Les filières en agriculture biologique traversent une mauvaise passe. Le secteur laitier ne fait pas exception. Après une croissance ralentie en 2022, « on observe sur les sept premiers mois de 2023 un recul très conséquent de 3,9 % de la collecte de lait bio, rapporte Christine Goscianski, agroéconomiste à l’Institut de l’élevage (Idele). Dans les régions des Pays de la Loire, Bretagne et Auvergne-Rhône-Alpes, qui concentrent 57 % du lait bio produit en France, la production a même baissé de 5 %. »

Moins de livreurs

La sécheresse de l’an passé a fortement impacté les livraisons. D’autres phénomènes plus structurels sont aussi à l’œuvre. « Le nombre de livreurs baisse depuis la mi-2022 », poursuit Christine Goscianski. De janvier à juillet 2023, il recule de 2,5 % sur un an. « Il y a des déconversions, mais pas seulement. Lors de départs en retraite, l’atelier laitier n’est pas forcément repris. »

Et pour cause : la rentabilité s’érode avec le recul du prix. « Habituellement, l’écart avec le lait conventionnel était 100 à 120 €/1 000 l. Désormais, il se situe plutôt autour de 30 €/1 000 l », chiffre l’agroéconomiste. « Selon les indicateurs publics, le prix de revient du lait bio s’établissait à 550 €/1 000 l en 2022, avec une majoration pour les zones de montagne, abonde Yannick Pechuzal, chef de projets à l’Idele. La paie de lait n’est pas à ce niveau. »

L’écart avec du lait bio avec le lait conventionnel se situe désormais autour de 30 €/1 000 litres. (© GFA)

« Marché étroit »

Pour Christine Goscianski, les difficultés de la filière du lait bio s’expliquent par la nature de ses débouchés. « C’est un marché très étroit, essentiellement tourné vers la consommation à domicile en France. Il y a peu d’exportations. » Or depuis 2022, l’inflation a fait évoluer le comportement des consommateurs. « Il y a une baisse des achats en volume, un recours à des enseignes moins coûteuses, et une descente en gamme. »

L’an passé, les ventes en magasin de produits laitiers bio avaient chuté de 8 à 16 % selon les catégories, contre –1 à –4 % pour les produits laitiers non bio. Sur les sept premiers mois de 2023, « les ventes de produits laitiers non bio ne reculent plus, tandis que la baisse se poursuit pour les produits laitiers bio », observe l’agroéconomiste. Elle estime que dans les linéaires, « un seuil psychologique est atteint ».

L’an passé, les ventes en magasin de produits laitiers bio ont chuté de 8 à 16 % selon les catégories. (© GFA)

Est-ce à dire qu’une crise durable s’installe ? « Le recul de la collecte devrait se poursuivre en 2024 », anticipe Christine Goscianski, qui insiste pourtant sur « l’importance du maintien de la ressource ». Si l’amélioration du pouvoir d’achat est indispensable au retour de la consommation de produits laitiers bio, « ce n’est pas une condition suffisante, prévient-elle. Il y a un manque de visibilité dans l’offre laitière proposée. Il y a une valeur ajoutée qui n’est plus perçue par le consommateur, et qu’il faudra recréer. »