Voici une recette qui ne manque pas de jeunesse. Pour une compote, prenez des pommes récoltées par des étudiants en BTS ACD (agronomie et cultures durables), utilisez la recette imaginée par des BTS BioQualim (1) et apposez sur l’emballage l’étiquette dessinée par les étudiants en BTSTC (technico-commercial). Cette entreprise qui jongle avec les savoir-faire de différentes formations, est la signature du lycée agricole de Valence (Drôme), « Le Valentin ».
Baignée par un soleil rare du mois de janvier, l’exploitation agricole du lycée accueille plusieurs élèves sur trois ateliers, « de la fourche à la fourchette » : les productions biologiques arboricoles (cerises, figues, pommes, vignes) et laitière (45 vaches), un atelier de transformation (« dessert fruité », moins sucré qu’une compote et yaourts) et un magasin de vente directe, en association avec treize agriculteurs.
Diversité des ateliers
Justine, 16 ans, en bac STAV est en stage d’une semaine sur la ferme. Occupée à distribuer l’aliment aux vaches, elle apprécie cette diversité. « C’est bien de découvrir les autres ateliers, je viens d’un milieu agricole mais je ne connaissais pas la transformation et la vente. » La veille, elle a donné un coup de main au tri des pommes pour le magasin. « Si le vacher n’a pas besoin d’aide, on peut aider à la transformation ou à la vente. On s’adapte aux besoins de l’exploitation », glisse celle qui voudrait devenir inséminatrice.
Réfléchir à l’échelle de l’exploitation
La diversité des ateliers assure un support pédagogique riche et concret. « On travaille avec toutes les classes sous le prisme du système global de l’exploitation », explique Guillaume Fichepoil, directeur de l’exploitation. Cette dernière n’échappe pas à la crise du lait biologique. Comment trouver de nouveaux débouchés ? La question a été posée à tous les élèves.
« Les élèves en bac STAV (2) ont réfléchi à une autre valorisation. Les BTS BioQualim se sont penchés sur la transformation et les règles d’hygiène, et les BTS TC ont réalisé des études sur la demande sur le territoire, en grandes surfaces et en restauration collective », explique le directeur d’exploitation. Le yaourt fabriqué par le lycée Le Valentin est né. Il représente aujourd’hui près d’un tiers des volumes de lait produit, et se vend à la boutique du lycée, en restauration collective et grandes surfaces.
La participation des élèves à la vie de la ferme tient à cœur au directeur d’exploitation. Au début de chaque année, une présentation de la ferme aux élèves soulève les points de réflexion et les invite à émettre des propositions. Tous les quinze jours, une réunion du conseil d’exploitation reçoit deux élèves représentants pour les intégrer aux discussions sur l’orientation et les problématiques rencontrées.
« Les choix faits sur la ferme, nous les prenons en concertation avec les équipes pédagogiques et les élèves. Cela permet d’avoir des jeunes qui s’investissent et se sentent concernées. Quand ils parlent à des agriculteurs, ils disent : “Nous, on a fait ça au Valentin” », se réjouit le Guillaume Fichepoil.
Chaque année, les élèves font une visite des différents ateliers. Et leur inclusion commence dès la seconde générale. Chaque jeune y réalise trois ministages d’une journée et demie sur l’exploitation. Aujourd’hui, c’est au tour d’Anouch, Evan et Clarisse de revêtir la charlotte de l’atelier de transformation. Ils ont commencé la matinée auprès des vaches, avant de fabriquer des yaourts et de réapprovisionner les stocks sous le regard de Fatou, en BTS BioQualim, qui les oriente dans ce nouveau monde. Aucun ne vient du milieu agricole et ils rêvent tous trois d’études de vétérinaire. Même s’ils sont une exception dans leur classe, la diversité des ateliers de la ferme fait parfois naître des vocations.
L’enseignement agricole face aux défis de demain (13/03/2024)
C’est le cas de Dorian Robin, un ancien élève venu discuter avec les salariés de l’exploitation. Il est en alternance dans l’entreprise qui achète les yaourts du Valentin pour les vendre en grandes surfaces. Son parcours, « ce ne sont que des coïncidences ». Ses parents ne sont pas dans l’agricole. Il l’a découvert au lycée, en seconde générale.
Après un bac STAV, Dorian s’est laissé convaincre par ses professeurs de partir en BTS TC, après avoir repéré des compétences en relationnel, alors qu’il était bénévole sur le salon Tech & Bio, que le lycée accueille tous les deux ans. « Au début, je n’étais pas du tout scolaire, mais maintenant je réfléchis à un master ! », s’étonne encore l’ancien élève.
(1) BioQualim : qualité, alimentation, innovation et maîtrise sanitaire. (2) STAV : sciences et technologies de l’agronomie et du vivant.