Certaines variétés de féverole de printemps, contrairement à celles d’hiver, présentent une faible teneur en vicine-convicine. Ce facteur antinutritionnel entraîne une diminution de la digestibilité de la féverole chez les monogastriques, affectant par exemple les performances de ponte chez les poules pondeuses. En alimentation humaine, une exposition à ce facteur peut entraîner une hémolyse aiguë pour les personnes atteintes de favisme. Pour ces débouchés en alimentation animale et notamment en volailles, majoritaires en bio et en alimentation humaine, l’intérêt de ces variétés de féverole de printemps est réel.

Sensibilité à la floraison

Des difficultés à les produire durablement sont cependant constatées du fait d’une hausse tendancielle des stress hydrique et thermique à la floraison. L’effet des fortes températures sur leur rendement devient significatif à partir de plusieurs jours au-delà de 25 °C. La féverole est aussi très sensible au manque d’eau à floraison.

Face à ces enjeux, Terres Inovia et ses partenaires ont envisagé une stratégie d’esquive de ces stress : décaler la date de semis des féveroles de printemps à l’automne. L’institut a d’abord étudié les risques de gel. La féverole de printemps est sensible à des températures inférieures à -5 °C quand elle dépasse le stade 4-5 étages, mais le nombre de jours où le cas se présente a tendance à diminuer. « Le gel d’apex peut entraîner la perte de la tige principale, précise Cécile Le Gall, de Terres Inovia. La féverole est capable de mettre en place des ramifications, ce que nous avons voulu vérifier dans les essais. »

Peu de risque de gel

Dans six essais conduits en bio et validés en 2024-2025, des variétés de printemps (Tiffany, Nakka, Synergy ou Callas) ont été comparées à des variétés d’hiver (Axel, Nairobi ou Diva, la référence en termes de tolérance au froid). Les semis ont été réalisés entre mi-novembre et mi-décembre, selon les conditions de l’année, avec une densité entre 35 et 40 grains/m2.

Dans l’essai où les conditions les plus froides ont été rencontrées, près de Dijon, des épisodes de gel avec des températures inférieures à -5 °C sont survenus au stade végétatif, entre 1 et 2,5 étages de feuilles. Les plantes étaient relativement endurcies. « Quelques marques de froid, avec des jaunissements des feuilles, sont apparues, mais les plantes se sont rétablies après trois semaines. On a également observé du gel d’apex sur les variétés de printemps, mais aussi sur la variété Axel d’hiver, sans pénaliser le développement des plantes », résume Cécile Le Gall. Sur la phase florifère, les températures ne sont pas descendues en dessous de -5 °C. Par ailleurs, les féveroles de printemps ont toutes produit des ramifications, sauf dans un essai, « ce qui est plutôt positif », commente l’ingénieure.

Le stress hydrique reste pénalisant

Dans trois essais, la date de floraison de féveroles de printemps (Tiffany ou Nakka) a été comparée entre un semis à l’automne et un autre au printemps : pour cette dernière modalité, en moyenne la floraison survient trois semaines plus tard. « Le semis d’automne permet de limiter fortement le stress thermique », note Cécile Le Gall. En revanche, le décalage de la date de semis n’a pas permis d’éviter les stress hydriques.

Des niveaux de rendements similaires

En 2025, les variétés de printemps semées à l’automne ont obtenu des niveaux de rendements similaires aux variétés d’hiver. « Ces résultats sont très encourageants sur la faisabilité de cette technique, estime Cécile Le Gall. Ils restent à confirmer sur un plus grand nombre de situations, c’est pourquoi une deuxième campagne d’essais vient d’être lancée. » À noter qu’en 2025, il n’a pas été observé de sensibilité plus marquée sur les féveroles de printemps semées à l’automne par rapport aux variétés d’hiver vis-à-vis des maladies (botrytis, aschochytose, rouille).