Après 25 ans de négociations, l’Union européenne (UE) et le Mercosur ont finalisé un accord de coopération, le 6 décembre 2024. Le 3 septembre dernier, la Commission européenne a validé le projet. Après avoir affirmé au monde agricole « sa ferme opposition » à cet accord, en déplacement à Bélem (Brésil), en marge de la COP 30, jeudi 6 novembre 2025, le président de la République, Emmanuel Macron se dit désormais plutôt enclin à l’accepter. Celui-ci doit permettre à l’Europe d’exporter, entre autres, plus de voitures, de machines ou de vins. Il félicitera également l’importation de bœuf, de volaille, de sucre ou de miel.
« Même s’il y a des avancées, le compte n’y est pas »
Si les différents syndicats agricoles font front contre le président, la position de la ministre de l’Agriculture, Annie Genevard, se veut plus nuancée. Dans la matinée du vendredi 7 novembre 2025, elle a indiqué sur X que « les lignes rouges de la France sont connues depuis le départ. […] Et aujourd’hui, même s’il y a des avancées, le compte n’y est pas. » Ainsi, la ministre estime que l’accord entre l’Union européenne et le Mercosur n’offre pas de garanties suffisantes à la France.
Il y a un an, la Commission européenne signait à Montevideo un projet d’accord avec les pays du Mercosur alors que la France, au lendemain d'une censure, n'avait pas de Gouvernement. La forme et le fond de l'accord étaient inacceptables.
— Annie Genevard (@AnnieGenevard) November 7, 2025
Depuis, je me suis engagée sans relâche…
De son côté, le principal syndicat agricole, la FNSEA, déplore un « reniement total » du chef de l’État. Selon l’entité, Emmanuel Macron signe sa « rupture avec l’agriculture française ». « Cette déclaration sonne comme un nouvel affront, a déploré Arnaud Rousseau, son président, sur X. Nous ne laisserons pas brader notre modèle, nos emplois ni notre souveraineté. Nous appelons les eurodéputés français à faire bloc pour s’opposer à cet accord inacceptable et à défendre nos producteurs. »
« C’est un message extrêmement négatif pour la défense de la souveraineté alimentaire »
Mercredi 5 novembre 2025, à l’issue d’une rencontre entre le président brésilien, Luiz Inacio Lula da Silva, et la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, la présidence brésilienne a déclaré dans un communiqué qu’ils étaient « disposés à signer » l’accord lors du sommet du Mercosur qui se déroulera le 20 décembre à Rio de Janeiro. « Nous serons combatifs, avec le soutien des Français, pour refuser un accord qui sacrifierait notre agriculture sur l’autel d’une mondialisation sans règles », ajoute Arnaud Rousseau.
Déclaration d’Arnaud Rousseau suite aux propos du Président de la République sur l’accord du Mercosur :
— La FNSEA (@FNSEA) November 7, 2025
« Depuis des mois, le Président de la République affirmait au monde agricole sa ferme opposition à l’accord de libre-échange avec le Mercosur. Aujourd’hui, depuis Belém, en… pic.twitter.com/G8XVjxyWEg
Tout autant en désaccord avec le traité de libre-échange, Alexis Roptin, vice-président de Jeunes Agriculteurs, présente la prise de position d’Emmanuel Macron comme un « coup de poignard » ou une « une trahison ». « C’est un message extrêmement négatif pour la défense de la souveraineté alimentaire », renchérit-il.
Selon lui, le dernier levier d’action pour bloquer l’accord avec le Mercosur reste Bruxelles. « On demande aux eurodéputés français de mettre leur veto lors du prochain Conseil européen du 19 décembre, étaye-t-il. C’est un des derniers éléments pour empêcher l’accord. » En attendant, le représentant syndical explique que Jeunes Agriculteurs va continuer à « sensibiliser » les élus, voire se mobiliser sur le terrain.
Emmanuel Macron « décide de sacrifier l’agriculture française »
Pour Véronique Le Floc’h, présidente de la Coordination rurale, second syndicat agricole français, le son de cloche est semblable. En envisageant désormais plus positivement l’accord commercial entre l’Union européenne et des pays du Mercosur, le président Emmanuel Macron « décide de sacrifier l’agriculture française ». « Demain, je ne sais pas qui entretiendra nos territoires », commente-t-elle.
La Coordination rurale dénonce la prise de position du président qu’elle qualifie de « jeu de dupes ». « Nous l’avons toujours dit : derrière les belles paroles, il n’y avait qu’à attendre une énième trahison des intérêts français », lit-on dans un post X. La représentante syndicale estime qu’on « ne pas croire Emmanuel Macron ». « Il est en train de piétiner les agriculteurs, le Mercosur c’est la mort de l’agriculture française. »
Comme c’était malheureusement prévisible, et malgré les promesses réitérées le 4 novembre par Annie Genevard, Emmanuel Macron sacrifie l’agriculture française 🇫🇷 sur l’autel du Mercosur pour faire plaisir au président brésilien.
— Coordination Rurale (@coordinationrur) November 7, 2025
Depuis le début, la CR dénonce ce jeu de dupe et… pic.twitter.com/uJW8sNqzvk
Dans sa déclaration, le chef de l’État français a expliqué vouloir signer l’accord avec le Mercosur après l’obtention par la France de clauses de sauvegarde renforcées censées préserver certains produits agricoles en cas de brusque hausse des importations ou baisse des prix liées à l’accord. Véronique Le Floc’h est catégorique : « Ces clauses de sauvegarde, on n’en veut pas. » Sur ce point, l’ensemble des syndicats agricoles français s’accordent.
Pour lui, Thomas Gibert, porte-parole de la Confédération paysanne, troisième syndicat agricole, « la bataille contre le Mercosur n’est pas pliée ». Le syndicat souhaite alerter sur le fait que l’accord entre l’Union européenne et le Mercosur peut entraîner « des conséquences graves sur la société ».
Ainsi, l’entité soutient le collectif Stop Mercosur avec son action intitulée Toxic tour. De Vienne à Bruxelles, près d’une dizaine de manifestations sont organisées pour interpeller l’opinion publique.
Pour le Modef, « le président de la République vient de sacrifier l’Agriculture française au profit des industries automobiles et pharmaceutiques ». L’entité s’oppose « fermement à tous les traités de libre-échange et appelle tous les États à quitter l’OMC immédiatement ». Le syndicat agricole craint que la déclaration d’Emmanuel Macron engendre une chute de revenu pour certains producteurs.