« Il y a autant de digestats que de méthaniseur » ; « il n’y a pas un, mais des digestats ». Voilà des formules que l’on entend chez les spécialistes du sujet. La composition des digestats peut être extrêmement variable, en fonction de tout un ensemble de paramètres : produits d’entrée (fumier de bovin, lisier de porc, déchets d’industries agroalimentaires…), type de méthanisation (voie humide ou sèche), temps de présence des substrats dans le méthaniseur, posttraitement (séparation de phase par exemple), type de stockage (couvert ou non)…  

Des guides d’utilisation

Pour mieux appréhender la diversité de ces produits, le projet multi-partenarial Ferti-Dig (1), finalisé en 2024, a pu établir une base de données mise à jour et une nouvelle classification à l’échelle nationale. « Tout ce travail a permis de développer des outils », a présenté Lucille Caradec, ingénieure de recherche à l’Inrae, lors d’une journée technique du Comifer en décembre 2024. Et en particulier la réalisation d’un site web : « fertiliser avec des digestats ». Pour tous les types de produits, « on y retrouve un guide d’utilisation, qui détaille leurs propriétés agronomiques ».

De façon générale, les produits liquides sont riches en azote ammoniacal. Ils sont à considérer pour leurs effets fertilisants, au même titre qu’un lisier ou qu’un apport d’azote minéral. Ils doivent être appliqués au plus près des besoins des cultures ; au printemps en général. Les produits solides, quant à eux, sont plutôt riches en azote organique, avec un bon potentiel amendant. L’azote qu’ils contiennent se minéralise lentement, et bénéficie aux cultures quelques mois plus tard. La diversité des situations incite à bien se référer aux analyses pour raisonner leur valorisation dans les systèmes de culture. Pour le calcul de dose, Ferti-Dig rappelle qu’il faut se référer aux coefficients d’équivalence engrais azoté (Keq N) régionaux des produits. Ils sont disponibles sur les sites internet des Dreal ou Draaf, listés sur Ferti-Dig.

Les digestats peuvent également contenir des quantités importantes de phosphore, en particulier dans les fractions solides. Cet élément y est essentiellement présent sous forme minérale. « De ce fait, sa disponibilité est presque équivalente à celle des engrais phosphatés du commerce », rappelle Ferti-Dig. Le potassium se retrouve, lui, surtout dans les phases liquides.

Prédire les caractéristiques

Le projet s’est aussi penché sur des caractéristiques sanitaires : contaminants organiques et éléments traces métalliques (ETM). Pour les ETM par exemple, « la grande majorité » des digestats sont sous les seuils réglementaires, a souligné Lucille Caradec. Mais « quelques ETM sont à surveiller », notamment « le cuivre et le zinc dans les digestats à lisier de porc majoritaires ».

Autre outil disponible : le site « Concept-dig ». Il permet de prédire les caractéristiques physico-chimiques des digestats en fonction des intrants, des procédés et des traitements, ainsi que les effets que l’on peut attendre aux champs.

(1) Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae), chambres régionales d’agriculture de la Bretagne et du Grand Est, Solagro, Instituts techniques agricoles (Acta), Association des agriculteurs méthaniseurs de France (AAMF), Laboratoire d’analyses et de recherche de l’Aisne (LDAR), et plusieurs établissements publics d’enseignement technique agricole, avec l’Association d’initiatives locales pour l’énergie et l’environnement (AILE) et le soutien financier de l’Ademe et de GRDF.