« C’est un gros avantage de mélanger les intrants et d’obtenir des fertilisants homogènes », estime François Trubert, producteur à Gévézé en Bretagne. Cet éleveur de volailles et de bovins lait est méthaniseur depuis 2011. Son unité en cogénération (150 kW électrique et 177 kW thermique) et voie liquide est alimentée par 62 % d’effluents des élevages de la ferme, 16 % de Cive, 2 % de cultures spécifiques et 20 % d’autres déchets, essentiellement de l’industrie agroalimentaire.

« Avant, on s’arrachait les cheveux : il fallait gérer les fientes de volaille, fraîches ou compostées, ainsi que les fumiers et lisiers des génisses, des vaches en lactation, et des vaches taries. Chaque parcelle avait quasi un plan prévisionnel de fumure spécifique », se remémore-t-il. Désormais, la gestion des matières organiques est beaucoup plus simple.

Un bon rapport entre phosphore et azote

Il avait par ailleurs une « problématique phosphore » pour ses fientes de volailles, riches en cet élément (20 kg/t d’azote, 20 kg/t de phosphore et 20 kg/t de potasse). « J’étais obligé de composter et exporter mon fumier de volaille. Je manquais d’azote, et je rachetais de l’engrais minéral pour fertiliser mes cultures. » Un non-sens pour lui. Mais avec le brassage opéré par le digesteur, « on obtient un produit qui est adapté aux besoins des plantes, avec un bon rapport entre le phosphore et l’azote ».

Et finalement, « je suis devenu autosuffisant en engrais azoté via le digestat », souligne François Trubert, qui n’achète plus d’azote minéral. Sur ses 98 ha, cela représente l’équivalent de l’achat de 25 tonnes d’ammonitrate en moins par an. « On ne subit plus leur fluctuation de prix, et on améliore la marge des cultures », apprécie-t-il. Mais « c’est une question presque militante, qui n’est pas évidente. Il faut accepter de passer de gros engins dans les parcelles, de faire des marques, de perdre un peu de blé… »

Au début, la multiplication des passages a en effet généré des tassements. S’en est suivie une réflexion autour du sol : suppression du labour et fissuration systématique, ou encore équipement en basse pression. Cette année, il s’est tourné vers l’épandage sans tonne, réalisé par une entreprise, et compte poursuivre dans cette voie. « J’en suis très content : le matériel est passé partout en sortie d’hiver et la fertilisation a été efficace. »

Séparer les phases pour une fertilisation plus performante

Assez tôt, François Trubert a choisi de s’équiper avec un séparateur de phase. Au début, l’idée était plutôt de faciliter la gestion des stocks, mais l’intérêt agronomique s’est ensuite imposé. En effet, sans ce traitement, il a eu des « rendements catastrophiques » en blé, se souvient-il. Lorsqu’il épandait son digestat brut (10-11 % de MS) au pendillard, il formait « de petits andins qui étaient encore là à la moisson. L’azote avait été utilisé pour dégrader les paillettes du digestat, mais pas par le blé : la culture était en faim d’azote. »

Désormais, la phase liquide du digestat est appliquée par pendillard sur le blé et les prairies, « avec une meilleure pénétration dans le sol ». La phase solide est appliquée avec un épandeur à fumier à tables, plutôt sur les parcelles qui ont besoin de matière organique ou argileuses, avec un passage de cultivateur pour enfouir immédiatement. Le digestat brut est enfoui, avec du matériel à dents équipé d’un rouleau, avant maïs, colza ou Cive. François Trubert préfère cette configuration aux outils à disques, qui nécessitent un deuxième passage, malgré un point d’attention sur les résidus de culture qui peuvent bourrer devant les dents.

Éviter la volatilisation de l’azote

L’investissement dans du matériel performant a été rendu possible grâce à la méthanisation, juge-t-il. Ces outils permettent aussi d’éviter les pertes azotées par volatilisation : un point important pour l’agriculteur. Tout comme le fait de prévoir « un temps humide et pas trop ensoleillé » lors de l’épandage, note l’agriculteur. Il appuie : « Il y a un volume d’azote disponible sur l’exploitation. L’idée est d’en perdre le moins possible. »