Ce n’est pas qu’il s’ennuyait… « Seul avec 70 chèvres laitières et la transformation fromagère, j’avais assez de travail, sourit Adrien Bonnaz, installé à Mont-Saxonnex, en Haute-Savoie. Mais je n’aime pas être pris de court. Voyant les difficultés sur le ramassage de chevreaux naissants, je me suis vite équipé pour tous les engraisser à la ferme, alors que je me limitais à une dizaine. »

Pallier la perte de 15 000 places d’engraissement

Ces dernières années, la collecte de chevreaux dans les Alpes du Nord a connu des aléas. L’arrêt d'activité de l’engraisseur Disdier à l’automne 2024 a porté le coup de grâce. Les différents partenaires de la filière (chambres d’agriculture, syndicats caprins, Interbev) se sont démenés pour pallier la perte de 15 000 places d’engraissement dans les Alpes du Nord (Isère et Savoies).

« Nous avons organisé des webinaires pour les éleveurs et démarché des acteurs de l’aval, indique Léna Orhant, d’Interbev Auvergne-Rhône-Alpes (Aura). La crise va être gérée grâce à plusieurs solutions mises bout à bout : certains éleveurs vont engraisser pour vendre en direct, d’autres vont placer leurs chevreaux dans les filières montées à la hâte… Mais pour le plus long terme, la filière aurait besoin de réinstaller des engraisseurs dans la région – des éleveurs ayant des bâtiments vides à valoriser et un peu de temps à y consacrer. »

Géré l'urgence

Dans l’urgence, toute solution était bonne à prendre pour Adrien Bonnaz. « J’ai fait partir quinze cabris légers grâce au syndicat caprin, qui devraient être payés selon la cotation nationale en déduisant 0,2 €/kg pour le transport. Une autre filière se monte pour du chevreau lourd, qui m’en prendra dix. J’ai mes clients pour les dix cabris habituels, et je négocie avec une entreprise pour prendre les autres que j’engraisserai en lourd. »

L’éleveur a réaménagé son bâtiment et investi dans une louve afin de gagner du temps pour la distribution de lait. La louve et son raccordement à l’eau et l’électricité a coûté 7 200 € HT (aidé à 40 % par la région). « J’ai peu de travail supplémentaire : cinq minutes par jour pour voir si tout va bien, et 45 minutes tous les deux jours pour laver le matériel, confie-t-il. Maintenant que j’ai investi, je continuerai à engraisser tous mes cabris même si un nouvel engraisseur s’installe. J’espère à l’avenir mieux les valoriser en vendant le maximum en direct, car il y a de la demande. »