Les prix augmentent pour les céréales cette semaine, avec des craintes de manque d’humidité aux États-Unis et de gros déboires sur les récoltes du Proche-Orient et de l’Algérie. Le complexe oléagineux se maintient à des prix élevés, en légère hausse par rapport à la semaine dernière. Il est soutenu par une demande mondiale forte en huiles végétales, liée à la reprise économique, alors que l’offre se raréfie, et par un marché pétrolier légèrement haussier.

Le blé garde son orientation haussière

Les prix du blé français sont en augmentation par rapport à ceux de la fin de la semaine dernière. Sur le marché physique, ils ont gagné environ 5 €/t, à 216,25 €/t rendu Rouen pour la nouvelle récolte. Sur Euronext, l’échéance de septembre affiche aussi une progression de 5 €/t (à 216,25 €/t vendredi 4 juin 2021 après-midi) par rapport à la clôture de vendredi dernier. Cette échéance est de nouveau orientée à la hausse vendredi 4 juin 2021 après un recul au milieu de la semaine, déclenché par l’atteinte du niveau de 220 €/t.

 

Sur le marché mondial, les blés français valent actuellement 270 $t Fob Rouen, soit 6 $/t de plus que la semaine dernière. Ils ont été entraînés par la nouvelle progression des prix du blé aux États-Unis où les inquiétudes concernant le manque de précipitations sur les blés de printemps montent en puissance dans les plaines du Nord. Ces inquiétudes se doublent d’une prévision de temps sec en juin sur le Midwest, qui pourrait nuire au maïs US. Ces inquiétudes se sont renforcées et ont poussé vers le haut les prix des deux côtés de l’Atlantique.

Dégradation des potentiels de récolte au Proche-Orient

Même si cela ne fait pas autant de bruit sur le marché, des déboires bien plus importants s’annoncent aussi au Proche-Orient : la situation est grave en Turquie, où le déficit de précipitations sur les quatre premiers mois de 2021 a fortement entamé les potentiels de production des céréales à paille, sans que les pluies, arrivées tardivement, ne puissent sauver la mise.

 

De graves pertes de production concernent également la Syrie, l’Irak et l’Iran, ce qui va accroître le besoin d’importation de cette région en blé et farine. En Algérie aussi, le blé et l’orge ont souffert fortement de la sécheresse et l’achat récent de blé dur en atteste. La récolte mondiale s’annonce bonne, dans l’Union européenne notamment, ainsi qu’en Russie — dans le Sud surtout —. Elle permettra de couvrir les besoins du Proche-Orient et ceux de l’Algérie. Néanmoins, ces éléments sont à suivre de près.

 

En Russie, le nouveau système de taxe flottante s’applique depuis le 2 juin 2021. Le calcul actuel (taxe égale à 70 % de la différence entre le prix Fob du blé et une référence de 200 $/t) conduit actuellement à un niveau de 28 $/t du 2 au 8 juin 2021. Une nouvelle taxe va être publiée le vendredi 4 juin 2021 pour une application du 9 au 15 juin 2021, et ainsi de suite. Pour le blé, la taxe actuelle est nettement plus faible que la précédente (qui était fixe, de 50 €/t). Cela a été perçu comme un élément favorable pour les chargements de blé russe en juin.

 

L’Arabie Saoudite vient d’acheter 560 000 tonnes pour chargement en août et septembre. C’est moins que le volume initialement recherché, peut-être parce que le pays espère voir les prix baisser avec l’arrivée des récoltes. Une partie de la vente devrait concerner des blés baltes mais il n’est pas exclu que des blés allemands soient concernés aussi, voire des blés russes selon la qualité de la récolte russe. L’Indonésie, de son côté, n’a rien acheté lors de son appel d’offres de cette semaine pour 240 000 tonnes.

Grand bon pour le maïs

La semaine a commencé sur un ton d’optimisme pour le maïs américain en raison des très bonnes notations sur l’état des cultures, meilleures qu’espéré (76 % des plantes étaient en catégorie bonne à excellente contre un taux de 70 % prévu et 74 % à la même date l’an passé). Cet élément et les bonnes conditions de développement des cultures de printemps en Ukraine et en Europe ont plutôt pesé sur les cours mondiaux du maïs au début de la semaine.

 

Néanmoins, les facteurs haussiers n’ont pas tardé à refaire leur apparition : d’une part, le temps sec qui s’annonce en juin sur le Midwest inquiète. D’autre part, les estimations de la seconde récolte ont été revues à la baisse par l’analyste AgRural dans le centre-sud du Brésil. Ces révisions sont venues confirmer la baisse sévère attendue de la récolte brésilienne. Ainsi, malgré des rendements un peu meilleurs que prévu en Argentine, les prix mondiaux sont repartis à la hausse, gagnant entre 5 et 20 $/t selon les places.

 

Dans l’environnement mondial très tendu actuellement, la moindre inquiétude concernant les récoltes se révèle très haussière. Avec une situation fragile en France en fin de campagne et des importations européennes en forte baisse par rapport à l’an passé, les maïs français ont suivi. Leur prix s’est élevé de 12 €/t Fob Rhin et de 17 €/t Fob Bordeaux pour l’ancienne récolte, à 271 €/t sur juillet-septembre (en base juillet).

 

La nouvelle récolte a suivi mais beaucoup plus modérément (+6 €/t Fob Bordeaux) aux alentours de 217 €/t (base : juillet). Malgré cela, les maïs français de la récolte de 2021 apparaissent très, voire trop compétitifs par rapport aux maïs de la mer Noire, que ce soit sur le nord de l’Union européenne ou sur la péninsule Ibérique.

Les orges montent aussi

Comme pour le blé sur le marché physique, les orges fourragères ont gagné environ 6 €/t depuis la semaine dernière, à 213,75 €/t rendu Rouen pour la nouvelle récolte. Contrairement au cas du blé, la prévision mondiale de la récolte d’orge est attendue à la baisse et les déboires du Proche-Orient (Turquie notamment) et de l’Algérie viennent tendre encore plus le bilan mondial de l’orge.

 

Les stocks bas attendus à la fin de juin en France et les chargements déjà engagés vers la Chine soutiennent les prix. Il est intéressant de constater que les orges ukrainiennes se sont appréciées aussi cette semaine (+8 $/t), à la suite du blé et du maïs. Pour ce pays aussi, les chargements vers la Chine soutiennent les prix.

 

L’arrivée imminente des récoltes pourrait peut-être calmer la situation, mais la demande qui s’adressera à l’Union européenne et la mer Noire va rester forte tant que la nouvelle récolte canadienne ou argentine ne sera pas disponible. Cela devrait constituer un facteur de soutien des prix malgré l’arrivée de la moisson.

 

Le différend qui oppose la Chine et l’Australie au sujet de la taxation par la Chine des orges australiennes est pris en charge maintenant par l’Organisation mondiale du commerce, OMC, qui a accepté la semaine dernière d’ouvrir un groupe d’experts (panel) pour statuer sur la question. Cela ne signifie toutefois pas que le conflit entre les deux pays sera réglé rapidement, ce qui laisse prévoir encore une large demande chinoise pour la France.

 

Sur le créneau brassicole, les prix ont suivi la tendance fourragère cette semaine avec la nécessité de maintenir une prime entre la qualité fourragère et la qualité brassicole. Les prix des orges d’hiver et ceux des orges de printemps restent très proches les uns des autres, entre 220 et 226 €/t Fob Creil (base : juillet).

Le colza rebondit nettement

À Rouen, le colza a vu son prix rebondir de 20 €/t entre le 27 mai et le 3 juin 2021, pour grimper à 545 €/t : un niveau assez proche des records de la mi-mai, lorsque l’inquiétude pour les nouvelles récoltes de l’Union européenne et du Canada était au plus fort. La forte demande en colza sur le début de la campagne en est la principale raison. En effet, le déficit mondial en huiles végétales se creuse avec la reprise économique sur l’ensemble de la planète (restauration, tourisme et transports se normalisant avec l’avancée des vaccinations). Cela dope la demande en huile de colza. Cette dernière est fortement sollicitée par le secteur du biodiesel, mais aussi par les pays émergents.

 

La demande alimentaire est en net rebond, d’autant plus que l’huile de tournesol n’est plus vraiment disponible sur juillet-septembre, et que la production d’huile de palme est perturbée par la résurgence des cas de Covid-19 en Malaisie. L’huile de soja vient aussi à manquer, la demande intérieure des pays exportateurs restant forte (États-Unis, Brésil) en raison d’un programme biodiesel local ambitieux. Par conséquent, le prix de l’huile de colza à Rotterdam pour une livraison en juin a bondi de 105 €/t en une semaine, à 1 400 €/t le 3 juin 2021, un nouveau record historique ! Sur juillet, l’huile est cotée à 1 280 €/t, un niveau très élevé.

 

Au Canada, les prix de l’ancienne campagne (contrat de juillet 2021) sur le marché de Vancouver se sont stabilisés à 735-740 $/t, la demande se raréfiant. En effet, les prix prohibitifs poussent les acheteurs à repousser l’approvisionnement jusqu’à la période de la moisson. Ainsi, le contrat de novembre 2021 à Vancouver voit son prix remonter de 21 $/t en une semaine, à 616 $/t.

 

Désormais, sur la fin de l’année 2021, les canolas canadiens ne valent que 31 $/t de moins que les colzas européens. Ils sont pour le moment peu attractifs par rapport aux colzas français, mais avec les besoins en huile de colza attendus sur l’hiver pour la production de biodiesel, les triturateurs devraient malgré tout se fournir auprès des exportateurs canadiens en canola OGM.

Cultures à surveiller au Canada

Au Canada, les semis ont progressé très vite cette année. Au 31 mai 2021, ils étaient achevés à 96 % pour le canola. Les agriculteurs ont profité du temps sec pour avancer les emblavements au maximum. Néanmoins, des pluies régulières seront nécessaires dans les prochaines semaines pour assurer une bonne germination des plantes. Les modélisations météo sont pour le moment plutôt rassurantes pour une bonne partie des champs semés, sauf dans le sud de l’Alberta et du Saskatchewan où les pluies pourraient être insuffisantes.

 

En Australie, une pluviométrie généreuse est attendue en juin. L’hiver se passe sous de bons auspices pour le canola dans l’hémisphère Sud. Dans l’Union européenne, l’Ouest et l’extrême Est pourraient être bien arrosés en juin, mais le Centre et le Nord pourraient subir sur les 15 prochains jours un temps plus sec et chaud que la normale. Des pertes de potentiel sont possibles. Le climat sera clef pour l’évolution des prix sur les prochains jours.

Le soja remonte cette semaine

Après plusieurs jours de hausse, les prix de la fève ont légèrement été corrigé à la fin de la semaine. Ainsi, sur le rapproché, le soja gagne 4,5 $/t à Chicago par rapport à la semaine dernière, atteignant 569 $/t. Sur l’échéance de novembre, il gagne 8,5 $/t pour atteindre 516 $/t. Cette hausse est due au manque d’eau qui touche le Midwest américain. En effet, avec 84 % des surfaces plantées et 62 % des plants levés, les cultures commencent leur cycle dans un environnement bien plus sec qu’à l’accoutumée. Si le manque d’eau se prolonge au-delà d’une dizaine de jours, comme l’indiquent les prévisions météorologiques actuelles, une révision à la baisse de la production de 2021 est envisageable. Dans ce cas, l’impact sur les prix serait considérable vu le contexte de bilan déjà très tendu aux USA attendu à la fin de la campagne de 2021-2022.

 

En Amérique du Sud, la récolte argentine touche à sa fin avec plus de 96 % des surfaces récoltées et une estimation officielle maintenue à 43,5 millions de tonnes. Au Brésil, les exportations de mai sont restées très élevées, proches du record d’avril, et témoignent d’une demande soutenue. La sécheresse qui sévit sur le pays, considérée comme la plus importante en un siècle, continue de limiter le potentiel de fret fluvial. Une prolongation ou une aggravation de la situation constituerait un facteur de soutien des prix.

Les prix des tourteaux suivent la hausse du soja

Les cours du tourteau de soja à Chicago ont bénéficié de la légère hausse du soja. Ils ont progressé assez modérément toutefois (+1,9 $/t sur la semaine), à 432 $/t. Les fortes disponibilités argentines en tourteaux ont en effet tempéré la hausse de prix aux États-Unis.

 

En France, la hausse des prix du tourteau de soja a été plus marquée. Ils gagnent 13 €/t rendu Montoir, à 403 €/t. En effet, le tourteau de soja est attractif actuellement face au blé dans les rations animales sur le mois de juin, ce qui entraîne des achats et apporte du soutien aux prix locaux.

 

Porté par la hausse des prix des tourteaux de soja, le pois fourrager départ Marne gagne 13 €/t sur la semaine, à 275 €/t.

Rebond des cours du tournesol français à la suite du colza

Dans le sillage des autres graines oléagineuses, les prix du tournesol standard rendu Saint-Nazaire se sont appréciés de 25 €/t en une semaine, atteignant 560 €/t sur le rapproché et 515 €/t sur la prochaine récolte. Le tournesol oléique de la prochaine campagne gagne également 25 €/t rendu Saint-Nazaire et atteint 525 €/t.

 

Sur la mer Noire, le manque de disponibilité et le prix élevé de la graine de tournesol de l’ancienne campagne fait baisser les marges de trituration, conduisant les petits triturateurs à mettre à l’arrêt leurs lignes de production.

 

Au contraire, le prix Fob Ukraine nouvelle récolte a chuté de 25 $/t, à 542,5 $/t. Cette baisse s’explique par l’arrivée des semis à leur terme dans la zone de la mer Noire. Ils se sont déroulés sans souci majeur. Les semis sont également terminés en Europe de l’Ouest.

 

À suivre : météo mondiale, taille des récoltes au Proche-Orient, comportement du marché russe avec les taxes flottantes, achats chinois, contexte économique et sanitaire mondial (huiles), prix du pétrole, production d’huile de palme en Asie du Sud-Est.