« C’est presque aussi important que la création des Safer », s’est enthousiasmé Emmanuel Hyest, président de la FNSafer. À l’occasion du Salon international de l’agriculture, il présentait le 3 mars 2022 la loi créant un nouveau contrôle des parts sociales pour lutter contre la concentration excessive de terres.

Contrôler les cessions de parts sociales

Aux côtés de représentants des Chambres d’agriculture, de la FNSEA et de Jeunes Agriculteurs, Jean-Bernard Sempastous, le député à l’origine de cette proposition de loi votée le 13 décembre 2021 était présent.

 

Ce texte prévoit la mise en place d’un contrôle des cessions de parts sociales au profit des personnes physiques ou morales qui prendraient le contrôle d’une société — plus de 40 % des droits de vote — et qui détiennent ou qui détiendraient après l’opération des surfaces agricoles dépassant un « seuil d’agrandissement significatif ».

 

Un système de compensation est prévu pour permettre à ceux qui détiendraient trop de foncier de les transférer à un autre agriculteur pour consolider son exploitation ou pour installer un nouvel agriculteur.

 

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600 000 hectares de terres dans le viseur

Depuis la loi d’avenir de 2014, les Safer reçoivent les notifications adressées à chaque mutation de parts sociales, autour de 7 000 par an. « À l’intérieur de ces 7 000 transferts de parts de sociétés, 35 % en gros des exploitations transmises dans le cadre de ces transferts le sont vis-à-vis de tiers », explique Emmanuel Hyest.

 

Cela représenterait 600 000 ha alors que le marché du foncier agricole représente 420 000 ha. « Cela veut dire qu’une grosse partie du foncier est transférée sans aucune régulation possible et donc sans aucune possibilité de l’orienter vers les jeunes », ajoute le président de la FNSafer.

 

Les deux tiers restants correspondent à cessions de parts intrafamiliales ou des cessions au profit « d’agriculteurs qui ont des surfaces modestes sur lesquelles on imagine que l’agrément sera automatique », selon Emmanuel Hyest.

Des interrogations demeurent

Sur le stand de la Safer où était organisée la conférence, des interrogations ont été exprimées par un avocat et un notaire sur certains points juridiques. Emmanuel Hyest a tenté de les rassurer notamment sur les délais d’instructions qui pourraient rendre encore un peu plus complexe les transmissions d’exploitation.

 

« Un délai de tacite autorisation de 2 mois est prévu. C’est rapide », a répondu le président de la FNSafer. Plus on aura d’informations, et plus on aura d’éléments pour donner l’agrément, plus ça ira vite. Tout va dépendre de la fluidité de la part des cédants. »

 

Des précisions ont aussi été apportées concernant le système de compensation foncière en cas d’absence de jeune agriculteur susceptible d’en bénéficier. « Si après instruction, si on est dans un secteur où il y a beaucoup moins de pression foncière que dans d’autres endroits, celui qui veut céder, même si le repreneur a une exploitation plus importante, il aura une proposition d’agrément. L’enjeu n’est pas d’empêcher, c’est de permettre. »

 

Un propos qui est d’ailleurs partagé par Bernard Lannes, le président de la Coordination rurale, qui est intervenu ponctuellement lors de la conférence.

De nouvelles précisions avant le 1er juillet

Le décret d’application de la loi actuellement en préparation devrait aussi répondre à une partie des interrogations, notamment sur le montant des frais de dossier pour les personnes qui demanderont l’agrément de cession des parts sociales.

 

« Le ministère de l’Agriculture travaille sur le décret avec les Safer », a précisé Jean-Bernard Sempastous, député des Hautes-Pyrénées. Le texte doit être pris avant le 1er juillet. Il faudra ensuite attendre les arrêtés des préfets fixant les seuils de surface déclenchant les contrôles. Ils sonneront l’entrée en vigueur du dispositif au plus tard le 1er novembre, selon la loi.

On commence à se faire engueuler. Cela veut dire que les gens ont peur que le dispositif soit réellement efficace.

Emmanuel Hyest, président de la FNSafer, le 3 mars 2022 au Salon international de l’agriculture

Certains associés de sociétés, détenant ou exploitant des terres agricoles, ont déjà anticipé les choses pour éviter de passer sous ce nouveau contrôle. Emmanuel Hyest a confirmé que les Safer recevaient actuellement davantage de notifications de cessions de parts sociales que les années précédentes.

 

« Je pense que la loi va être importante et efficace parce qu’on commence à se faire engueuler. Cela veut dire que les gens ont peur que le processus soit réellement efficace, se félicite le président de la FNSafer. Si personne n’avait réagi ça voudrait dire que la loi n’aurait pas été bien préparée. Je peux vous dire qu’on a de plus en plus de gens qui viennent se renseigner pour savoir comment ça va se passer. »

Une « remise à niveau » dans les 3 ans

Une évaluation de la loi devra être réalisée dans les 3 ans par le gouvernement. « Il faut aussi être humble. Il peut y avoir des petits éléments sur lesquels on n’avait pas prévu d’influence, admet Emmanuel Hyest. Cette évaluation permettra de se remettre à niveau, soit en allant un peu plus loin, soit en revenant en arrière si la loi est allée trop loin. »

 

> Pour tout comprendre sur le nouveau contrôle : Un nouvel outil de régulation des sociétés (09/12/2021)