Sur ce sujet, « on peut aller à la catastrophe », estime Cédric Benoist, secrétaire général adjoint de l’Association générale des producteurs de blé (AGPB), en charge des dossiers européens. Le syndicat craint un arrêt total des importations européennes d’engrais azotés depuis les pays tiers (urée et solution azotée). Pour alerter sur cette question, sur laquelle elle estime ne pas être suffisamment entendue, l’APGB a tenu un point avec la presse le 10 octobre 2025.

Les inquiétudes reposent sur l’application du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF, ou CBAM en anglais). Cette mesure, qui a été votée lors de la précédente mandature du Parlement européen, se met en place petit à petit. Le point sur ce sujet technique.

Qu’est-ce que le MACF ?

Le MACF a instauré des mesures pour les industries fortement émettrices de gaz à effet de serre (acier, ciment… mais aussi engrais). Elles doivent ainsi payer des crédits carbone sur le marché obligatoire (1). Jusqu’alors, par une mesure transitoire, ces crédits étaient gratuits. Ce ne sera plus le cas à partir du 1er janvier 2026.

« Une usine européenne qui paye des crédits carbone se retrouve en concurrence déloyale vis-à-vis de l’extérieur de l’Union », explique Cédric Benoist, secrétaire général adjoint de l’AGPB en charge des dossiers européens. Et pour compenser cela, l’Union a imaginé une barrière douanière qu’elle veut appliquer aux produits importés.

+ 120 €/t de solution azotée, + 144 €/t d’urée

L’implémentation de cette taxe représenterait un surplus de 120 €/t de solution azotée (actuellement autour de 350 €/t) et de 144 €/t d’urée (actuellement autour de 450 €/t) selon le syndicat, qui s’est basé sur le calculateur proposé par l’autorité compétente française. « C’est ingérable pour les agriculteurs », commente Sylvain Lhermitte, responsable Europe et filières à l’AGPB.

Le MACF « serait juste si nous étions autosuffisants en engrais, mais ce n’est pas le cas », estime Cédric Benoist. L’Europe, qui ne produit que de l’ammonitrate sur son territoire, importe de la solution azotée et de l’urée. Selon l’AGPB, au moins 43 % des engrais consommés par les agriculteurs français sont importés depuis des pays tiers. « Pour nous c’est un sujet de la plus haute importance », appuie-t-il.

Arrêt des importations ?

« Les importateurs nous alertent en nous disant que si cela s’applique, ils arrêtent d’importer des engrais », informe Cédric Benoist. Ils se verraient en effet appliquer des contraintes jugées trop importantes : obligation de déclaration d’informations que les entreprises mondiales ne devraient fournir qu’à l’Europe, et prix définitif de la marchandise connu plusieurs mois après la commande notamment, car la taxe dépend du coût du carbone.

Finalement, « cela risque d’isoler le marché de l’approvisionnement européen, qui serait uniquement à la main des producteurs européens », regrette Cédric Benoist. Selon l’AGPB, les fabricants européens ne pourront pas suppléer au manque de volume que la situation générerait. Et c’est aussi sans compter que les différentes formes d’azote n’ont pas les mêmes usages.

L’AGPB demande une suspension de la mesure pour le secteur des engrais, ou des mesures de compensation. Le syndicat dénonce par ailleurs une paralysie des travaux promis autour de la souveraineté en engrais au niveau français et européen.

(1) Un marché décorrélé du marché volontaire des crédits carbones agricoles, qui se négocient de gré à gré.