Comment se passent les négociations commerciales avec la grande distribution ?
« Les négociations commerciales se sont terminées le 15 janvier pour les petites et moyennes entreprises, dont un bon nombre de coopératives laitières font partie, explique Pascal Le Brun. Elles doivent se clore le 31 janvier pour les plus grandes coopératives. Nous réclamons aux distributeurs une revalorisation de 2 à 4 %, ce qui comprend la hausse de la matière première agricole et celle de la matière première industrielle. »
« Certes, la tendance inflationniste est moins élevée, mais elle reste présente. Les coûts de production continuent à grimper, pour les producteurs comme pour les usines. Il y a une réelle nécessité de faire passer des hausses auprès de la distribution. En l’état actuel des choses, les entreprises qui ont pu négocier avec la distribution sont plutôt parvenues à une stabilité, voire à une légère déflation des prix, ce qui n’est pas acceptable. »
Ce manque de revalorisation des prix auprès des distributeurs se répercute sur le prix du lait à la production ?
« Tout à fait. Ce que les coopératives n’ont pas pu aller chercher pour compenser la hausse de prix des charges industrielles a des conséquences sur le prix du lait payé aux éleveurs. La distribution est responsable de cette stagnation des prix, sous caution du ministère de l’Économie et des Finances qui réclame une baisse des prix à la distribution pour protéger le pouvoir d’achat du consommateur. »
« Le mécanisme à l’œuvre est simple, décrit le président de La Coopération Laitière. Si une coopérative arrive dans les box de négociation avec une demande de 3 % de hausse, la distribution réplique que cette hausse n’est soutenable qu’à condition de baisser les volumes achetés. Si nous acceptons cela, en plus de ne pas vendre notre production, la situation profite à un industriel concurrent, aux marques de distributeur ou pire, aux produits d’origine non française. Certains distributeurs ont clairement exprimé leur volonté d’aller chercher des produits étrangers en Allemagne ou en Irlande, moins chers. »
« Finalement, nous sommes contraints d’accepter des hausses minimes par rapport aux besoins pour conserver les volumes vendus. Cela se répercute sur le prix de la matière première agricole. Les distributeurs sont plus puissants. Ils ont la possibilité de se regrouper dans leurs centrales d’achat pour peser encore plus dans la balance, ce que nous coopératives ne pouvons faire. »
Finalement, la marche en avant prônée par la loi Egalim n’est pas du tout respectée ?
« La distribution contourne totalement la sanctuarisation de la matière première agricole, dénonce Pascal Le Brun. Les vieux mécanismes de négociation sont toujours à l’œuvre. Ce sont eux qui, sous la caution de Bercy, asphyxient cette loi Egalim. J’appelle à faire preuve de raison. L’année dernière, la consommation de produits laitiers s’est bien maintenue malgré une hausse des prix considérable. L’alimentation a un prix, un juste prix qui doit permettre d’assurer le renouvellement des générations, la décarbonation de la filière et le maintien d’un tissu industriel sur nos territoires. »