« On est dans la glu depuis quelque temps », résume Loïc Guines, président de l’Agence bio le 21 septembre 2023, au salon Tech & Bio à Bourg-lès-Valence (Drôme). Inflation, baisse du pouvoir d’achat et de la consommation… Si les temps sont durs pour les produits alimentaires, le bio souffre particulièrement du resserrement des dépenses. « La consommation à domicile représente 92 % du marché bio. Les risques ne sont pas assez diversifiés », explique Laure Verdeau, directrice de l’Agence bio.

En fruits et légumes bio frais, les difficultés sont structurelles et conjoncturelles. « La descente en gamme et les arbitrages de consommation ont entraîné en 2022 un recul de 12 % sur un an des achats en volume, estime Paulin Matchon, d’Interfel. De plus, pour un certain nombre de produits, on est à un stade où le potentiel de production surpasse celui de la consommation, ce qui déséquilibre l’équation offre/demande. »

Abattages en baisse

La baisse de consommation et la « viande bashing » sont un problème dans les filières bovines et ovines, explique Thierry Saint-Saens, directeur de la Sicaba, abattoir agréé pour l’abattage des viandes sous signe officiel de qualité. En France, les abattages ont diminué de 10 %. « Pourtant, on ne manque pas de viande pour nourrir les consommateurs. On a fait le jeu de la concurrence internationale », déplore-t-il. En lait bio, les conversions de nouveaux éleveurs bio se tarissent, et les cessations devraient entraîner une baisse de la production. « On observe un ralentissement de la baisse du prix payé aux producteurs, relève Samuel Bulot, du Cniel, l'interprofession laitière. On a envie d’y croire. »

Animal et végétal interconnectés

La filière avicole bio connaît, quant à elle, une superposition de crises, dont l’influenza aviaire. « La disponibilité dans les rayons bio en a pâti. Des acheteurs ont revu leur manière de distribuer les produits volailles en divisant le risque géographiquement, ce qui a mené à des perturbations de contractualisation », explique Jérôme Caillé, producteur de volailles bio dans les Deux-Sèvres. Le conflit en Ukraine a par ailleurs fait exploser le prix des matières premières, alors que l’alimentation représente 70 % des coûts de production. Jérôme Caillet note aussi un changement des modes de consommation, avec un délaissement des produits volailles et œufs. « Si on ne connecte pas l’offre et la demande de manière cohérente, on n’est pas près de sortir de la crise », souligne-t-il.

« Quand l’animal va mal, le végétal va mal », renchérit Emmanuel Leveugle, vice-président de la commission bio d’Intercéréales-Terres Univia. Les difficultés des fabricants d’aliments du bétail se traduisent par un manque de débouchés en grandes cultures, alors que le million de graines collectées a été atteint en 2021-22 et 2022-23. Pour écouler la production, de nouvelles voies sont en cours de construction. « Les bonnes qualités des blés bio français ont permis des échanges intracommunautaires. Nous avons vendu près de 10 % aux pays nordiques », indique Emmanuel Leveugle.