L’une des premières raisons qui pousse les jeunes à se diriger vers l’enseignement agricole est le goût du métier et la volonté d’exercer un travail qui contribue à produire une alimentation de qualité. Telles sont les conclusions des travaux de concertation menés auprès d’un échantillon d’apprenants et réalisés au printemps 2023, dans le cadre de la construction de la loi d’orientation et d’avenir agricoles.

Besoin de renforcer les connaissances

Des concertations qui révèlent aussi que 85 % des apprenants dans la production agricole considèrent que leur formation correspond à leurs attentes. Seule ombre au tableau, l’apprentissage des enjeux agroécologiques : 66 % des élèves ne s’y sentent globalement pas assez préparés pour leur futur métier et ils sont nombreux à songer que leurs connaissances sur ces enjeux doivent être renforcées.

Quelques solutions sont proposées : « renforcer certains cours (écologie, agronomie) », « s’appuyer davantage sur la pratique », ou être en contact « avec ceux qui innovent ou ont des pratiques vertueuses ». Les sondés suggèrent également que les établissements puissent créer « des temps affectés au dérèglement climatique, au-delà des cours » ou développent « des actions sur l’utilisation de l’énergie ».

Énergie renouvelable

Pourtant, ces sujets se sont déjà invités sur les polycopiés comme sur les exploitations de lycées agricoles. Au lycée agricole d’Obernai (Bas-Rhin), le méthaniseur fait partie intégrante de l’exploitation. Les élèves alimentent le digesteur, notent les données de consommation et de production. « C’est tout un travail de suivi journalier que font les élèves », assure Freddy Merkling, responsable de l’exploitation, pour qui le travail sur le cycle du carbone est nécessaire.

Des panneaux photovoltaïques ont aussi fleuri le toit des bâtiments dès la fin des années 2000. Même s’ils ne génèrent aucun travail pour les élèves, c’est un moyen de leur montrer comment améliorer la rentabilité économique de la ferme, insiste le responsable.

Au lycée horticole de Lyon Dardilly, les panneaux photovoltaïques font aussi partie du paysage, mais ce sont au-dessus des cultures qu’ils ont été mis en place, en février 2023. Le projet d’agrivoltaïsme est un « support pédagogique pour illustrer la question des énergies renouvelables », assume Xavier Bunker, directeur de l’exploitation.

Pas question pour autant d’enseigner les caractéristiques de l’agrivoltaïsme aux élèves horticulteurs sans avoir validé les résultats expérimentaux. « Ce serait très prématuré, pour l’instant on est plutôt sur une approche de présentation », décrit Xavier Bunker.

Le directeur de l’exploitation n’exclut pas non plus de développer un module à l’avenir pour des agriculteurs expérimentés : il observe déjà des effets bénéfiques de l’agrivoltaïsme sur les économies d’eau. L’enseignement agricole est confronté à une transition écologique donc, mais aussi robotique et numérique.

Agriculture de précision

Pionnier à ce sujet, le lycée agricole Jean Monnet de Vic-en-Bigorre (Hautes-Pyrénées) était l’un des premiers à se doter d’un robot de traite en 2009. Dans ce secteur, les quelques élèves qui s’installent en élevage laitier investissent souvent dans un robot, après l’avoir vu à l’œuvre pendant leur formation.

Les étudiants apprennent à se servir d'un robot de traite dans leur formation au lycée de Vic-en-Bigorre. (©  Philippe Glorieux )

Sur l’exploitation, on retrouve des colliers de détection de chaleur, un robot de désherbage et même un drone pour observer les 40 hectares de cultures. Une technologie au service de la technique et qui ravit les étudiants, « attirés par le machinisme et la technologie », précise Clara Font, directrice de l’exploitation. Il y a un an, le lycée innove de nouveau avec la mise en place du pâturage couplé au robot de traite, répondant au besoin de maintien des prairies contre le réchauffement climatique.

Depuis deux ans, le lycée Issat de Redon (Ille-et-Vilaine) accueille, quant à lui, le bachelor européen en agroécologie et agriculture de précision. Cette formation s’est construite avec les professionnels. « Lors des rencontres avec les concessionnaires et les constructeurs, nous avions repéré des métiers émergents autour des techniciens de l’agriculture de précision, témoigne Patrice Sauvage, directeur adjoint, à la genèse de la formation. Ce sont des métiers qui se mettaient en place chez les constructeurs et aussi chez les agriculteurs développant des outils connectés sur leur exploitation. »

Formés sur un an, les élèves se destinent « aux métiers des outils connectés chez des constructeurs, des concessionnaires ou des Cuma tout en étant capables de prendre en compte les transitions agroécologiques », souligne Patrice Sauvage, également référent pour le plan « Enseigner à produire autrement » (EAP).

Rénover les formations

Depuis 2014, les plans pluriannuels EAP se déclinent à l’échelle des centres de formation à l’aide d’une centaine de référents basés dans les établissements. Ils visent à engager une dynamique autour de l’agroécologie dans l’enseignement agricole. Des actions que le ministère de l’Agriculture compte approfondir.

En décembre dernier, Marc Fesneau a présenté le pacte d’orientation pour le renouvellement des générations en agriculture. L’un des quatre grands axes s’attarde sur l’arrivée d’une nouvelle génération d’agriculteurs compétents sur la transition écologique et climatique. La mesure 7 appelle à favoriser, au sein des établissements agricoles, la mise en œuvre « des politiques de renouvellement et de transitions » et à renforcer le plan « EAP ».

D’ici à la fin de cette année, la mesure 8 prévoit de rénover la totalité des référentiels de formation initiale en intégrant les enjeux de transition agroécologique. Un conseil scientifique et technique sera sollicité lors de cette rénovation. Au travers de la mesure 9, le gouvernement prévoit enfin de mobiliser près d’un millier d’experts chargés de répondre aux besoins des équipes éducatives dans certains domaines (atténuation du changement climatique, robotique agricole, autonomie protéique, sélection variétale, hydraulique, etc.).

Salarié et salarier

Mais outre les aspects environnementaux, l’agriculteur de demain doit aussi apprendre à devenir un chef d’équipe ou même un futur salarié. Le dernier recensement agricole révèle qu’entre 2010 et 2020, l’emploi des salariés permanents non familiaux a augmenté de 9 % pour atteindre 139 000 ETP (équivalent temps plein). La participation des actifs familiaux chute à 54 000 ETP en 2020, soit une diminution de 38 % en dix ans. Près d’une exploitation sur six externalise une partie de ses travaux.

À l’heure où le recours à cette main-d’œuvre extérieure est de plus en plus courant, les futurs chefs d’exploitation sont amenés à acquérir de nouvelles compétences liées à la gestion du personnel. C’est l’objet de la licence que propose l’IUT de Pontivy (Morbihan) depuis une quinzaine d’années. Les éventuels futurs salariés peuvent, quant à eux, se former sur différentes exploitations, découvrir une variété de systèmes de production, comme le fait Théo, apprenti pour le service de remplacement Elioreso.