Comme l’ensemble de l’agriculture, les produits sous signes de qualité et d’origine (Siqo) sont appelés à s’adapter au réchauffement climatique. Un phénomène qui nécessite parfois de revoir les cahiers des charges de certaines indications géographiques protégées (IGP) et d’appellations d’origine protégées (AOP).

Un sujet sur lequel s’est penché un séminaire organisé le 26 septembre 2023 par l'Inrae et l’Inao. « Avec le réchauffement climatique, la crédibilité des indications géographiques est questionnée, observe Philippe Jeanneaux, enseignant-chercheur à VetAgro Sup. Il y a des agriculteurs tentés par des pratiques innovantes qui vont à l’encontre de leur indication géographique. Dans l’élevage par exemple, les animaux ne sortent pas à certaines périodes de l’année. En été et à 40 degrés, les vaches ne vont pas bien et elles restent enfermées dans des bâtiments ventilés avec des brumisateurs. Cela peut aller à l’encontre de l’obligation de sortir les animaux. »

Des évolutions trop lentes

Si « les cahiers des charges évoluent déjà par rapport au réchauffement climatique et qu’ils vont continuer en ce sens », comme l’explique Pierre Bernoux, le coprésident de la commission de l'économie du Conseil national des appellations d’origine laitières (Cnaol), l’évolution est trop lente. « Le monde agricole s’est toujours adapté à tout, les Siqo aussi avec les évolutions des cahiers des charges déjà réalisées, martèle Philippe Brisebarre, président du conseil permanent de l’Inao et entrepreneur viticole. Mais l’élément qui change, c’est le temps. Les évolutions climatiques sont plus rapides que nos capacités d’adaptation. Il faut aller plus vite. »

Philippe Brisebarre ajoute que des outils sont mis en place notamment dans certains cahiers des charges d’appellations viticoles pour les adapter aux conséquences du réchauffement climatique. Certaines appellations peuvent ainsi introduire des cépages grecs, italiens et portugais dans une proportion limitée. Une introduction dont les résultats sont ensuite évalués. « S’il y a un des cépages qui exprime parfaitement un terroir, il faut l’adopter, estime-t-il. La mise en place de ces dispositifs est compliquée. Tout le monde est contre au début. Alors que cela existe depuis trois ou quatre ans, il y a aujourd’hui vingt organismes de défense et de gestion (ODG) des appellations qui ont passé le cap. Les ODG n’ont pas toujours envie. Pour une fois, ce n’est pas l’Inao qui est en retard. »

Un écho que l’on retrouve également dans la région des Hauts-de-France. « Les ODG ne sont pas très motivés. L’évolution des cahiers des charges n’est pas facile et prend du temps », témoigne Cathy Gautier, directrice du Groupement régional pour la qualité alimentaire en Hauts-de-France.

Améliorer la communication

Au-delà des évolutions, les intervenants observent aussi un déficit de communication autour des signes de qualité et d’origine. « Il faut que nous communiquions sur les aspects positifs de tout ce que les appellations peuvent amener sur un territoire », insiste Pierre Bernoux. Le stockage du carbone et l’entretien des paysages font notamment partie des externalités positives citées par les intervenants.

Des externalités qui doivent être sans cesse améliorées, à en croire Philippe Jeanneaux. « Est-ce qu’on peut produire en indication géographique en donnant du concentré ou du soja qui vient du Brésil ? Il faut aller vers des systèmes plus vertueux. J’ai vu par exemple en Saint-Nectaire, un système totalement herbager avec des prés, des bois, des bocages et beaucoup de stockages de carbone. C’est un système qui produit de la richesse, des bons aliments, dans des territoires entretenus et occupés de manière harmonieuse dans de beaux paysages. Ce sont ces systèmes-là qui ont de l’avenir », selon l’enseignant-chercheur.

Quelles que soient les évolutions envisagées, les signes de qualité et d’origine doivent rester accessibles au plus grand nombre. « Les Siqo n’ont pas pour vocation d'être destinés exclusivement à des consommateurs riches et urbains. Nous devons être en mesure de proposer des Siqo abordables. Si nous commençons à verser dans l’élitisme, cela se cassera la figure, prévient Philippe Brissebarre. Nous voyons ce qu’il se passe avec le bio. »