre l’Anses et le gouvernement est montée d’un cran ces dernières semaines. L’agence a interdit à la fin d'avril l’herbicide S-métolachlore, contre l’avis du ministre de l’Agriculture Marc Fesneau.
« Il s’agit pour moi de porter le débat au-delà des polémiques que je vois toujours naître pour avancer au service de notre souveraineté, des enjeux de santé publique, et de préservation de l’environnement, a assuré Marc Fesneau à la tribune. Ce n’est pas l’un contre l’autre, ce n’est pas non plus l’un sans l’autre, c’est l’un avec l’autre. »
« Pas les mêmes climats et les mêmes contraintes qu’en Grèce »
Le ministre a profité de l’occasion pour faire une mise au point. « On parle souvent d’un certain nombre de molécules qui seraient autorisées dans tout l’espace européen et nous en aurions une centaine de moins, a-t-il détaillé. J’attire votre attention sur la précision qu’il faudrait avoir sur ces sujets, car c’est assez mineur à la vérité puisqu’une partie des molécules ne sont pas utilisées en France parce que nous ne produisons pas telle ou telle filière, et nous n’avons pas les mêmes climats et les mêmes contraintes qu’en Grèce. »
Et de poursuivre : la surtransposition réglementaire « est un sujet, mais je le dis quand même, si nous avions des sujets à porter c’est la suradministration parfois, c’est la lourdeur de développement des projets, a insisté le ministre de l’Agriculture. La surtransposition, il y a quelques cas, que vous évoquez les uns et les autres mais ce n’est pas le sujet central, me semble-t-il qu’il faut que nous traitions. »
Le ministre pointe la « suradministration »
« La suradministration en revanche est un sujet. On ne peut pas à la fois dire : “On veut évoluer sur les produits phytosanitaires et ne pas accepter les nouvelles techniques génomiques.” On ne peut pas dire : “Il faut faire ça et ne pas aller plus vite sur le biocontrôle.” On ne peut pas dire : “On a besoin d’une agriculture qui soit plus résiliente, et fermer toute porte à un débat sur la question de l’eau.” Parce que sinon, on se ferme toutes les portes de la capacité à produire. »
Revenant sur le sujet des produits phytosanitaires, Marc Fesneau a rappelé l’annonce faite par Élisabeth Borne en février d’un « plan de développement d’alternatives » aux produits phytosanitaires « les plus importants ».